Depuis près d’un an, le pays assiste à une opération de police contre l’évasion fiscale (l’affaire Lava-Jato NdT), qui a détecté d’autres crimes pour lesquels sont poursuivis des personnes participant à la gestion de Petrobras, ainsi que des fournisseurs de cette dernière. L’action institutionnelle contre la corruption rencontre un fort soutien dans la société, dans l’attente de la pleine clarification des faits et la punition rigoureuse des coupables.
Il est urgent de dénoncer, cependant, le fait que cette action a servi à une campagne visant à la destruction de l’image de la Petrobras, avec des conséquences directes sur le secteur du pétrole et du gaz, responsable d’investissements et de la création d’emplois dans tout le pays ; notons que cette campagne, qui a déjà porté préjudice à l’entreprise et à l’industrie, est infiniment plus étendue que les malversations sur lesquelles porte l’enquête.
La Petrobras a fait l’objet d’un bombardement d’annonces souvent fausses, sans vérification adéquate, qui ont un impact direct sur son activité, sa crédibilité et sa cotation en bourse. C’est une attaque systématique qui, au lieu de clarifier les choses, jette indistinctement la suspicion sur l’entreprise, sur ses contrats et sur ses 86.000 employés dévoués et honnêtes.
Nous assistons à la répétition d’un jugement médiatique avant l’heure, qui n’exige aucune preuve, supprime le discours contradictoire, torture la jurisprudence et cherche à contraindre les tribunaux. Cette méthode essentiellement antidémocratique menace aujourd’hui la Petrobras et ses fournisseurs, qui sont pénalisés dans leur pratique, en tant qu’entreprises de production, pour des malversations attribuées à des personnes physiques.
Dans un même temps, le processus légal nécessaire cède la place à un trafic sélectif de dénonciations, qui fait offense à la conscience juridique brésilienne, dans une ambiance de procédure obscure qui rend propice la coercition et même le commerce de témoignages contre des récompenses financières. Dans une recherche d’efficacité qui n’est qu’apparente, sont employées des méthodes qui peuvent – c’est certain – aboutir à l’annulation de la procédure et au triomphe de l’impunité.
Et tout cela intervient au milieu d’énormes fluctuations sur le marché mondial de l’énergie, dans un contexte géopolitique qui affecte les économies émergentes, le Brésil, le pré-sal [1] et notre Petrobras.
Nous ne renoncerons jamais à ce que soient éclaircies toutes les dénonciations, à exiger le jugement et le châtiment des responsables ; mais, à cette heure, nous n’avons pas le droit d’être naïfs : il y a des intérêts puissants qui sont contrariés par la croissance de la Petrobras, et qui sont désireux de mettre la main sur l’entreprise, sur son marché, sur ses commandes et sur ses énormes réserves de pétrole et de gaz au Brésil.
Historiquement, les médias et les institutions sont les porte-parole influents de ces intérêts. La Petrobras est née au milieu des « ennemis étrangers et des prédateurs internes », comme l’a souligné la présidente Dilma Rousseff. En 1953, pour contrer la création de l’entreprise, ils ont même affirmé qu’il n’y avait pas de pétrole au Brésil. Ce sont les mêmes qui ont saboté la Petrobras pour tenter de la privatiser, pendant le gouvernement du PSDB (présidence de Fernando Henrique Cardodo - 1995-2003 NdT), et qui ont combattu la législation du Pré-Sal.
Les objectifs de ces secteurs sont très clairs :
– Verrouiller la Petrobras et déprécier l’entreprise pour faciliter sa capture par des intérêts privés, nationaux et étrangers ;
– Affaiblir le secteur pétrolier et gazier brésilien et la politique de contenu local ; favoriser les fournisseurs étrangers ;
– Révoquer la nouvelle Loi sur le pétrole, le système de Partage [3] et la souveraineté brésilienne sur les réserves immenses de pré-sal.
Pour atteindre leur but, les prédateurs présentent la Petrobras comme une société ruinée, ce qui est loin d’être vrai, et cachent au public ses succès opérationnels. Il est donc essentiel de divulguer ce qui s’est réellement passé pour la Petrobras en 2014 :
– La production de pétrole et de gaz a atteint le cap historique des 2.670 millions de barils équivalent pétrole/jour (au Brésil et à l’étranger) ;
– Le pré-sal produit en moyenne 666.000 barils de pétrole/jour ;
– La production de gaz naturel a atteint 84,5 millions de mètres cube/jour ;
– La capacité de traitement du pétrole a augmenté de 500.000 barils/jour, avec l’exploitation de quatre nouvelles unités ;
– La production d’éthanol par la Petrobras- Biocombustíveis a augmenté de 17% pour atteindre 1,3 milliard de litres.
Et, pour couronner ces records, en Septembre 2014 la Petrobras est devenu le plus grand producteur de pétrole au monde parmi les sociétés à capital mixte, dépassant ExxonMobil (Esso).
(Sans compter qu’en mai 2015, à Houston (USA), la Petrobras recevra, pour la troisième fois, le prix OTC Distinguished AchievementAward for Companies, Organizations, and Institutions pour l’ensemble des technologies développées pour la production du Pré-Sal. Ce prix est la plus grande récompense qu’une entreprise pétrolière puisse recevoir en tant qu’opératrice offshore – à genoux, la Petrobras ? NdT).
Le succès opérationnel croissant de la Petrobrás reflète la réalité d’une société capable d’affronter et de surmonter ses problèmes, et qui reste une source de fierté pour les Brésiliens.
Les ennemis de la Petrobras omettent aussi le fait qui est à l’origine de la vulnérabilité actuelle de l’entreprise, la spéculation sur le marché : la vente, à un prix ridicule, de 108 millions d’actions à la bourse de New York, en Août 2000, par le gouvernement PSDB.
Cette opération contre notre pays a réduit de 62% à 32% la participation de l’Union dans le capital de la Petrobras et a soumis l’entreprise aux intérêts d’investisseurs étrangers qui n’ont aucun engagement avec les objectifs nationaux. Plus grave encore : elle a mis fin à la souveraineté nationale sur notre société stratégique, qui a été soumise aux organismes régulateurs étrangers.
Ces 12 dernières années ont vu la récupération et le renforcement de l’entreprise. Le pays a recommencé à investir dans la recherche et à construire des pipelines et des raffineries. Nous avons atteint l’autosuffisance, nous avons découvert et exploité le pré-sal, récupéré à hauteur de 49% le contrôle public sur le capital de la Petrobras.
La valeur sur le marché de la Petrobras, qui était de 15 milliards de dollars en 2002, est aujourd’hui de 110 milliards de dollars, malgré les attaques spéculatives. C’est la plus grande entreprise de l’Amérique latine.
La participation du secteur du pétrole et du gaz dans le PIB du pays, qui n’était que de 2% en 2000, est aujourd’hui de 13%. L’industrie de la construction navale brésilienne, qui avait été mise au rebut, emploie maintenant 80.000 travailleurs. En plus des travailleurs de la Petrobras, le secteur du pétrole et du gaz emploie plus de 1 million de personnes au Brésil.
C’est dans les laboratoires de la Petrobras que sont produites nos connaissances scientifiques et technologiques les plus avancées. Les redevances pétrolières et le Fonds social du Pré-Sal [2] fournissent une augmentation significative des investissements dans l’éducation et dans la santé. C’est le rôle irremplaçable d’une entreprise stratégique pour le pays.
Pour autant, la clarification des faits importe plus que quiconque aux employés de la Petrobras et à la population brésilienne, en particulier la partie de celle-ci qui a gagné une vie meilleure.
Ceux qui ont toujours essayé d’aliéner le plus grand patrimoine national n’ont aucune autorité politique, administrative, éthique ou morale pour parler au nom de la Petrobras.
Le gouvernement devrait rejeter fermement les attaques politiques et médiatiques de ces secteurs, afin de préserver une entreprise et une industrie qui ont tant contribué à l’attraction des investissements et à la création d’emplois au cours des dernières années.
La direction de la Petrobras ne peut pas, dans ce grave moment, hésiter devant des pressions indues, se soumettre à la logique des intérêts privés, ou agir en otage d’un audit qui est en conflit avec les objectifs de l’entreprise et du pays.
L’enquête, le jugement et la punition des corrompus et des corrupteurs, et peut importe qui cela touchera, ne peuvent signifier la paralysie de la Petrobras et du secteur le plus dynamique de l’économie brésilienne.
C’est le peuple brésilien, encore une fois, qui défendra l’entreprise construite par des générations, qui est l’âme du Brésil et qui symbolise notre capacité à construire un projet autonome de Nation.
Par une enquête transparente, dans un État de droit, sans trêve contre l’impunité ;
En assurant l’accès aux données et aux éclaircissements donnés par la Petrobras dans les médias, libres de toute manipulation (comment ? QdT - Question du traducteur) ;
Pour garantir le système de Partage, le Fonds Social et le rôle stratégique de la Petrobras dans l’exploitation du pré-sal ;
Par la préservation du secteur national du pétrole et du gaz et de l’ingénierie brésilienne.
Défendre la Petrobras c’est défendre le Brésil - notre passé de luttes, notre présent et notre avenir.
La Federação Única dos Petroleiros - Fédération Unitaire des Travailleurs du Pétrole propose un lien pour signer une pétition :
http://www.abaixoassinado.org/assinaturas/assinar/30279
[1] Pré-sal : énormes réserves de pétrole et de gaz profondément enfouies (à environ 6.000 mètres, sous une couche de sel, d’où son nom) au large des côtes des États de São Paulo, d’Espirito Santo et de Rio de Janeiro. Ces réserves sont difficiles et coûteuses à exploiter, mais elles placent le Brésil au 6ème rang des pays détenteurs potentiel de pétrole.
[2] Créé en 2010, le Fonds Social est un fonds souverain destiné à recevoir la partie des ressources du pré-sal qui revient au gouvernement fédéral à titre de redevances et de participations spéciales. Selon la loi, le Fonds social doit être une épargne pour le gouvernement, qui aidera à financer le développement du pays quand l’argent du pétrole diminuera, et contribuera à réduire les effets d’un « déferlement » possible de dollars dans le pays suite à l’exportation du pétrole du pré-sal.
[3] Système de Partage.
Pour comprendre les quatre principaux modèles d’exploration pétrolière dans le monde :
Monopole - c’est le modèle que le Brésil adopta jusqu’au 6 Août 1997, lorsque le président d’alors, Fernando Henrique Cardoso (PSDB) sanctionna la nouvelle loi sur le pétrole, qui le supprima. Toute l’exploitation du pétrole était alors aux mains de la Petrobras.
Concession – entra en vigueur le 6 Août 1997 jusqu’au 22 Décembre 2010, lorsque l’ancien président Lula signa la loi 12.351, qui établit le modèle de partage. Dans le modèle de concession, une vente aux enchères de la zone est faite. La société dont l’offre à l’État est la plus importante gagne la concession. Dans ce modèle, 100% du pétrole produit appartient à l’entreprise gagnante. Elle n’a que les impôts à payer. Dans le modèle de concession, le contrôle est entre les mains des entreprises, ce qui favorise une exploitation prédatrice. C’est ce qui est arrivé en Argentine avec l’entreprise espagnole Repsol. L’Argentine avait d’importantes réserves qui permettaient d’assurer son avenir. Mais par la privatisation et le modèle de concession en vigueur, l’Argentine exportait son pétrole à à 5 $ le baril. En Septembre, elle devait importer $ 100 le même baril. Actuellement, elle l’importe à 66 $. En plus d’épuiser rapidement les réserves des champs pétrolifères, le modèle de concession implique d’autres risques :
* Il ne génère pas d’emploi dans la chaîne dans son ensemble, car il permet l’exploitation du pétrole à n’importe quel prix.
* Il n’utilise pas le retour économique du champ pétrolifère à des fins de recherches. C’est une des raisons des attaques contre la Petrobras (et contre le système de partage), qui génèrent moins de profit.
* L’environnement. C’est ce qui arriva dans un puits de la société américaine Chevron sur le champ pétrolifère Frade dans le bassin de Campos (RJ), en Novembre 2011. Chevron voulait produire plus vite et n’a pas suivi les normes de sécurité. Le résultat en a été un grand déversement de pétrole en mer. Le risque environnemental est plus grand dans le modèle de concession car le mécanisme que l’État contrôle est très réduit. Le maximum que l’État puisse faire, c’est d’infliger des amendes. Dans le cas du Champ Frade. L’État brésilien a appliqué une amende et Chevron a recommencé à produire.
Partage - C’est le système actuellement en vigueur. Il a commencé à être adopté dans le second gouvernement Lula. Il représente le juste milieu entre la concession et le monopole. Dans le modèle de partage, l’entreprise qui offre le plus de pétrole à l’État brésilien gagne l’appel d’offre. C’est ce qui s’est passé pour le champ pétrolifère de Libra. L’entreprise gagnante a offert 41% du pétrole à l’état. De chaque baril de pétrole produit, 41% sont destinés au peuple brésilien. En plus des taxes sur l’ensemble du volume exploité. Dans le modèle de partage, contrairement à la concession, le seul opérateur de la zone est la Petrobras. Ce qui permet au peuple brésilien, à travers l’état, de contrôler la production. Dans le système de partage, les autres entreprises interviennent comme associés investisseurs. Mais c’est la Petrobras qui va travailler sur le terrain, qui loue les équipements et les navires, et surtout qui contrôle la production. C’est le plus important. Cela permet au pays d’explorer selon ses propres besoins plutôt que de vider les ressources rapidement, comme c’est le cas dans le modèle de concession.
Services - L’État retient les services d’une entreprise pour exploiter le pétrole et paye pour ce service. Mais le pétrole appartient à l’état.
« Maintenir le modèle de partage est une question de souveraineté nationale », affirme João Antonio de Moraes. « Il est essentiel pour nous de ne pas être un simple producteur de pétrole brut. Et que des investissement parallèle soient faits dans la chaîne antérieure - production de navires, de plates-formes, génératrices d’emplois et de revenus ici dans les chantiers navals - comme à l’autre extrémité, que sont la raffinerie, la pétrochimie et l’industrie de transformation des plastiques ».
Traduit par Nicolas pour [Si le Brésil m’était traduit...]
Voir également sur le sujet : « Il existe des intérêts géopolitiques contre la Petrobras » (Carta Maior)