Nous appelons les forces de gauche et écologistes et notamment La France Insoumise à sortir du vrai/faux débat sur le revenu d’existence ou universel. Cette question nous divise parce que nous n’allons pas assez loin dans la mise en cause des fondements du système capitaliste et du productiviste.
La France à genoux économiquement, mais debout politiquement, avait su en 1944 instaurer la sécurité sociale qui n’était pas une simple roue de secours face aux accidents de la vie, mais le fondement d’une autre conception de la société. C’est pourquoi nous ne parlons pas des services publics mais du service public. Alors que la France n’a jamais été aussi riche qu’aujourd’hui nous devons mettre au cœur de nos combats la défense et l’extension de la sphère de la gratuité du service public et de nombreux biens communs, par souci de répondre aux urgences sociales, écologiques, politiques, mais aussi pour commencer à changer la société dans le sens d’une transition vers l’éco-socialisme.
Nous ne partons pas de rien pour cela mais d’un « déjà là » conquis de haute lutte, avec la gratuité de l’école publique et ce qui reste de celle des soins ou du logement. Nous partons aussi de tout ce qui s’expérimente aujourd’hui dans des centaines de villes avec la gratuité de l’eau vitale, des transports en commun urbains, des services culturels, de la restauration scolaire, des services funéraires, du bouclier énergétique, etc.
Par gratuité du service public nous entendons une gratuité construite, une gratuité économiquement construite : l’école publique est gratuite mais financée par nos impôts, une gratuité politiquement, socialement, culturellement construite. La gratuité du service public ce n’est pas le produit ou le service débarrassé du coût mais du prix.
Défendre et étendre la sphère de la gratuité c’est apprendre à lier le social et l’écologie car nous devons apprendre à différencier selon les usages : pourquoi payer son eau le même prix pour faire son ménage et remplir sa piscine ?
Il n’existe pas de biens ou de services destinés en soi à être gratuits ou marchands. C’est aux gens de décider ce qui doit être gratuit, renchérit et parfois interdit. Défendre et étendre la sphère de la gratuité ce n’est pas rendre gratuit ce qui existe mais profiter de la gratuité pour repenser les produits et les services ce qui suppose de démocratiser au maximum le fonctionnement du service public.
Ainsi, rendre les transports en commun gratuits c’est nécessairement les modifier pour défendre à la fois l’écologie et le droit au déplacement des plus pauvres. Ainsi rendre la restauration sociale gratuite, c’est se donner les moyens d’avancer vers une alimentation relocalisée, désaisonnalisée, moins gourmande en eau, moins carnée, assurant la biodiversité, faite sur place et servie à table. Défendre et étendre la sphère de la gratuité, c’est donner à chacune et à chacun de quoi vivre de façon inconditionnelle mais avec un revenu largement démonétarisé, déséconomisé, c’est donc commencer à sortir du capitalisme.
Défendre et étendre la sphère de la gratuité c’est se situer sur le terrain de l’émancipation sociale et non pas de l’accompagnement de la misère.
Jean-Luc, Benoît et quelques autres, vous pouvez ne pas diviser la gauche et l’écologie en imaginant ce que pourrait être dès maintenant une économie répondant aux besoins, sans passer par la marchandisation et la monétarisation.
Soyez les défenseurs d’une sécurité sociale généralisée.
Soyez ceux qui défendent et étendent la sphère de la gratuité du service public.
Paul ARIES
Paul Ariès est politologue, rédacteur en chef du mensuel Les Zindigné (e )s, délégué général de l’Observatoire International de la gratuité.
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