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Des enfants kurdes jugés comme des terroristes

TURQUIE - En vertu de la loi antiterroriste, de simples jeteurs de pierres sont condamnés à de lourdes peines et incarcérés dans des pénitenciers pour adultes.
Ils sont en âge d’être sur des bancs d’école mais végètent en prison. Leur crime ? Avoir lancé des pierres sur la police. Comme on dit en turc : « Ils ont tenté des affaires trop grandes pour eux ». La plupart ne comprennent même pas le sens des accusations. Depuis 1988, ils vivent sous un régime « d’Etat d’exception » : émeutes et manifestations sont les stigmates d’une quasi-guerre civile. Ils risquent pourtant des peines plus longues que leur âge. Depuis 2006, la législation turque de « lutte contre la terreur » (TMK) fait des enfants de 12 à 18 ans les égaux des adultes. Jeter des pierres ou des cocktails Molotov sur des blindés ou simplement participer à un rassemblement de rue est assimilé à un soutien au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et tombe sous le coup de la lutte « antiterroriste ».

Longue histoire

Ces mineurs sont déferrés devant des Tribunaux pénaux spéciaux et jugés comme « membres d’une organisation terroriste », « s’opposant à la loi sur les manifestations et l’opposition » ou encore comme « faisant de la propagande pour une organisation terroriste ».

Selon le réseau Internet « Les appeleurs à la justice pour les enfants », créé par des milieux académiques, scolaires, syndicaux et de la santé, 2601 enfants ont été jugés par le Tribunal de sûreté d’Etat (dit DGM, militaire) entre 1984 et 1997. Depuis son remplacement par les Tribunaux pénaux spéciaux, au moins 2637 enfants, dont une grande majorité de Kurdes, ont été incarcérés. Pa ailleurs, on estime qu’au moins 328 enfants kurdes ont été tués durant des manifestations depuis 1991.

Et la tendance ne s’inverse pas. Pour la seule année 2009, 42 procès en vertu de la loi TMK ont vu la condamnation de 177 enfants à un total de 772 ans de prison. Soit près de 4 ans et demi de moyenne.

Uniquement à Adana, 5e ville du pays, qui héberge une grande partie des populations kurdes ayant fui les 3800 villages détruits par l’armée entre 1988 et 1998, l’Association des droits de l’homme (IHD) a décompté la bagatelle de 3155 gardes à vue de mineurs et 48 condamnations à un total de 203 ans de prison.

Médecins inquiets

Au-delà de ces chiffres impressionnants, plusieurs organisations de la société civile attirent l’attention sur les mauvaises conditions d’incarcération de ces mineurs. Ainsi l’Association des médecins qui critique l’absence de soutien psychologique et pédagogique, les jeunes détenus ne pouvant par exemple pas poursuivre leur scolarité dans les pénitenciers.

Dans son rapport publié le 29 septembre 2009, cette association liste de nombreux autres manquements à la Convention internationale des droits de l’enfant, pourtant ratifiée par Ankara. Elle relève ainsi que les mineurs sont incarcérés avec des adultes, privés du droit de voir leur famille, et que certains sont victimes de tortures et de mauvais traitements. Sans compter les conditions d’hygiène et la nourriture exécrables.

Pour huit mineurs de Diyarbakir, ce régime a pris fin le 12 février dernier. Acquittés par le Tribunal pénal spécial de la métropole kurde, ils ont croupi durant quatre ans en prison avant que les juges ne constatent que « ces enfants ont été poussés à la délinquance ».

Ce même jour, le député kurde Hamit Geylani lançait un appel à la communauté internationale pour qu’elle soutienne enfin ces jeunes victimes de l’arbitraire1 et invitait solennellement le gouvernement de l’AKP, islamo-conservateur, à réviser la loi sans tarder.

Dans sa résolution du 29 octobre 2009, le Comité de l’ONU des droits de l’enfant avait précédé le député Geylani, « recommandant » à la Turquie de conformer le droit des enfants à des procédures pénales séparées et à des conditions de détentions adaptées à leur âge.

Mais si la Turquie a bien ratifié, dès 1989, la Convention de l’ONU, son application n’est pas pour demain. Même en liberté, les Kurdes n’ont aujourd’hui pas le droit à l’école dans leur langue maternelle...

Note : 1 A Genève, la Maison populaire propose de faire pression sur les autorités turques et sur l’ONU. En savoir plus : www.assmp.org/spip.php?article421

»» Le Courrier
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