Logo : la saison des foins dans une ferme bovine afin d’avoir du fourrage pour l’hiver. (PHOTO : BAO WEI)
« C’était une bonne décision de créer une entreprise dans le Xinjiang. Je pense qu’aucun autre endroit que le Xinjiang n’aurait pu me donner une telle opportunité », se félicite Decombel Danny Camiel, un Belge de 59 ans qui dirige une entreprise d’engrais dans le nord-ouest de la Chine. Pour lui, le Xinjiang n’est pas seulement un lieu précieux où il a lancé sa carrière, mais également son second pays natal.
Premiers pas dans le Xinjiang
Ayant grandi au bord de la mer du Nord en Belgique, M. Camiel n’aurait jamais pensé qu’il ferait carrière en Chine, surtout dans le Xinjiang. Tout a commencé en 1986, l’année où il a obtenu son diplôme d’ingénieur industriel en agriculture tropicale.
À cette époque, le rêve de M. Camiel était de pouvoir trouver du travail hors de Belgique dans un pays en développement. À la fin de ses études, le recteur de son université l’a appelé dans son bureau et l’a informé d’un emploi à Shenzhen pour une entreprise d’additifs alimentaires pour animaux. Il a postulé et obtenu le poste, mais il a dû suivre une formation qui a duré jusqu’en janvier 1988 avant de pouvoir finalement se rendre en Chine.
À cette époque, le pays était au début de la réforme et de l’ouverture. Quand il est arrivé, le jeune Belge a remarqué que Shenzhen était encore très planifiée et que partout des bâtiments étaient en construction. Il se souvient que, dans le bureau, il n’y avait pas de téléphone, et que l’électricité était principalement autogénérée. Il n’y avait ni autoroute ni aéroport et la route reliant Shenzhen à Guangzhou était continuellement encombrée.
Mais tout a changé très vite dans les années suivantes : installation des lignes téléphoniques IDD (International Direct Dialling), connexion à Internet, ouverture d’une autoroute vers Guangzhou et mise en service de l’aéroport de Shenzhen… « Tout autour de l’entreprise, les rizières ont été transformées en ce qui est aujourd’hui l’usine du monde. Je n’avais jamais connu un développement économique aussi spectaculaire ! », se souvient M. Camiel.
Il a depuis travaillé dans plusieurs villes chinoises : Guangzhou, dans le Guangdong, Quanzhou, dans le Fujian et Tianjin, mais toujours dans le secteur de l’agriculture. Ces expériences lui ont permis de mieux connaître la Chine et le développement du pays. Il a également rencontré sa femme, originaire du Fujian, et le couple a maintenant une fille et un fils.
En 2000, il a été embauché par Kemira, une société européenne d’engrais basée en Finlande, pour importer et produire localement des engrais complexes granulaires à Zhanjiang, dans le Guangzhou.
À l’époque, Kemira était le leader mondial des engrais hydrosolubles acides utilisés pour l’irrigation dans les zones arides du monde. En Chine, la cible de M. Camiel était le Xinjiang où la technologie d’irrigation goutte à goutte avait été largement adoptée. À partir de 2001, il a expédié des engrais hydrosolubles acides dans le Xinjiang, mais ce n’est pas avant le printemps 2005 qu’il a eu la chance de rendre visite à ses clients sur place.
Le changement est survenu brusquement cette année-là, car Kemira a choisi de quitter le secteur des engrais et M. Camiel s’est retrouvé sans emploi. Après avoir bien réfléchi, il a décidé de franchir le pas et de se lancer lui-même dans la production locale d’engrais hydrosolubles acides dans le Xinjiang.
« La superficie des terres en Belgique et même en Europe est assez limitée, et les opportunités y sont rares, mais l’agriculture chinoise recèle encore un grand potentiel », explique M. Camiel. « De plus, les technologies d’irrigation goutte à goutte ont été largement adoptées dans le Xinjiang, ce qui signifie qu’il y a une énorme demande d’engrais hydrosolubles. »
Decombe et ses collègues effectuent une expérience. (Photo : BAO WEI)
De la production d’engrais à l’élevage de vaches
En 2005, il a rendu visite à de nombreux agriculteurs dans le nord du Xinjiang et leur a parlé de l’utilisation efficace des engrais hydrosolubles. Il a constaté que ses idées étaient largement acceptées. En 2006, il a créé une entreprise qui produit ce genre d’engrais dans le district de Shawan, dans le nord du Xinjiang.
L’entreprise a embauché une équipe de diplômés agricoles et les a formés à tous les aspects de la régénération des sols salins sodiques, de la nutrition des plantes, de la planification de l’irrigation, etc. Les clients ont reconnu très rapidement l’avantage des engrais hydrosolubles acides et l’entreprise a connu un succès dans le nord du Xinjiang. Cependant, M. Camiel a rencontré des obstacles dans le sud de la région.
« De nombreux agriculteurs dans le sud du Xinjiang n’avaient pas encore commencé à utiliser les technologies d’irrigation goutte à goutte lorsque j’ai prévu d’étendre mon activité en 2011 », détaille-t-il. De plus, les engrais qui étaient adaptés aux terres dans le nord du Xinjiang ne convenaient pas aux terres dans le sud de la région en raison des types différents de sols.
Après avoir mené de longues et intensives recherches en laboratoire, son équipe a finalement trouvé la meilleure formule d’engrais. M. Camiel accorde également beaucoup d’importance à la qualité du service. Son entreprise a introduit une analyse rapide des pétioles sur le terrain pour de nombreuses cultures, ce qui permet d’optimiser la recommandation d’engrais, d’économiser le coût des intrants pour l’agriculteur et d’obtenir des récoltes plus rentables. Grâce à ses efforts, l’entreprise est passée d’un site de production à quatre sites actuellement à travers le Xinjiang. Elle vend désormais 20 000 tonnes d’engrais par an, qui sont utilisées sur environ 10 000 hectares de terres agricoles dans la région.
En 2017, M. Camiel a élargi ses activités à l’élevage de vaches. Il a introduit la race bovine Blanc Bleu Belge (BBB) en Chine. Fin 2017, les premiers bovins reproducteurs BBB sont nés en Chine et ont depuis commencé à produire de la semence employée dans le croisement de bovins locaux à viande et laitiers.
« Le Blanc Bleu Belge est un trésor de notre pays. Comme pour toute innovation, l’acceptation par les éleveurs demande du temps et des efforts, mais la faisabilité et le rendement économique de l’utilisation de taureaux de cette race dans un programme de croisement sont évidents et je suis sûr que le Blanc Bleu Belge trouvera sa place dans le développement rapide du commerce de bovins de boucherie en Chine », souligne-t-il.
Dans la vie quotidienne, M. Camiel adore bavarder avec les agriculteurs : « Les grandes villes ne me conviennent pas. Je suis à l’aise à la campagne avec les agriculteurs. »
Decombel Danny Camiel et ses collègues effectuent des recherches sur les cultures et le sol. (PHOTO : CHEN ZHE)
Témoin du développement du Xinjiang
Vivant et travaillant dans le Xinjiang depuis 2005, M. Camiel et son épouse y ont élevé leurs enfants à l’école primaire et secondaire. L’entrepreneur belge a pu observer chaque jour le développement économique et social de cette région. « Mon travail m’a mené dans les villages les plus reculés, où j’ai été témoin de la façon dont le développement économique et social rapide a élevé le niveau de vie des habitants », fait-il remarquer.
En tant qu’entrepreneur dans le secteur des engrais, M. Camiel a des contacts très fréquents avec les producteurs de coton locaux. Il est très impressionné par la modernisation de l’agriculture et ne comprend pas les fausses nouvelles diffusées par les médias occidentaux concernant le « travail forcé » du Xinjiang.
Selon lui, la mécanisation de la culture du coton a commencé très tôt dans le Xinjiang. En 2005, on voyait déjà des moissonneuses de coton américaines (John Deere et Case), bien que la cueillette manuelle du coton fût encore fort répandue. Avec l’augmentation constante du coût de la main-d’œuvre et la difficulté à gérer de grands groupes de cueilleurs de coton, l’utilisation de la moissonneuse à coton est devenue de plus en plus avantageuse. En 2012, la plupart de ses clients dans le nord du Xinjiang comptaient sur cette machine et en 2017, seuls les champs trop petits ou ceux où l’accès est limité par des lignes électriques ou des chemins de terre trop étroits continuaient de recourir à la cueillette manuelle à un coût beaucoup plus élevé, mais cela ne représente qu’une très petite superficie par rapport à l’ensemble de la récolte du Xinjiang. « Présenter la récolte de coton dans le Xinjiang comme étant encore de la cueillette manuelle par le ‘‘travail forcé’’ est une affirmation que je ne peux pas comprendre. Ce n’est tout simplement pas ce dont j’ai été témoin année après année ! », s’exclame-t-il.
LIU Ting
Membre de la rédaction de "La Chine au présent"