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Et si Wikileaks n’était qu’une vaste supercherie médiatique ?

Je ne suis pas nécessairement un fervent adepte de la théorie du complot, mais je dois avouer qu’il y a quelque chose qui me dérange dans ce monumental déballage d’informations supposées être secrètes par le site Wikileaks. Un vrai scénario dans la pure tradition hollywoodienne. D’ailleurs, il n’est pas impossible que cette histoire soit bientôt adaptée à l’écran.

D’abord, il y a le « héros »

Le coupable présumé de cette fuite massive d’informations est un jeune féru d’informatique qui a fait sauter tous les verrous sécuritaires de la diplomatie américaine et qui nous offre sur un plateau 251 287 documents de la plus haute importance par l’intermédiaire de CD de Lady Gaga [1,2]. Et pour donner une touche mélodramatique, on nous apprend que le jeune en question est homosexuel, incompris et rejeté pas son entourage, qu’il est frustré de la société en plus d’être issu d’une famille monoparentale. Tout un personnage.

Ensuite, il y a la forme

Inaccessible pour le commun des mortels depuis la première mise en ligne de ces nouveaux documents, Wikileaks fait affaire avec cinq journaux. On peut lire dans « Le Monde » du 29 novembre 2010 : « Ces publications s’effectuent en collaboration avec les rédactions du New York Times (États-Unis), du Guardian (Grande-Bretagne), d’El Pais (Espagne), du Spiegel (Allemagne) et du Monde pour la France, dont les journalistes ont commencé à analyser et synthétiser les informations contenues dans ces câbles, en fonction de leur importance » [3] .

Mais pourquoi seuls cinq journaux « occidentaux » sont impliqués dans ce déballage ? Le Monde nous explique que « En octobre, nous (i.e. Le Monde) avons rejoint trois journaux, le New York Times, le quotidien britannique The Guardian et l’allemand Der Spiegel, déjà partenaires de Wikileaks dans la diffusion d’une première vague de documents militaires américains sur l’Afghanistan, en juillet, pour pouvoir analyser par nous-mêmes une nouvelle masse de documents du Pentagone livrés à Wikileaks, cette fois sur l’Irak, et offrir aux lecteurs francophones notre propre expertise » [4]. Mais alors pourquoi Wikileaks ne fait pas affaire avec des médias arabes, chinois, brésiliens ou indiens ? Serait-ce pour leur absence d’intégrité ou leur manque de compétence ?

On nous apprend aussi que les cinq journaux ont travaillé sur les mêmes documents bruts et que le « New York Times (qui est en première ligne), a informé les autorités américaines des télégrammes qu’il comptait utiliser, leur proposant de lui soumettre les préoccupations qu’elles pourraient avoir en termes de sécurité ». Des documents secrets qui sont supposés discréditer l’administration américaine seraient soumis à l’approbation des mêmes autorités américaines. Comprenez-vous quelque chose ? J’avoue que j’ai quelques difficultés. Ou alors, il est vrai que Wikileaks s’embourgeoise comme le remarque le site « Kitetoa », spécialisé dans les libertés individuelles et la sécurité informatique [5].

Il est clair que pour l’administration américaine, la publication de ces documents par Wikileaks est « illégale » [6]. D’où vient alors sa légalité lorsque ces mêmes informations sont publiées par les cinq journaux ? Est-ce parce que la publication a reçu la bénédiction des autorités américaines ? Dans ce cas-là , il y a de sérieuses questions à se poser au sujet de l’indépendance de la presse et de sa liberté d’expression. Cela va même à l’encontre de l’esprit frondeur et libertaire qui est le fondement de Wikileaks.
D’autre part, les cinq journaux, qui ont mobilisé pas moins de cent-vingt journalistes pour la tâche, ont soigneusement retiré tous les noms et indices pouvant identifier les personnes. Les télégrammes publiés sont classés « secrets », « confidentiels » ou « non classifiés ». Aucun d’entre eux n’est classé « Top Secret » [7]. Est-ce de la censure ou de l’autocensure ? Peut-on parler de médias « embedded » même s’ils ne sont pas physiquement sur un quelconque front ?

Finalement, il y a le fond

Les informations divulguées par les médias « embedded » ont une portée différente selon les personnes ou les situations dont elles traitent. Intéressons-nous tout d’abord aux « grands » de ce monde. Sarkozy est « susceptible et autoritaire », Berlusconi « incapable et inefficace », Merkel « évite de prendre de risques et manque souvent d’imagination », Poutine et Medvedev sont qualifiés de « Batman et Robin » [8]. Même si les adjectifs sont quelque peu irrévérencieux, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. On est à des années-lumière de ce qui se publie régulièrement dans les journaux des propres pays de ces leaders. La preuve de la bénignité de ces qualificatifs est qu’aucun de ces dirigeants ne s’est offusqué des paroles, bien au contraire. Ils ont assuré les américains de leur soutien et ont fustigé Wikileaks [9]. D’un autre côté, Chavez est traité de « fou », Karzai d’ « extrêmement faible » et Erdogan d’« islamiste assoiffé de pouvoir, certes pragmatique mais sans vision » qui « hait tout simplement Israël » [8, 10].

Un planisphère interactif parsemé de points blancs indiquant les pays cités dans les documents secrets a été publié par le Guardian [11]. La concentration de points blancs indique clairement que les lumières ont été focalisées sur le Moyen-Orient et la région du Golfe. Ainsi, de l’avis de tous les observateurs, ce sont les relations de l’Iran avec ses voisins arabes qui sont la cible principale de ces premières divulgations. Publier les propos incendiaires contre l’Iran émanant du roi d’Arabie Saoudite, du roi du Bahreïn, du ministre émirati des Affaires étrangères, du premier ministre qatari, du prince héritier d’Abou Dhabi et du président égyptien [12] ne peut être considéré comme un acte innocent, dicté par un simple devoir journalistique et dénué de toute arrière-pensée politique. Y ajouter des informations sur la relation Iran-Hezbollah [13] et de l’acquisition de l’Iran auprès de la Corée du Nord de « missiles de technologie avancée lui permettant d’atteindre l’Europe occidentale » [14] et le battage médiatique est consommé.

Par contre, il est étonnant de ne rien lire sur les dirigeants israéliens, par exemple. Sont-ils considérés comme des Américains, donc non sujets à des critiques ou, alors, l’information a été bloquée par certains filtres ? Et qu’en est-il du massacre de Gaza, du pilonnage du Liban, du raid meurtrier contre la flottille de la paix ou de l’assassinat de Rafik Hariri ? Le mutisme des diplomates américains à ce sujet est très éloquent, c’est le moins qu’on puisse dire.

Ne nous avait-on pas pourtant promis 251 287 documents ? A moins qu’ils ne parlent tous du même sujet.

Par Ahmed Bensaada
Docteur en physique
Montréal (Canada)
http://www.ahmedbensaada.com/

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