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Croire autrement : action individuelle et changement social (Climate and Capitalism)

J’ai récemment reçu un courrier d’un jeune militant qui avait assisté au sommet sur le changement climatique à Cochabamba (Bolivie - NdT). Il a décrit une expérience qui a changé sa vie et l’a inspiré à changer son mode de vie, d’adopter comme philosophie personnelle le principe indigène du «  Bien vivre ». Nous ne pouvons changer le monde si nous ne changeons pas nous-mêmes, a-t-il écrit.

Son courrier était enthousiaste et encourageant, mais je sais que beaucoup à gauche répondraient qu’il avait appris exactement ce qu’il ne fallait pas en Bolivie. Je ne sais combien de fois j’ai entendu, ou participé à , des conversations comme celle-ci :

«  Tu dis que tu veux changer le monde, mais qu’est-ce que tu fais pour le rendre meilleur ? »

«  Je roule en bicyclette... j’utilise des ampoules à basse consommation... je cultive un jardin potager... j’évite de boire l’eau en bouteille... je baisse le chauffage... »

«  Ce ne sont que des diversions du véritable problème. Les actions individuelles ne changeront rien. Nous devons lutter pour le pouvoir politique. »

«  Si tu ne changes pas ta propre vie, alors tu n’es pas vraiment pour un véritable changement. »

Et ainsi de suite.

Ce débat n’est pas artificiel. Les actions individuelles ne changeront pas le monde ; seule une lutte collective pourra le faire. Mais cela ne signifie pas que chaque adepte d’un changement individuel se trompe.

Dans le livre «  Rebels, Reds, Radicals : Rethinking Canada’s Left History » (rebelles, rouges, radicaux : repenser l’histoire de la gauche radicale canadienne - NdT), l’historien Ian McKay affirme qu’être «  de gauche » dans une société capitaliste signifie «  croire, au plus profond de son être, que «  les choses peuvent être différentes » ».

Les radicaux, dit-il, doivent croire autrement, il doivent être profondément convaincus qu’un autre monde est possible. «  Savoir ce qu’implique ce « vivre autrement » signifie lutter pour sa concrétisation. » (1)

Et, dit-il, dans de nombreux cas une telle compréhension est le fruit, et passe par, des expériences individuelles qui tentent de concrétiser ce monde nouveau. Il écrit :

«  Prenez, par exemple, le sentiment épuisant d’aliénation ressenti par de nombreux nord-américains lorsqu’ils traversent des étendues engorgées de fast-foods, de centres commerciaux, de magasins géants qui ont envahi nos villes. On peut ricaner ou s’en moquer. On peut jurer de ne fréquenter que des restaurants familiaux et faire ses courses au petit magasin du coin - si on arrive à en trouver un. On peut se décider à faire ses courses chez le paysan bio local et boycotter les marques industrielles.

Ce genre de décision personnelle reflète un vision authentique et réelle d’un «  autre monde ». Elle crée un petit espace de critique et de liberté individuelle, hors du commercialisme laid et manipulateur auquel on voudrait échapper.

Aucun progressiste lucide ne devrait tourner en dérision ces petits actes de résistance, pas plus qu’il ou elle ne devrait s’en contenter. Isolés et dispersés à travers le paysage social, de tels actes de liberté sont vulnérables et limités dans le temps. La «  liberté » est circonscrite à l’individu, à la famille, à un instant donné, et elle est souvent acquise grâce à la «  non-liberté » des autres.

Le «  domaine de liberté » sur lequel la gauche, et uniquement la gauche, peut agir est celui ouvert à la vaste majorité de l’humanité. Ca peut commencer par de petites actions collectives - comme les «  journées sans achat » ou des campagnes locales pour freiner la multiplication des hyper-marchés - mais pour être véritablement «  de gauche », il faut relier ces actions à une stratégie plus large, les intégrer dans un argumentaire plus global.

Il faut prendre chaque lutte comme une réponse partielle à une question beaucoup plus vaste : «  comment pouvons-nous vivre autrement ? » Quelles sont les possibilités pour transformer ces petites «  mesures » de liberté en un domaine de liberté beaucoup plus vaste, ouvert à la majorité ? Comment ces petits gestes de résistance pourraient-ils faire boule de neige et aboutir à un mouvement social pour changer le système ? (2)

Que l’on soit d’accord ou non avec la pensée de McKay sur l’histoire de la gauche, dans ce passage il offre une opinion importante et profonde que les écosocialistes ne devraient pas ignorer.

Etre un écosocialiste ne signifie pas seulement livrer une critique scientifique de la société capitaliste et avoir un programme concret de changement. Cela signifie aussi être ce que certains appelleraient un rêveur ou un utopiste - croire, au plus profond de son être, que les humains peuvent vivre en harmonie avec le reste de la nature, que le clivage métabolique peut être corrigé, que le vandalisme environnemental capitaliste peut être stoppé avant qu’il ne soit trop tard.

Les actes de résistance et de changement individuels ne suffisent pas, et certains ne sont que des diversions - vivre «  hors de la société » au milieu de la nature ne contribuera pas à un changement significatif - mais ils peuvent constituer autant de pas dans la bonne direction.

Le militant qui m’a écrit sait qu’un autre monde est possible et nécessaire - selon les termes de McKay, il croit autrement. La gauche devrait saluer de telles initiatives individuelles, parce que sans elles nous ne serons jamais capables de créer un mouvement démocratique de masse qui nous permettra à tous de vivre autrement.

Ian Angus

http://climateandcapitalism.com/2012/12/16/believing-otherwise-individual-action-and-social-change-2/

Traduction «  les petits ruisseaux font de grands fleuves. Beaucoup de petits ruisseaux... » par Viktor Dedaj avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

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T.D. Allman (dans un hommage à Wilfred Burchett)

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