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Des salariés du Royaume-Uni sont toujours à l’époque de Dickens

Français un contrat de travail à "zéro heure" à la mode britannique cela vous tente ?
Tout d’abord c’est quoi un contrat de travail à "zéro heure" ?

Un contrat de travail à "zéro heure" est une particularité du Royaume-Uni, il n’oblige pas l’employeur à fixer un temps de travail minimal et un salaire minimum. Il stipule par ailleurs quelque fois que l’on n’a pas le droit de travailler pour un autre employeur, histoire d’être toujours disponible. En contre-partie on n’est pas tenu d’accepter les heures de travail qu’on nous propose. Mais il semble que le droit de refus du travail accordé au salarié, soit très relatif. Il vaut mieux se rendre disponible, car sinon comme par malchance, les offres deviennent brutalement rares.

Les horaires vacillent suivant les semaines et le salaire fluctue considérablement. En conséquence, il est difficile pour le bénéficiaire de ce contrat de se fixer un budget, de rembourser des crédits ou bien d’établir un programme pour d’autres obligations de la vie. Car il est averti du travail qui lui est proposé que quelques heures avant sa prise de service

Ce qui fait dire à Larry Elliot, un éditorialiste du Guardian, que ce type de contrat de travail fleure bon le XIXème siècle : "De la pure exploitation, le genre de conditions de travail qui ont donné naissance aux syndicats (...). C’est comme si la Grande-Bretagne avait remonté le temps, retournant à un âge où l’employeur avait le fouet en main et où les droits dont jouissaient les travailleurs sous le système féodal avaient été supprimés."

Depuis quand ce contrat de travail existe au Royaume-Uni ?

Les contrats de travail "zéro heure" existent depuis longtemps en Grande-Bretagne. Leur mouture actuelle découle des lois sur l’emploi et les salaires de 1996 et 1998.

L’idée originelle de ces contrats était de permettre à des entreprises qui ont parfois des pics d’activité ou une demande ponctuelle d’y répondre sans avoir à embaucher des salariés permanents. D’ailleurs, l’exemple fourni sur le site officiel du gouvernement britannique est éclairant : il s’agit du recours à des traducteurs-interprètes.

Quels employeurs utilisent ce type de contrat de travail ?

Aujourd’hui, ces contrats sont utilisés par de nombreuses grandes entreprises, généralement des commerces, pour avoir sous la main une main-d’œuvre disponible et docile. Comme notamment les chaînes de magasins de sport : Sports Direct, les cinémas : Cineworld, les pharmacies : Boots, la restauration rapide : McDonald’s, Burger King ou Subway. Ils sont parmi les plus gros employeurs de contrats "zéro heure".

Des collectivités locales, depuis que le gouvernernement de David Cameron a décidé de couper dans leurs budgets, ont de plus en plus recours à ces contrats de travail, notamment les services municipaux d’assistance aux personnes âgées, ou les services d’accueil au public.

Le résultat est que les entreprises ou les services publics ont deux niveaux d’embauches. Par exemple l’entreprise Sports Direct embauche 90% de ses 23 000 employés sous des contrats "zéro heure" et les 10% restants sont des contrats à temps pleins pouvant gagner des primes allant jusqu’à 120 000 euros annuels puisque la part du "gâteau" est partagé seulement entre ces 10% de salariés. Une employée a d’ailleurs porté plainte. Selon le Guardian, le cas pourrait faire jurisprudence.

Quant à Cineworld, le second réseau de salles de cinéma du pays, il utilise exclusivement ce genre de contrat dans les 80 multiplexes qu’il possède. Les trois-quarts de ses 4500 salariés seraient sous ce régime.

McDonald les utiliserait depuis 1974. Jusqu’en 1998, les employés britanniques dans les fast-foods en "zéro heure" étaient même contraints de rester sur leur lieu de travail sans être payés en attendant d’être remis à la tâche.

Toujours selon le Guardian, même Buckingham Palace s’y est mis. La résidence de la famille royale à Londres s’ouvre à la visite, durant l’été et embauche pour ce faire 350 salariés à temps partiel. A temps parfois très partiel : les nouvelles recrues signent des contrats "zéro heure".

Selon ces contrats, les personnes embauchées n’ont aucune heure de travail assurée : tout dépend de la fréquentation. Le contrat, qui est d’une durée de trois à quatre mois, stipule par ailleurs qu’elles n’ont pas le droit de travailler pour un autre employeur, histoire d’être toujours disponibles.

Ajoutons que même le gouvernement de David Cameron embauche ainsi 144 personnes.

Combien de Britanniques sont employés en contrat de travail "zéro heure" ?

Selon un sondage publié lundi par le Chartered Institute of Personnel and Development (CIPD), une organisation qui rassemble des professionnels des ressources humaines, il y aurait environ 1 million de personnes employées sous ce type de contrat. Ce qui fait entre 3 et 4% de la population active.

Un nombre bien supérieur aux chiffres officiels, qui font état de seulement 250.000 contrats "zéro heure". L’Office des statistiques nationales (ONS) avait d’ailleurs reconnu qu’ils ne reflétaient pas forcément la réalité et qu’un plus grand nombre d’employés étaient susceptibles d’être concernés.

Que pensent le gouvernement, l’opposition et les syndicats britanniques de ces contrats ?

David Cameron se vante d’avoir contenu le taux de chômage en Grande-Bretagne, malgré l’économie stagnante. Depuis le début de la crise financière, la Grande-Bretagne se targue d’avoir maintenu un taux de chômage relativement bas (8 %) au regard de ses homologues européens.Et cela s’est fait grâce au recours massif à des contrats de travail précaires.

La coalition gouvernementale, qui rassemble les libéraux-démocrates et le Parti conservateur du Premier ministre, David Cameron, considère que ces contrats contribuent à une souplesse nécessaire à la solidité de l’emploi britannique. Mais face aux révélations sur l’ampleur du recours aux contrats zéro heure, la classe politique s’est faite relativement discrète.

Les syndicats sont bien entendu montés au créneau pour dénoncer cette pratique, mais le parti travailliste est demeuré en retrait. Seul le shadow minister, en français le ministre fantôme, (en démocratie parlementaire chaque mininistre est doublé par un ministre de l’opposition) en charge de l’éducation, Andy Burnham, s’est prononcé pour une interdiction de ces contrats, alors que le leader de son parti, Ed Milliband, s’est contenté d’annoncer que, s’il parvient au pouvoir, il encouragera les entreprises qui paient leurs employés au-delà du salaire minimum. Les députés de base du parti travailliste ont, de leur côté, organisé un débat sur le sujet au Parlement. Débat auquel aucun député conservateur n’a pris part.

Cependant l’actuel ministre des Affaires, de l’Innovation et du Savoir-faire [qui inclut les universités ! LGS] du gouvernement Cameron, le libéral-démocrate Vince Cable, est en train d’envisager une plus grande régulation de ces contrats. Mais, il a totalement exclu de mettre un terme à la pratique pour de bon.

Il faut dire que le lobby des patrons, l’Institute of Directors, pèse de tout son poids en arguant que ces contrats répondent à un besoin de flexibilité du marché du travail. Ils prennent en exemple des pays comme l’Espagne ou l’Italie, où l’absence de tels statuts créent un manque de flexibilité qui pénalise l’économie de ces pays.

En France ce type de contrat peut-il exister ?

En théorie, une telle flexibilité n’est pas possible en France, même si certains employés précaires se retrouvent parfois dans des situations comparables. Par exemple en termes d’horaires, le temps partiel permet de travailler moins de 35 heures par semaine. Mais contrairement au contrat "zéro heure" britannique la durée du travail est inscrite sur le contrat du salarié. De plus à partir du 1er janvier 2014, cette durée devra être d’au moins 24 heures. L’employé peut aussi travailler pour plusieurs entreprises non-concurrentes.

Le travail le plus aléatoire est à chercher du côté des contrats très courts : CDD d’usage, intermittents, vacations, piges, etc., dont il existe une liste, établie par décret, Certains salariés ne sont ainsi employés par les entreprises que quelques heures par-ci par-là. Et, s’ils sont libres d’aller voir ailleurs, mais ils se rendent souvent disponibles en permanence plutôt que de risquer de refuser du travail au pied levé...

La situation de ces extras-là n’est finalement pas très éloignée de celle des "zéro heure" des Britanniques, si ce n’est qu’elle est limitée à certains secteurs. En revanche, en France, il est interdit "d’interdire" de travailler pour un autre employeur (sauf pour un concurrent). L’honneur est sauf n’est-ce pas !

Sources : The Guardian, CIPD, L’Express, easycdd.com, Capital.fr, Géopolis, Médiapart, La Tribune,

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