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Faire encore le procès de la Chine ou expliquer ce qui se passe

On parle régulièrement du Canada et des États-Unis comme des États de droit, comme des pays où la justice est indépendante, où les pouvoirs sont séparés, ... Mais on dit de la Chine que c’est un pays où « il n’y a pas de hasard », où l’on téléphone aux juges, où les lois sont incompatibles avec les droits humains fondamentaux, ...

Tout ça me fait bien rigoler. Car l’hostilité dans le cas qui nous occupe vient bien des États-Unis. Et je ne le dis pas par penchant aveugle pour la Chine. Le socialisme, dont se réclame la Chine, a dernièrement été critiqué très durement par Trump à l’ONU. Et tous les néolibéraux de ce monde sont derrière lui pour dénoncer l’arbitraire des communistes chinois.

Allons donc plus loin.

La fonction présidentielle aux États-Unis est au sommet du pouvoir de l’État. Cependant, Trump n’a pas à appeler quiconque à la CIA pour que la centrale fasse enquête et accuse une bourgeoise chinoise de déroger aux lois du pays. Cette institution étasunienne a pour rôle de défendre ce qu’elle croit être l’intérêt national, donc l’application des lois étasuniennes. Même celles qui vont à l’encontre de l’indépendance des peuples comme les lois sur l’Iran.

Par ailleurs l’Iran n’est pas loin d’être déclarée menace à la sécurité nationale des USA, si elle ne l’a pas déjà été. Des lois américaines, extra-territoriales, interdisent d’aller contre l’embargo qui vise ce pays en développement. Ce sont des sanctions qui tiennent de l’hégémonie étasunienne. Du rôle que se donne les États-Unis comme gendarme du monde. Et malgré les réticences de Trump face au coût faramineux de ce rôle pour son pays, il montre tous les jours qu’il n’est pas prêt à y renoncer, dictant ici et là les règles de conduite pour tout le monde.

Alors, dans quel pays au juste n’y a-t-il pas de hasard ? Le système judiciaire américain, tout comme le canadien d’ailleurs, qu’un traité d’extradition lie à ce pays par connivence politique antérieure, peut très bien assumer un rôle politique. Et ce indépendamment du pouvoir du Président ou de l’exécutif canadien parce que les lois des USA et les traités internationaux sont en partie liées au rôle hégémonique de ce pays dans le monde.

Pourquoi la Lybie, la Syrie, l’Irak, le Venezuela, la Bolivie, Cuba (... et combien d’autres ?) goûtent-ils encore régulièrement à la médecine étasunienne ? Pourquoi les États-Unis s’arrogent-ils le droit de manifester, sans aucune retenue, leur hostilité envers différents pays dont ils soupçonnent toujours la menace à leur sécurité nationale ? La Chine ne s’affiche-t-elle pas d’autre part comme l’alliée sûre des pays en développement ? Et si une de ses ressortissante a violé une loi américaine qui va à l’encontre d’un de ces pays, qu’y a-t-il de plus conforme aux valeurs chinoises de solidarité internationale que la Chine s’insurge, et pour sa citoyenne accusée, et pour l’Iran victime de la rigueur des États-Unis comme pays en développement indépendant.

Mon raisonnement est simple : les systèmes de justice peuvent se politiser sans égard à leur indépendance du politique. On l’a vu au Brésil avec les accusations contre Lula. C’est même leur rôle de voir à l’application des lois que les politiques ont étudié minutieusement et adoptées pour garantir la pérennité des différents systèmes. Que ce soit aux États-Unis ou en Chine, les systèmes de justice sont supposés indépendants par tout le monde. Ce qui fonde l’État de droit. Dont on nie trop souvent le statut à la Chine.

Mais leur indépendance ne va pas au-delà de ce que les lois leur dictent comme ligne de conduite. Si les lois américaines et chinoises sont les garantes des systèmes politiques libéraux ou socialistes, elles se politisent d’elles-mêmes lorsque l’on déroge aux lois. C’est le rôle des exécutifs politiques de proposer des lois encadrant les juges et les tribunaux.

Dans l’imbroglio entre le Canada et la Chine se manifeste aussi l’alliance de celui-ci avec les États-Unis. La Chine le déplore sûrement parce qu’elle permet, sans distance critique indépendante, l’application des lois étasuniennes extra-territoriales à l’Iran et contre une de ses citoyenne. Une géopolitique qui fait intervenir l’état des relations entre les pays en développement comme la Chine et l’Iran et les pays dominants occidentaux comme les États-Unis et le Canada permet de mieux comprendre ce qui arrive à ce pauvre Canada qu’on dit trop facilement, sans explication logique et pour en défendre la candeur, « mêlé à un conflit entre deux géants de l’économie mondiale ». Et la Chine demanderait au Canada de choisir sa loyauté. Soit.

Mais la connivence habituelle du Canada avec les États-Unis le place dans une posture, non pas « délicate » comme on le dit, mais de servile instrument des États-Unis face à un pays en développement impliqué dans le conflit par individualité interposée : la femme d’affaire chinoise de passage au Canada. Qu’elle ait ou non enfreint la loi américaine, la justice de ce pays a tranché en sa défaveur selon les intérêts américains et veut l’appréhender. Pour leur part, les « espions » canadiens en Chine ne sont pas moins pris dans le tordeur. Grand bien leur fasse, eux qui ont voulu jouer sur la scène internationale, sans autorisation en Chine, des rôles qui ont mis leur pays dans l’embarrassante position de les défendre comme leurs citoyens. Comme le prescrit le droit international sans égard à la politisation des systèmes juridiques de part et d’autre.

La Chine joue son rôle de protectrice de sa ressortissante et s’offusque de lois étasuniennes qui pourraient se retourner contre elle en cas d’embargo décrété par les États-Unis. Elle est méfiante et parfaitement dans son droit. Et Trudeau le sait qui invoque « la prudence dans les relations internationales ».

Mais du côté des États-Unis, on révèle encore une fois la fâcheuse tendance à dicter les règles du jeu cette fois grâce à leur système judiciaire. C’est donc ce pays qui se place au dessus du droit international et le Canada ne devrait afficher aucune honte à satisfaire la Chine et libérer la femmes d’affaire. Au prix de voir son système de justice devoir se politiser en faveur de ses intérêts nationaux malgré la prétendue indépendance judiciaire que tout le monde défend comme « liant le Canada » au souhait des États-Unis. Le juge canadien en toute intelligence politique devrait y réfléchir à deux fois avant de faire appliquer le traité d’extradition et de refuser sa liberté complète à madame Meng Wanzhou.

Guy Roy
du parti communiste du Québec

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Journaliste, écrivain, professeur d’université, médecin, essayiste, économiste, énarque, chercheur en philosophie, membre du CNRS, ancien ambassadeur, collaborateur de l’ONU, ex-responsable du département international de la CGT, ancien référent littéraire d’ATTAC, directeur adjoint d’un Institut de recherche sur le développement mondial, attaché à un ministère des Affaires étrangères, animateur d’une émission de radio, animateur d’une chaîne de télévision, ils sont dix-sept intellectuels, qui nous parlent (...)
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