à moins de dix jours des élections en Grèce, les politiciens et les technocrates vont à la pêche aux voix en utilisant une méthode qui a déjà fait ses preuves : le terrorisme psychologique. Un seul but : conditionner le choix du peuple hellène. L’ex premier ministre grec et ex vice-président de la banque centrale européenne (BCE) mais toujours membre de la commission Trilatérale, Loukás Papademos, a ainsi ouvert le bal. Dans un appel chargé d’émotion, il a plaidé le maintien de son pays dans la zone euro, tout en soulignant qu’en sortir pousserait inévitablement la Grèce « dans le tourbillon de l’autodestruction ». Non content de son effet, il s’est aventuré à quelques prévisions, avertissant qu’ « une telle décision (sortir de l’euro, NDLR) aurait des conséquences profondément négatives ». Parmi celles-ci, un véritable boom de l’inflation (jusqu’à 50 %) et une chute de 20 % du produit intérieur brut.
L’hypothèse selon laquelle la Grèce pourrait abandonner la zone de la monnaie unique a en fait été abordée dès la publication des résultats des dernières échéances électorales, en mai dernier. Et étant donné qu’une majorité claire disposée à accepter les diktats de l’union européenne et de la BCE ne s’était pas dessinée, le chef de l’État a décidé que les Grecs retourneraient aux urnes le 17 juin. Papademos, qui a été remplacé par un gouvernement de transition (à la tête duquel on trouve aujourd’hui Panagiotis Pikrammenos), a fait part de ses craintes dans un discours tenu à l’institut de la finance internationale (IIF) à Copenhague : « les conséquences économiques pour la Grèce de la sortie de la zone euro seraient désastreuses, ou, pour utiliser un mot grec, catastrophiques », a souligné le technocrate au service de la haute finance apatride.
L’ex premier ministre, qui a contribué à l’apurement de 206 milliards d’euros alors qu’il occupait sa fonction, avance une série de mauvaises nouvelles en tous genres : « l’inflation devrait augmenter, le salaire réel subirait une contraction et le système bancaire connaîtrait un stress énorme ». Papademos a fait ses propres calculs, laissant ainsi entendre que l’inflation pourrait atteindre un taux record de 30 %... voire 50 %, alors que le salaire réel national pourrait dans le même temps se contracter de quelque 20 %. « Le salaire réel, a précisé l’ex premier ministre, pourrait diminuer substantiellement pour plusieurs raisons parmi lesquelles le stress subi par le secteur bancaire et l’exclusion des entreprises des marchés financiers internationaux ». Et l’homme de la Trilatérale, sachant que l’IIF représente plus de 450 groupes financiers et qu’il a lui-même négocié la souscription d’un emprunt grec en faveur de banques privées, a exprimé alors toute sa gratitude à ceux qui, de la BCE au fonds monétaire internationale (FMI), ont contribué à mettre à genoux la Grèce.
Mais ce n’est pas tout. Nikos Lekkas, directeur de la brigade des contrôles fiscaux, a confirmé les propos tenus par la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, selon lesquels le peuple grec devait commencer à payer les impôts. « Je suis totalement d’accord avec Lagarde », observa Lekkas au quotidien allemand Die Welt. « L’évasion fiscale en Grèce représente entre 12 à 15 % du produit intérieur brut, soit 40 à 45 milliards chaque année. Si nous pouvions en récupérer la moitié, le problème de la Grèce serait résolu », précisa Lekkas. Mais les deux technocrates, l’un grec et l’autre française, n’osent pas admettre que 30 % des Grecs vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. D’autre part, les chiffres mettent clairement en évidence les effets de la récession au premier trimestre : le PIB a ainsi connu un recul de 6,5 % par rapport à la même période l’an dernier. Cela fait maintenant plus de trois ans que la Grèce connaît une baisse continue de son PIB.
Mais ces chiffres ne suffisent pas aux technocrates. Ils préfèrent de loin demander d’autres sacrifices au peuple grec, comme si ceux qu’il avait faits jusqu’à présent ne suffisaient pas.
Capitaine Martin