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Devant les convulsions du monde : quel avenir pour l’OPEP ?

« Laissez-moi vous dire ce que nous, Israéliens, avons contre Moïse. Il nous a menés pendant 40 ans à travers le désert pour finalement nous installer dans le seul coin du Moyen-Orient où il n’y a pas une goutte de pétrole. »
Golda Meir (Le Sable et l’écume)

L’OPEP fête ce 14 septembre ses cinquante ans d’un parcours chaotique qui ne laisse pas indifférent. Dans une communication précédente que j’avais intitulée « A quoi sert l’OPEP ? » j’avais pointé du doigt le fonctionnement erratique de cette institution qui a eu ses heures de gloire dans les années 70 avec des ministres de la trempe de Zaki Yamani ou encore Belaïd Abdesslam. Souvenons-nous, au plus fort de la guerre de Ramadhan de 1973 (Kippour dans la vulgate occidentale), ces deux ministres, l’un représentant les réserves les plus importantes au monde, l’autre un pays pionnier de la reprise en main des richesses pétrolières avec le fameux « Kararna t’emime el Mahroukate », « Nous décrétons la nationalisation des hydrocarbures », avaient donné à l’OPEP une dimension planétaire. Dès le début, l’OPEP a été lourdement combattue, notamment après la guerre de Ramadhan de 1973, date à laquelle on l’avait accusée d’étrangler la croissance occidentale par une augmentation des prix du pétrole.

Petit retour en arrière : l’OPEP a été créée le 14 septembre 1960 à l’initiative de 5 pays (Venezuela, Iran,Irak, Arabie Saoudite et Koweït) le but étant de défendre un prix juste pour le baril de pétrole. Ces pays touchaient des royalties tout à fait symboliques (12%). La création de l’OPEP intervient dans ce contexte d’exacerbation de la concurrence. Au début de 1959, les prix sont encore réduits de 9%. Les grandes compagnies pétrolières « Le sette sorele » (les sept soeurs), pour reprendre l’expression juste de Enrico Mattei, s’érigeaient en un véritable cartel. Ce sont la Standard Oil of New York (Mobil Oil), la Standard Oil of California (Socal), la Standard Oil of New Jersey (Exxon), la Gulf et la Texas Oil Company (Texaco) British Petroleum, Royal Dutch Shell. qui changèrent plusieurs fois de nom par fusion opa hostile ou amiable pour donner les compagnies actuelles (BP : cette fois-ci Beyond Pétroleum ; développement durable oblige), Shell, Chevron. Exxon. (1)

La main invisible

La création de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dont le but est de defendre les pays consommateurs de l’Ocde, en novembre 1974, voulue par Henry Kissinger, avait pour but avoué de briser l’OPEP. L’une des règles de l’AIE est que les pays membres doivent avoir trois mois de stock pour prévenir les conflits.- Indirectement, l’AIE pense que les conflits ne doivent pas perturber au maximum les cours du pétrole au-delà de cette durée. Les pays membres sont donc invités à déstocker en cas de conflit de telle façon à créer une abondance artificielle et ne pas laisser les prix du pétrole aller à la hausse pour obéir aux fondamentaux et laisser libre cours au marché. Il y a donc réellement une « main invisible » qui fausse le marché. On l’aura compris, ce n’est pas celle dont parle Adam Smith.

Il faut savoir que la diabolisation de l’OPEP [ dans la doxa occidentale relayée par des médias aux ordres dont le sacerdoce au-delà de l’OPEP, était de vouer aux gémonies ces cheïkhs arabes ventrus et fainéants qui asphyxient l’Occident, tout ceci sur fond d’arabophobie et d’islamophobie] concernant les prix du pétrole en octobre 1973, est infondée. Nicolas Sarkis, expert pétrolier averti, et directeur du Centre arabe d’études pétrolières à Paris rapporte que lors du passage du secrétaire américain à l’Energie à Alger, en septembre 1973, il intervint dans la réunion des chefs d’Etat exportateurs du pétrole en disant qu’il s’attendait à ce que l’augmentation des prix du pétrole soit débattue. C’était un appel du pied des Etats-Unis à l’OPEP pour aller vers des prix du pétrole qui décolle des 2,5$ d’alors.

Pourquoi ? Deux raisons : les Etats-Unis étaient embourbés au Vietnam, une guerre qui coûte cher et qui a été financée par la planche à billets. De plus, les pays européens et le Japon en plein « trente glorieuses » se développaient et commençaient à rattraper les Etats-Unis. La seule façon de les freiner est de leur faire payer un prix du baril de pétrole élevé, eux qui étaient très dépendants du pétrole, contrairement aux Etats-Unis qui l’étaient beaucoup moins. On voit donc que l’OPEP n’a pas une grande responsabilité dans l’augmentation des prix du pétrole. Après la Révolution iranienne de 1979, les prix ont augmenté jusqu’à 34$ soit plus de 100 dollars actuels. Cela a gêné surtout les pays européens. Dans les années 1980, les Etats-Unis sous l’Administration Reagan avaient programmé de détruire l’Empire soviétique par tous les moyens. La parade a été trouvée, du fait que l’Empire soviétique avait l’Afghanistan et avait besoin de vendre son pétrole et son gaz (il produisait jusqu’à 600 milliards de m3 de gaz et 300 millions de tonnes de pétrole).

Dans un documentaire diffusé par la chaîne Arte le mardi 7 septembre sur la guerre du pétrole, on prête à Reagan cette injonction à ses collaborateurs : « Je me fiche comment vous allez faire pour démolir l’Empire soviétique, mais faites-le. » Deux décisions importantes : embargo sur la vente du matériel américain de pétrole : « Pas avec la technologie américaine », disait Reagan. Une deuxième décision a été confiée à l’OPEP par Arabie Saoudite interposée ; faire baisser les prix du pétrole pour ruiner l’Empire soviétique avec parallèlement, armement de l’International islamique, pour combattre les « kouffars », les mécréants d’un certain Bin Laden et des taliban, qui deviendront des ennemis une fois l’Empire soviétique démoli...

Résultat des courses, à partir de 1982, le prix du pétrole commence sa descente aux enfers, descente accélérée, il faut le dire, par la découverte de gisements hors OPEP, notamment en mer du Nord (Brent) et on connaît l’affection de Margaret Thatcher pour les Arabes. Un pays comme l’Algérie a perdu de 1984 à 1987 près de 18 milliards de dollars du fait d’un prix du pétrole à moins de 10$. L’Arabie Saoudite a perdu aussi de l’argent, mais comme elle produisait 10 fois plus que l’Algérie pour une population deux fois moins importante, l’impact ne fut pas aussi douloureux d’autant que c’était le prix à payer pour assurer sa sécurité.

2001 : la guerre du Golfe. Les pays du Golfe s’engagent à côté de la coalition contre Saddam Hussein en fournissant pétrole, stabilisant les cours du pétrole par une ouverture des robinets et en finançant l’effort de guerre à concurrence de près de 50 milliards de dollars. C’est depuis cette date que les Etats-Unis sont installés à demeure dans les pays du Moyen-Orient. Les Arabes ont financé la guerre, fourni le pétrole et acceptent d’être occupés, tout ceci pour abattre Saddam Hussein leader d’un peuple arabe musulman qui s’est battu pour eux contre l’Iran... En 1997 : l’OPEP décide à Djakarta d’augmenter de 10% sa production. Erreur : la demande mondiale, plombée par la crise financière en Asie, n’est pas au rendez-vous. Les cours chutent de 40% et le baril de brut s’échange à 10 dollars. L’année suivante les pays exportateurs font marche arrière. Cet épisode est entré dans l’histoire de l’organisation sous le nom « le fantôme de Djakarta »...En 1999 : pour la première fois, l’OPEP décide de négocier avec des pays producteurs non-membres (Russie, Mexique, Norvège et Oman) pour réduire la production mondiale. Un accord est trouvé et le prix du baril remonte à 23 dollars.

L’OPEP s’est vue au fil des ans, dépossédée de ses attributs. Souvenons-nous, pendant près de vingt ans, c’était le pétrole saoudien « l’Arabian Light » qui servait de pétrole de référence marker crude ; ce fut ensuite le Brent de la mer du Nord à côté du West Texas Intermediate. Parallèlement, plusieurs instruments financiers furent introduits : Net back, futures swap...Ces mêmes instruments qui prendront le pas sur l’économie réelle par la spéculation générée, les plus-values étaient de l’ordre de 50$ quand le prix du pétrole était à 147$ et naturellement personne en Occident ne parle des bénéfices récoltés par les spéculateurs de tout poil ainsi que les multinationales ; leurs profits atteignent des records en 2007 : 40 milliards de dollars pour Exxon, 27 pour Shell, 19 pour Chevron et 16 milliards environ pour Total. On a calculé que Total gagnait 35.000$ à la minute et Exxon 2,5 fois plus. L’Algérie pays rentier, 115.000$ à la minute ou encore 1 million de DA à la minute !

La crise financière de 2008 qui a perturbé les marchés amène le président Bush à faire le déplacement en Arabie Saoudite pour demander au roi d’ouvrir les vannes du pétrole pour tenter de faire baisser les prix du pétrole. Le roi s’exécuta sans en avertir les pays membres de l’OPEP. Le président de l’OPEP, le ministre algérien Chekib Khelil n’y voyait pas de raison puisque, d’après lui et cela est vrai, les fondamentaux étaient respectés, il n’y avait pas de demande. C’était sans compter sur la spéculation qui, elle, ne fut pas désignée du doigt. Brutalement pourrions-nous dire, il y eut un nouveau contre-choc pétrolier, le prix commença à dégringoler pour atteindre 34 dollars fin décembre 2008, malgré la réunion d’Oran d’octobre où les pays de l’OPEP avait décidé d’une baisse de la production de près de 4 millions de barils que chacun devait respecter. Il a fallu attendre mi-2009 pour que les prix se redressent, et atteignent une fourchette de 75-80 dollars qui semble convenir aux pays consommateurs et aux rentiers de l’OPEP. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il y a une différence entre les prix courants et les prix constants, l’inflation fait que le pouvoir d’achat du dollar de 1980 est autrement plus important que celui de 2010. Les prix actuels de 75 dollars valent moins que les 20$ de 1980. Pendant ce temps, l’or qui valait 32 dollars l’once (1g d’or=1$ en 1971) est coté le 14 septembre à un nouveau record à 1275$. Il a été multiplié par 40 alors que le prix du pétrole actuel n’arrive pas à égaler celui de 1980.

On voit donc que les pays de l’OPEP suivent fidèlement les directives des pays industrialisés (américaines) imposées d’une façon ou d’une autre par les pays du Golfe avec à leur tête l’Arabie Saoudite. Il n’y avait que l’Algérie à l’époque, il y a près de quarante ans, qui avait réellement perturbé le jeu pétrolier mis en place par les pays occidentaux en nationalisant ses ressources. Depuis, tout le monde est rentré dans le rang et on peut dire sans se tromper que l’OPEP sert depuis la guerre de 1991, en priorité, les intérêts des pays du Golfe c’est-à -dire ceux des Américains. L’OPEP a donc terminé sa mission historique depuis que l’Arabie Saoudite est dans le G20 et que les Américains contrôlent tout le pétrole du Moyen-Orient, exception faite du pétrole iranien et les velléités de 3e Guerre mondiale, outre le fait que « c’est pour assurer l’existence d’Israël » qui devra seul rester le gendarme de l’Occident avec 300 bombes nucléaires, c’est aussi pour occuper les réserves iraniennes qui permettront d’étouffer les trois pays émergents. Chine, Inde et à un degré moindre la Russie. On dit souvent « suivez les routes du pétrole vous rencontrerez les bases américaines », qui sont installées dans les pays du Golfe et en Irak où les 50.000 GI’S restants sont là pour sécuriser le pays, il faut entendre par là les puits de pétrole...

Les défis de l’OPEP

« L’OPEP va bien, merci », écrit Sébastien Seibt. Mais pour combien de temps ?

L’Organisation des pays exportateurs de pétrole fait aujourd’hui face à un double défi : une pression sur les prix, et la mode des énergies nouvelles ou renouvelables (soleil, vent, etc.), qui gagne en popularité. Sans compter le retour programmé de l’Irak. « Théoriquement, si on regarde les indicateurs, le prix du pétrole devrait descendre », note Jean-Pierre Favennec. En effet, la production continue tranquillement à augmenter tandis que la demande reste « mollassonne ». Cette stabilité des prix en pleine période d’incertitude économique s’expliquerait par « une très bonne cohésion entre les pays de l’OPEP qui se rangent aux vues de l’Arabie Saoudite », selon Jean-Pierre Favennec. (..)

Actuellement, ces alternatives [renouvelables] ne représentent que 2% des demandes énergétiques et les dernières prévisions du Conseil mondial de l’énergie indiquent que rien ne devrait fondamentalement changer dans les 40 prochaines années. Pour l’instant, l’Arabie Saoudite réussit à tirer tout le monde dans le même sens. Le Cartel vit une époque charnière avec le retour en force de l’Irak. « L’addition de ces projets correspond environ à 10 millions de barils par jour en plus », De quoi faire de l’ombre à l’Arabie Saoudite. L’autre front se situe en Amérique du Sud. En effet, le Brésil dispose au large de ses côtes d’énormes gisements qui ne demandent qu’à être exploités. Brasilia s’est d’ailleurs lancée dans des programmes d’investissement d’environ 40 milliards de dollars.(2) « C’est un signe de Dieu, déclare le président Lula ; un passeport pour l’avenir. »

Qu’en est-il des réserves réelles des pays du Golfe qu’on dit réévaluées de 60 à 100% sans preuve. Qu’en est du peak oil ? Est-il imminent ? Comment s’y apprêter ? Y aura- t-il un rôle pour l’OPEP à cette échéance-là  ? Quel type d’OPEP prendrait la relève ? L’OPEP a une responsabilité particulière dans l’accélération des changements climatiques par une politique basée uniquement sur l’optimisation de la rente. L’OPEP, dit-on, s’est félicité de l’échec de Copenhague ce qui la met au ban des accusés du fait qu’elle est invisible dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Peut-on imaginer une mutation scientifique de l’OPEP qui, à l’instar de l’Europe, qui arrive à définir une stratégie énergétique pour les 30 prochaines années en définissant des caps à atteindre en matière d’économie d’énergie, de diminution de l’intensité énergétique et surtout de conversion durable de ses énergies fossiles en énergies renouvelables durables ? Nous avons réalisé à l’Ecole polytechnique, dans le cadre des Journées de l’énergie, un scénario pour les pays arabes pétroliers et avons montré que les 20% d’économie d’énergie pouvaient être facilement atteints par la sobriété énergétique. Le calcul de 20% d’énergie à partir des énergies renouvelables dépendra des spécificités de chaque pays. Le solaire et l’éolien peuvent constituer un véritable gisement pérenne pour les pays de l’OPEP.

Certes, l’OPEP continuera d’exister car elle sert avant tout les intérêts des pays industrialisés en disciplinant des « faucons » comme l’Iran ou le Venezuela par Arabie Saoudite interposée. Dans ce combat de géants, l’Algérie n’existe pas, elle n’a ni la surface financière de l’Arabie Saoudite ni le poids scientifique et technologique de l’Iran, puissance spatiale. Nous sommes des petits rentiers qui gaspillons frénétiquement une ressource qui appartient à nos enfants. Pourquoi l’Algérie s’entête-t-elle, une fois de plus, à produire d’une façon débridée ? Encore une fois, notre meilleure banque est encore notre sous-sol ! Que faisons-nous dans l’OPEP ? Pourquoi, à l’instar du Brésil et de tant d’autres pays, n’avons-nous pas un cap : produire en fonction des besoins et miser sur l’éducation ?

Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz

1.C.E.Chitour : Le Nouvel ordre pétrolier Préface Nicolas Sarkis éd. Dahlab 1996

2.Sébastian Seibt : L’OPEP, une force pas si tranquille- France 24, 14 septembre 2010

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Philippe Bordas. Forcenés. Paris, Fayard 2008.
Bernard GENSANE
Ce très beau livre, qui montre à quel point le cyclisme relève du génie populaire et comment il a pu devenir une « province naturelle de la littérature française », me donne l’occasion d’évoquer des ouvrages qui m’ont, ces dernières années, aidé à réfléchir sur la pratique du vélo, sur le cyclisme professionnel et la place du sport dans notre société. Ce n’est pas l’argent qui pourrit le sport (l’argent, en soi, n’est rien), c’est le sport qui pourrit l’argent. La première étape du premier (…)
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