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Covid, journalistes neuneux et langue française

Patrick, linguiste de profession, est doué d’une ouïe particulièrement fine. Il débusque dans ce qui suit les travers de notre langue malmenée par les médias dans leur ensemble. En particulier, à l’occasion de la crise du COVID. Il nous rappelle ce théorème d’Orwell selon lequel lorsqu’on écrit mal c’est parce qu’on pense mal. Et vice-versa.

Chers.§/èr.e !s ami.e.?s ! dispersé.\e.??s dans les territoires,

Alors que le coronavirus est en situation de montée en charge de remontada, l’angoisse dont auquel je suis sujet m’incite personnellement à vous écrire.

Si je m’adresse à vous donc en fait voilà, c’est parce que je sais que, bien que vous êtes restreints dans vos mobilités à travers les territoires, ma jauge d’amis n’a pas été impactée par la covid, et que chacun d’entre vous coche toutes les cases et est considéré par moi comme l’appartement témoin de nos relations.

Loin de moi l’idée de vouloir vous faire sortir de votre zone de confort, mais vous savez que je suis l’un des sentinels pour la défense de la langue française.

Je vous adresse donc dans cette Newsletter by moi-même® quelques éléments du langage français postmoderne (ou, si vous préférez, du français anthropocène), qui vous permettront d’être en capacité de pouvoir maîtriser cette langue.

Pardonnez cette note personnelle, mais je tiens à vous signaler que je suis en situation de bonne santé et que ma femme est passée en situation d’enseignement en présentiel et ne subit donc plus les affres de l’enseignement en mode dégradé.

Espérant que vous êtes en capacité de pouvoir avoir quelques minutes à me consacrer, voici donc un panel de mon recensement d’expressions entendues à la radio, qui donnent une large place aux redondances et pléonasmes et qui, je l’espère, ne vous donneront pas trop le tournis.

Cette vague de poussée de racisme

Ce n’est pas simplement une simple injonction

C’est illégal au niveau de la loi

Il est complètement inimaginable d’imaginer que le Tour de France ait lieu

Il est inaudible d’entendre ça pour les policiers

Il va être nécessaire de devoir séparer…

Des milliers de manifestants se sont agenouillés genoux à terre

Je continue à faire du télétravail à distance

ils s’autocensurent d’eux-mêmes

c’est sain d’avoir cette introspection personnelle

Il peut y avoir un milieu entre les deux

le processus n’est pas fini et il ne le sera pas tant qu’il ne sera pas terminé

beaucoup d’invectives verbales

la déforestation des forêts

ils s’enthousiasmaient les uns les autres

ce sont des planètes sur lesquelles on peut marcher dessus … elles peuvent coexister ensemble

vous avez tout un tas de jeux ludiques

chaque branche est presque indépendante les unes des autres

ce besoin d’envie de jouer

toutes ces précautions ne sont pas réalisables dans la réalité

quand ça a commencé à interroger le questionnement sur…

les cas sont en décroissance, c’est-à-dire diminuent

les Français s’autopositionnent sur l’échelle gauche-droite

l’évaluation du couvre-feu sera réévaluée

On va essayer de tenter le banco

on peut se rencontrer les uns les autres

on doit rétropédaler en arrière

ils sont interconnectés entre eux

une série de sketches mis bout à bout les uns après les autres

Ce joueur s’est auto-exclu de lui-même (et à l’insu de son plein gré !).

Ils s’entretuent les uns les autres.

On s’entraide entre nous.

Je m’autocontrains.

Ça nous oblige à être autocentré sur soi-même.

On est solidaires les uns avec les autres.

On concourt les uns les autres à s’enrichir mutuellement.

Les gens doivent se téléphoner les uns les autres.

Le covoiturage les uns avec les autres.

Les journalistes qui font des enquêtes d’investigation.

…avoir la volonté de vouloir réformer…

Les œufs qu’on consomme tous les jours quotidiennement.

Elle s’est autorisée elle-même à devenir…

Il faut assembler les deux éléments ensemble.

Les institutions coopèrent pour travailler ensemble.

Attendre que la dénucléarisation soit effectivement effective.

Il n’y a pas de preuve probante.

L’environnement qui nous entoure.

Dans ce livre je fais un constat factuel.

Il faut voir le xxx de visu.

La logorrhée verbale.

Un bonus supplémentaire.

Il y a en plus quelque chose de supplémentaire. (cela me rappelle que la liste des prestations de mon ancien coiffeur portait cette mention finale : Supplément en sus : 5 francs).

Le bio a des vertus qui sont bonnes (doit- on en conclure que le non-bio a des défauts qui sont mauvais !!).

Des archives inédites et qui n’ont jamais été publiées.

Les engagements auxquels il s’est engagé.

…remonter à contre-courant le cours de l’Amazone.

Il n’y a pas de logements disponibles proches à proximité de l’entreprise.

Il a été élu pour un quinquennat de cinq ans.

Cette hypothèse est hypothétique.

on a des vieilles personnes âgées…

Nous devons être traités sur un même pied d’égalité.

On me demande si je veux vaire du one-man show tout seul.

Le sujet de la question du cannabis

Le sujet, c’est la question de l’hébergement

ça questionne la question de la dépendance

Le problème de la question du …

Il y a le problème de la question du terrorisme.

C’était pour permettre à ses fils de pouvoir étudier

Ça va permettre de pouvoir aider…

Si les constructeurs ne sont pas en capacité de pouvoir …

Je suis dans l’incapacité de pouvoir …

J’ai la capacité de pouvoir …

Nous avons les moyens de pouvoir réussir

La possibilité pour les voyageurs de pouvoir changer de destination

Ce système va permettre d’être en capacité d’interroger les gens

Il est apte à pouvoir jouer.

Ils peuvent faire ces manœuvres parce qu’ils sont en capacité de le faire.

Quelques problèmes temporels :

ça peut devenir un instantané à un moment donné

Un projet qui concerne l’avenir

Il n’avait pas été prévenu au préalable de ce classement

Cette situation ne va pas s’éterniser dans le temps

Faudrait pas que ça dure dans le temps

Si ça dure dans le temps, il va falloir…

Ce sont des effets qui sont durables dans le temps.

… des phénomènes qui vont durer dans le temps.

Les xxx perdurent dans le temps.

l’heure de pointe, on va l’avancer plus tôt

Ces enfants sont l’avenir de demain (et pourquoi pas l’avenir du futur ?).

Cette joueuse, c’est l’avenir de demain.

Si ça devait se répéter ou devenir quelque chose de récurrent…

Et pour finir, quelque problèmes médicaux cruciaux :

les spermatozoïdes mâles et femelles

Les médicaments indispensables en thérapeutique

il y a des patients qui se décommandent d’eux-mêmes

les asymptômatiques contagieux mais sans symptômes

quelles sont les conséquences du coronavirus sur la grossesse des femmes enceintes

des anticorps qui sont fabriqués par des techniques qui permettent d’obtenir ces anticorps

il n’y a pas que les femmes qui ont leurs règles

les gens se confinent les uns les autres

à propos de la menstruation : chacun et chacune doit trouver la solution qui lui convient (vive l’inclusivité !! Mais rassurez-vous pas de problématique de mon côté !).

Transmis par Bernard Gensane

PS : après avoir lu le propos de Patrick, Juan Carlos, autre linguiste, nous a fait parvenir ce qui suit sur deux faits de langue horripilants :

1) "sujet". Ah, ça, c’est caractéristique des politiques et des journalistes ("y’a un sujet de X, y’a un sujet de Y", ou bien "ça, c’est un sujet". J’ai même entendu un haut responsable, il y a quelques mois, sortir "moi, j’ai pas de sujet avec ça"... D’ailleurs, c’est assez marrant, je crois vraiment qu’il s’agit, dans ces cas-là, de rechercher un équivalent, rigoureusement dans les mêmes contextes, à l’anglais issue.

2) "problématique". Plus caractéristique des moins diplômés qui ont l’impression que ça fait plus intelligent ; j’ai un jour entendu mon plombier qui avait une "problématique de tuyaux" (rigoureusement sic !) et un marchand de meubles me dire "si vous voulez une autre couleur, ça n’est pas une problématique" (re-sic).

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COMMENTAIRES  

18/11/2021 08:19 par Maxime Vivas

J’aime aussi cette question qui m’a été posée par une journaliste d’Arrêt sur Images : "Je voudrais vous questionner un peu par rapport à vous, par rapport à votre rapport à la Chine".
Maxime Vivas

18/11/2021 09:10 par J.J.

Et pour évoquer le retour en arrière rétroactif de la Covid, on sait que la conjoncture situationnelle de la situation peut subir une aggravation sévère si le mercure affiche des valeurs non conformes et différentes des moyennes saisonnières.

18/11/2021 11:40 par L. A.

Énoncés avec cette assurance hautaine si spécifique aux prétendus spécialistes cooptés qui infectent nos écrans, ces pléonasmes, tautologies et truismes passent pour de l’information. Combien de ces idioties ânonnées par le narrateur dans les documentaires ? Même si la plupart sont involontaires, ça permet de mieux encore noyer le poisson et faire passer la discrète contre-vérité dans le flot des lapalissades.
Certaines formules sont tellement rabâchées qu’on ne remarque plus guère leur incongruité, comme par exemple « taux d’alcoolémie » ou « tri sélectif », ce dernier rivalisant avec l’oxymore « tout sélectionner » de nos fichiers informatiques. Ou encore le innombrables occurrences où l’on nous rappelle ce que quelqu’un avait fait, dit ou produit « de son vivant »…
Un autre jour, sans doute, on parlera de l’invasion du globish (même pas english) qui nous submerge.
L. A. (parmi les oxymores entérinés dans la langue courante, mon préféré du jour est « lunettes de soleil »)

18/11/2021 12:09 par Assimbonanga

Splendide collection mais on ne peut pas en tenir rigueur aux interviewés ponctuels de surcroît s’ils sont interrogés subrepticement sur la voie publique. Ils abusent un peu de la fonction phatique en rajoutant des couches verbales. Je trouve personnellement en personne que les professionnels de la profession de présentateurs d’informations à la radio sont plus à blâmer, surtout quand ils sont censés avoir rédigé leur bulletin avant de le lire à l’antenne.
Je déplore quelques modification de notre langue bien française de souche sous la pression populacière du peuple avec les "insulter de" et les "supporter mon équipe". Je me sens totalement grand-remplacée par des gens qui n’ont pas totalement ingéré les 5 années d’école primaire plus les 4 années de collège et d’analyse logique et leur complément indispensable de littérature classique en 3 années de lycée. Ah ! Qu’on se sent alors vieille, vintage, old school, démodée, déphasée !
Parfois je note les hérésies langagières sur un bout de papier volant mais je n’ai aucune tenue sur la longueur et les petits papiots terminent leur course à la corbeille. Comment peut-on rassembler un tel corpus de cas de pléonasmes ? Bravo l’artiste !
J’aimerais m’atteler au cas des vieilles expressions où celui qui l’emploie change un mot qui change tout et ça ne veut plus rien dire. Ces vieilles expressions remontent, grosso modo, à l’époque de Maupassant et les générations actuelles, urbaines, connectées, cosmopolites, ne voient plus trop les tenants et les aboutissants. Elles les utilisent au hasard Balthazar, pour la beauté du geste et les réactualisent selon leur poétique du moment... Les objets et les savoirs-faire contenus dans ces expressions n’existent plus. Les jeunes seraient incapables de comprendre à quoi ça servait même. Ah ! Qu’on se sent alors vieille, vintage, old school, démodée, déphasée !

18/11/2021 13:24 par irae

De base pour à la base,
En avance pour à l’avance,
Qualitatif pour de qualité,
Les manifestants se dissipent pour se dispersent (bfmtv).
Et dans la bouche d’une sénatrice sur lcp "elle s’est faite (+infinitif).
Sans oublier le de pire en pire.
A la rigueur un lycéen de banlieue, mais là on paye ces ânes des fortunes pour massacrer notre langue.

18/11/2021 13:52 par irae

Cela dit nous avons toujours des sortir dehors, partir en Italie bien classiques.
Dans la bouche du commentariat professionnel et politique des plateaux les redondances (je me suis amusée l’autre soir à compter le nombre de fois où le même argument, faux cela va de soi, était répété dans un même tunnel) ajoutées aux redites, avec les expressions à la mode (on a presqu’oublié le "juste" ou le "verbatim") et les gracieux "pour autant", sans compter les "très technique" ou "très complexe" alors pour que "nos télespectateurs comprennent" ces ignares.
Cela permet de conserver le crachoir, briller ou croire briller à ses propres yeux en pratiquant sportivement l’enfonçage de porte ouverte et justifier sa propre existance hors sol au sein de la petite caste bobo intra-muros.
Journalisme de remplissage par le vide pour occuper de temps de cerveau disponible sous une forme pseudo brillante.
Le Monde lui nous fait du remplissage par des préoccupations qui ne doivent même pas concerner 1 % de la population française.

18/11/2021 18:18 par babelouest

Pour autant que mes souvenances me reviennent depuis le long couloir de la vie (bon, alors,aux faits), il y a 50 ans de tels mots écrits ainsi vous auraient valu le piquet et le bonnet d’âne. Aujourd’hui parler correctement amènent l’interlocuteur à hausser les sourcils d’incompréhension.

Il serait presque intéressant de reprendre cet article tout entier, pour le traduire en français : un bel exercice. Je parle bien entendu du français de Victor Hugo ou Marcel Proust. Je n’ose imaginer ce que pourrait apporter une dissertation de quatre pages, rédigée par un jeune né avec le siècle. Ce serait sans doute.... surprenant !

18/11/2021 19:17 par Micmac

Je ne suis pas le seul que cette "problématique" irrite.

Les journalistes n’utilisent plus le mot "problème", "problématique" le remplace. "Problématique" est un mot dont on a pas besoin, que je n’utilise jamais. "Problème" s’applique à tous les cas. "Problématique" est un néologisme de technocrate crétin.

Autre chose qui m’énerve : la disparition des formes interrogatives. Si vous écouter nos chers journalistes, la forme interrogative a complètement disparu ! C’est fini, c’est ringard.

"Vous en pensez quoi", "Vous êtes allez où", "Vous avez parlez à qui ?"etc. Dans la vie de tous les jours ces familiarités, correctes (je crois) du point de vu du français, sont utilisées. Mais ce sont des familiarités, c’est comme ça que l’on parle à sa famille ou à ses potes. Que des journalistes diplômés du supérieur s’exprime de façon si peu recherchée, si familière, est de fait très méprisant.

18/11/2021 21:15 par Xiao Pignouf

@Micmac

Autre chose qui m’énerve : la disparition des formes interrogatives

Les phrases dont vous parlez sont bien des formes interrogatives, mais il faudrait les nommer « questions déclaratives » où l’intonation seule dénote l’interrogation, par opposition aux questions avec est-ce que ou en français plus soutenu, aux questions avec inversion sujet-verbe.

Ce qui vous énerve en fait, c’est l’emploi permanent par les journalistes de la « question déclarative » qui est en effet une expression de la familiarité.

19/11/2021 08:16 par Assimbonanga

Je ne connais pas le programme des très prisées écoles de journalisme. Je me suis laissée dire qu’on y apprenait surtout à être conforme à la page de Une des principaux médias dominants... (François Ruffin : les petits soldats du journalisme)
J’ignore donc si les prétendants à la carte de journaliste officiel bénéficient d’un rattrapage en français, orth, conj, grammaire et littérature. Ça ne serait pas du luxe pourtant. Je préconiserais 4h par semaine. Minimum !

@Micmac, as-tu remarqué la gène vis à vis du style interrogatif indirect ? Les journaleux sont perdus, désemparés. Ils sont prêts à faire du Coluche en Papy Mougeot : est-ce que le schmilblick est-il blanc ?

19/11/2021 16:37 par Scops

Excellent, mais il manque l’insupportable "dédié". Un compositeur peut certes dédier une symphonie à sa cousine, ou un champion olympique dédier sa médaille à ses parents, mais un espace "dédié" c’est n’importe quoi ! "Consacré", "spécial", "réservé", mais pas "dédié" ! On voit même des places de stationnement "dédiées"... Mais puisque les anglosaxophones disent "dedicated", il est de bon ton de les singer, une fois de plus.

Quant à l’adjectif anglais "digital", utilisé à tort à travers à la place du français "numérique", il pourrait servir à qualifier à la rigueur un examen de la prostate, et encore...

20/11/2021 08:21 par Bernard Gensane

A Scops : c’est même un faux anglicisme. On ne pourrait pas trouver en anglais "a space dedicated". Mais " a space dedicated to obtuse journalists". Quant aux espaces, que l’on croise un peu partout, cela devient sidérant. J’ai vu l’autre jour dans un grand cabinet dentaire “ Espace Incisives ”. Je n’avais malheureusement pas mon téléphone (pardon : mon cellulaire) pour prendre une photo.

20/11/2021 10:58 par Xiao Pignouf

un espace "dédié" c’est n’importe quoi !

Plutôt qu’un anglicisme, il vaudrait mieux y voir une origine religieuse, en outre le verbe vient du latin dedicare.

Dédier une église, un culte, dédier une chapelle à la vierge.

C’est drôle comme chaque débat sur la langue française finit toujours de la même manière.

Passionné de la langue française, je ne sais pas si cette hostilité n’est pas un combat d’arrière-garde. Une langue qui évolue n’est-elle pas le signe d’une langue qui vit ? Si Balzac, Zola ou même Proust lisait Camus ou Houellebecq, ne croyez-vous pas qu’ils seraient effarés ?

Les échanges linguistiques entre nous et la Perfide Albion sont vieux comme le monde. La langue anglaise est beaucoup plus imprégnée de francismes que le français d’anglicismes. Exemple (peut-être déjà évoqué) que j’aimais bien citer à mes étudiants chinois : dans la France de la fin du Moyen-âge, on portait un petit sac de cuir au bout d’une corde qu’on nommait « bougette » parce qu’il se balançait le long de la jambe quand on marchait. Ce petit sac a traversé la Manche dans l’Angleterre francophone du XIIIème siècle et à travers les accents locaux s’est mis à être prononcé « boudgette » ce qui plus tard a donné « budget » et est à son tour revenu en France avec le sens qu’on connaît.

Des exemples comme ça, il y en a des brouettes (diminutif probable de l’anglais barrow)...

Mais rassurez-vous, je suis comme vous, quand j’entends parler les jeunes qui parsèment leur français appauvri de barbarismes anglais, là, oui, je suis effaré, mais il m’en faut beaucoup plus que le verbe « dédier », « cellulaire » ou « digital » pour l’être. Perso, je n’ai jamais entendu qui que ce soit employer « cellulaire » au lieu de « portable » (qui est en soi un appauvrissement car beaucoup d’objets sont « portables ») et « digital » s’emploie déjà dans son sens propre comme par exemple une empreinte « digitale » et mis à part l’affichage « digital », je n’ai jamais ouï dire que quiconque disait du Grand Soir que c’était un média « digital » sur lequel on pouvait lire des articles « digitaux »... Beurk.

26/11/2021 00:50 par act

Haïku cubanisé :

« Quand les lettrés se gaussent des plombiers
voici que revient pour eux
la saison des champs de cannes à sucre
 »

(et non, une saine auto-critique spontanée ne suffira pas sur ce coup ;)

26/11/2021 05:19 par Xiao Pignouf

@act

https://www.youtube.com/watch?v=NkYqkig7TYA

Lettré de coeur (du moins, j’essaie), je n’en suis pas moins plombier.

26/11/2021 16:05 par Assimbonanga

Parmi les massacres d’expressions françaises, je dénonce quelques récents assassinats ;
 Faire confiance à
 Avoir confiance en
 Être inquiet de (et non inquiet par comme dit fallacieusement Carine Bécard elle-même).

Je suppose que ces meurtres en série proviennent de l’arrivée massive de la langue anglaise&américaine dans les sphères commerciales et diplomatiques. On est submergés !
Même à l’Union européenne on se voit imposer une langue dominante dont les locuteurs se sont permis de surcroît de quitter le groupe !

26/11/2021 18:32 par Xiao Pignouf

@Assim

Excuse-moi, mais en quoi les 3 locutions verbales que tu cites sont des « assassinats » ? Je te demande ça sans arrière-pensée, il me semble à moi qu’elle sont loin d’être des anglicismes... mais peut-être que je me trompe.

avoir confiance en = faire confiance à traduit par to trust en anglais...

Par contre, je te rejoins sur le fait qu’il vaudrait mieux parler d’« américanismes » que d’anglicismes à proprement parler, car même les Anglais se sentent envahis par l’anglais d’outre-Atlantique. Mais, le terme « américanisme » nie les autres peuples des Amériques, donc, on oublie... Yankisme ? Why not. Seulement, moi, je trouve que râler sur la présence grandissante de ces mots dans notre langue requiert un « régime » auquel je doute que beaucoup s’astreignent : pas d’Internet, pas de musique actuelle ni de productions audiovisuelles anglo-saxonnes... la vie intellectuelle serait bigrement ennuyeuse...

26/11/2021 19:02 par Assimbonanga

@Xiao, étasunismes ?
Les 3 locutions citées sont souvent assassinées, inversées. Le de est remplacé par le à, au petit bonheur la chance. Anglicisme ou autre, c’est pas la question, c’est les effets secondaires. En fait, c’est une vague submersion. On est dépassés. Une erreur en entraîne une autre, tout devient vague, incertain. Les gens ne savent plus trop, ils font au hasard dans le flot du présent. C’est une marmelade !

26/11/2021 22:02 par Xiao Pignouf

étasunismes ?

Pourquoi pas.

Anglicisme ou autre, c’est pas la question, c’est les effets secondaires

M’enfin, tout mettre sur le dos de l’anglais, c’est un peu facile je trouve.

S’il y a une dégradation de la qualité du français, c’est parce qu’on ne sait plus l’enseigner, que les enseignants sont méprisés, que l’école, comme l’hôpital, est abandonnée et que bientôt les vautours se repaîtront de son cadavre, que l’université est l’antichambre du chomdu, que la philosophie sous Blanquer est passée de 8 heures par semaine à 4, que la lecture chez les jeunes n’a plus la cote, que cette jeunesse est obnubilée par l’image et qu’aujourd’hui plus un texte est court plus il est apprécié, que la norme du français se trouve chez les Marseillais (pas les habitants, l’émission), que même mon cul et mes pieds peuvent être publiés aujourd’hui (et même recevoir un prix !), et oui, oui, que nous sommes envahis par la culture low price américaine netflixée... et ainsi de suite. Je ne nie pas que l’impérialisme américain ait une influence sur la langue française, mais est-ce autant qu’en son temps le latin, soft-power (pouvoir de velours ?) de l’empire romain dont nous défendons becs et ongles les vestiges aujourd’hui... ?

27/11/2021 05:02 par babelouest

@ Xioa Pignouf
Entre associations de défense de la langue française, nous en avons longuement débattu. Le danger de la pénétration du Globiche, cette langue informe qui n’est même pas de l’anglais, c’est la perversion du sens des mots : cela va de très subtil à carrément inversé. On notera que souvent les publicités présentent leur slogan en anglais approximatif, et en bas, en toutes petites lettres est proposée généralement une traduction pas forcément très judicieuse. Un terme comme "impacter", néologisme alors que le mot impact existe, se veut remplacer une dizaine, voire plus, de verbes français plus précis et aux sens très différents, d’influencer à détruire. Kid est employé à tort et à travers pour une vingtaine de mots français allant d’enfant à moutard, en passant par adolescent, môme, gamin, chiard, gosse, bout, mouflet, nourrisson, et j’en passe..... C’est un appauvrissement volontaire de la langue : quand on n’a plus de mots pour clamer sa détresse ou définir une belle chose, on se tait, et l’oppresseur a gagné sans fatigue.

27/11/2021 10:28 par Xiao Pignouf

Salut Babel,

L’exemple que tu prends parmi d’autres, c’est vrai, est un verbe anglais francisé. Toutefois, de mon point de vue, il ne remplace pas, ou alors il faudrait pouvoir démontrer dans quelles proportions, mais s’ajoute aux nombreux verbes français synonymes qui permettent de dire la même chose. Il s’agit donc selon moi plus d’un enrichissement que d’un appauvrissement.

Si l’on souhaite éviter que ce phénomène linguistique d’emprunt ait lieu, comme c’est le cas depuis la naissance du langage, que faudrait-il donc faire ? Instaurer une police du langage ? Ça ressemblerait drôlement à une dystopie... D’ailleurs, on pourrait croire à lire trop vite que les exemples listés dans l’article illustrant un mésusage de la langue français tiendraient de la novlangue. Il n’en est rien. C’est en effet comme le dit l’auteur une longue liste quasi exclusive de « pléonasmes et de redondances » qui attestent seulement de la bêtise intellectuelle des journalistes que je soupçonne d’avoir été délibérément choisis pour cela.

Et si la sphère médiatique a une prédilection pour ce type de termes que tu qualifies de « globiches » (quoique je n’ai pas la même définition du globiche) et comme tu le dis très judicieusement à travers ton illustration par la publicité, si le ver pénètre dans le fruit, il faudrait plutôt regarder vers cette pléthore de business schools qui à l’instar des élevages de poulets en batterie formatent les jeunes qui paient une fortune à rejeter leur langue pour adopter le langage du capitalisme. Il ne fait aucun doute qu’un soft-power... aïe ! un lobbying... ouille ! un jeu d’influences... aah ! est à l’oeuvre, mais pour le moment, je trouve que la langue française se défend plutôt bien justement par sa capacité à absorber les termes étrangers, comme une cellule en absorbe une autre... et grandit.

Cela dit, on peut toujours trouver des exemples extrêmes, mais reflètent-ils une tendance générale ?

Alors, quelle est la définition du globish ?

Le Wiktionnaire en donne celle-ci : « Jargon utilisé par des locuteurs non anglophones quand ils veulent communiquer en anglais ». Or, un jargon est d’abord le vocabulaire employé par un groupe social ou professionnel particulier, souvent inaudible pour les profanes. Dans le cas qui nous intéresse, le globish est, qu’on le veuille ou non, une version éco + de l’espéranto puisqu’il permet, peu ou prou, à des locuteurs étrangers de se faire comprendre à peu près partout dans le monde. Le globish se caractérise donc par l’emploi d’un anglais appauvri mélangé à la langue autochtone, et non, comme tu le dis avec ton exemple et comme les exemples cités dans les commentaires, l’absorption par cette langue de termes d’origine anglaise par le processus qu’on appelle chez nous francisation.

Les exemples typiques de ce globiche se trouvent à la pelle sur les réseaux sociaux et les médias numériques, au premier rang desquels Youtube où tout nouveau concept sera baptisé par du globiche : wokisme (déjà francisé), cancel culture, unboxing, name dropping, streaming, featuring... la liste est longue comme le bras...

Cependant, et je l’ai déjà dit à ce sujet, voici ce que dit la citation prise en exemple par le Wiktionnaire, que je rejoins : « L’anglais paie le prix fort de son hégémonie. Car le « globish » disgracieux que l’on ânonne d’un bout à l’autre de notre monde globalisé n’a rien à voir avec la langue abondante, élégante et infiniment plastique qui a fait les riches heures de la littérature d’expression anglaise »

S’il advient que la langue française s’appauvrisse, ce sera d’abord et avant tout en raison de la détérioration de son enseignement. Voir dans le globish la raison de cet appauvrissement est un fantasme qui nous permettrait de rejeter sur lui nos propres fautes. Si je n’y crois pas, je suis par contre convaincu qu’un des versants du néolibéralisme est de contribuer à rendre débile, au sens premier du terme, l’esprit critique des masses populaires en les abreuvant d’idioties tout en détruisant l’école.

27/11/2021 12:39 par Ivan

La vérité est que je m’en fiche de toutes ces collections de pléonasmes. Chacun de nous utilise régulièrement des mots et des tournures de phrases officiellement impropre (mais officialisées par qui ? la poésie de Paul Jean Toulet tient pour une bonne part dans des écarts à la grammaire) et il est vain de croire que la langue n’évoluera pas.
Mais je relève une incongruité manifeste : "Les journalistes qui font des enquêtes d’investigation." Même en supprimant la redondance, la formule est fausse.

27/11/2021 16:32 par babelouest

@ Xiao Pignouf
Je t’entends très bien. De tous temps des esprits se croyant supérieurs ont employé des mots-valises ne reflétant que la vacuité de ceux qui les employaient. Je crains seulement qu’avec le temps, ces mots-valises ne remplacent des dizaines chacun de mots précis,donc contribuent à appauvrir la langue parce que les professeurs eux-même s’en contenteront. A ce propos, je me souviens d’un devoir de traduction en classe de Première (on avait droit au dictionnaire) d’un texte anglais à mettre en bon français. Quand les copies ont été rendue, le prof (qui chaque année passait un mois de vacances chez des amis londoniens) m’a demandé quel dico j’avais utilisé pour donner la version exacte du terme utilisé : j’étais le seul à avoir un gros machin de chez Hachette. Tous les autres avaient transcrit bouée, j’avais mis : corps-mort, qui a un sens différent. Chaque mot a un sens. D’ailleurs le véritable anglais comporte plus de mots que le français.

30/11/2021 07:25 par Xiao Pignouf

https://wallonica.org/blog/2020/07/04/clave-baisse-du-qi-appauvrissement-du-langage-et-ruine-de-la-pensee/

Ce texte vaut ce qu’il vaut, la personne qui l’a écrit aussi, mais je trouve qu’il correspond davantage à une réalité tangible que quelques barbarismes anglais.

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