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Corée du Nord : un voyage au pays du grand-père, du père et du fils afin de ne pas avoir affaire avec le saint Esprit !

Au préalable quelques interrogations introductives. Est-il plus socialisant de voir un gamin snobant ses semblables avec sur son vêtement une virgule horizontale ou un gamin en pantalon bleu, chemise blanche et foulard rouge bénéficiant d’applaudissements des autres élèves parce qu’à l’enseignant il a bien répondu ? Est-il plus aliénant de s’agenouiller devant un acrobate métallique accroché à une croix que de s’incliner devant une fresque en mosaïque d’un des leaders suprêmes visitant une usine ? Est-il plus rationnel de tourner à plusieurs milliers, sous le soleil, autour d’un vaste cube noir dans le désert que de visiter la maison de naissance du grand-père Kim ? Est-il plus digne de créer une émeute pour du faux chocolat en réclame dans un supermarché plutôt que de réaliser collectivement un spectacle vivant devant le leader suprême ? Est-il plus valorisant d’avoir un dirigeant qui se qualifie de Jupiter plutôt qu’un leader suprême ? Qu’est-ce qui est plus louable communiquer pour vous vendre une voiture neuve, un truc inutile et jetable ou écouter la propagande du leader suprême à propos des sanctions économiques. Si on n’observe pas les faits de manière un peu dialectique on peut affirmer que les routes qui montent sont aussi des routes qui descendent et cela en vertu de notre position sur ladite route. Pour monter une route qui descend, il suffit de monter à reculons et cela nos grands prêtres du prêt à porter des idées savent très bien faire

Dans les lignes suivantes trois questions sont brièvement abordées. Pourquoi aller en Corée du Nord ? qu’est-ce qu’on peut y apercevoir ? Que retenir ?

Pourquoi y aller ?

 Premièrement, parce qu’une opportunité s’est présentée, proposée avec un voyage et un séjour organisés par l’association d’amitié belge avec la Corée. Il existe en Europe comme en France des associations actives d’amitié avec la Corée du Nord. Il convient de rappeler que la France se singularise en étant avec l’Estonie les seuls pays européens à ne pas avoir d’ambassade à Pyongyang. Cette pratique se calque d’ailleurs sur celles de grands spécialistes historiques de l’autonomie des peuples que sont Israël, le Japon et les Etats-Unis. Il parait que le socle de la diplomatie française consiste à reconnaître les Etats mais pas les gouvernements c’est d’ailleurs ce que fit la France avec le Chili du général Pinochet.

 Deuxièmement, y aller car selon l’adage il vaut mieux (si on le peut, bien sûr) voir une fois qu’entendre cent fois. Avec la Corée du Nord le discours est multiple mais unique et sans nuance, lorsque des voies solitaires s’expriment, elles peuvent vite être taxées publiquement « d’illuminés, de derniers staliniens, de frustrés planétaires… » Des amis, des voisins peuvent même se montrer abasourdis par votre courage et votre ingéniosité supposés puisque vous êtes parvenu à entrer dans un pays qu’il est impossible de visiter.

 Troisièmement, un pays qui résiste depuis si longtemps à l’impérialisme américain ne peut que susciter la curiosité intellectuelle. Comment construire et structurer une société ostracisée à ce point et cela depuis 70 ans ?

 Quatrièmement, la confession est sans vergogne, c’est un reste d’orthodoxie antiimpérialiste, qu’une nation, un Etat s’obstine dans un modèle de développement socialiste est, à priori sympathique. Alors la curiosité et l’opportunité aidant, la visite a lieu au mois de mai 2019 mais il y avait longtemps que taraudait le souhait de comprendre « comment on peut être coréen du Nord ? » pour paraphraser Montesquieu et Charvin.

Qu’est-ce qu’on y aperçoit ?

 Il est écrit "aperçu" car évidemment un séjour de 7 jours est bien court pour approcher un début d’exhaustivité. De surcroît ce séjour, comme tous les voyages organisés concentrent les volontés de l’organisateur. Il n’en demeure pas moins que ce voyage a permis de traverser en de multiples déplacements la capitale et de la quitter pour un déplacement à la campagne. Les visites organisées ont décliné des approches industrielles, éducatives, agricoles et les soins médicaux.

 Alors au titre des visites, il y eut des usines de textiles, de cosmétiques, de chaussures et de nourriture pour enfants. Bien sur ces visites sont choisies et montrées pour leur aspect modèle industriel et pour leurs équipements pédagogiques. L’aspect et la qualité des produits soutiennent sans soucis la comparaison avec leurs homologues européens. De ce qui est visible, il est évident que les procédés de fabrication et l’organisation de la production sont au niveau de l’occident capitaliste avec une dimension supplémentaire néanmoins. Le travail humain ne s’apparente pas à de l’exploitation physique et mentale, le travailleur est respecté et son environnement professionnel est très soigné.

 Les écoles visitées à Pyongyang sont sûrement ce que le pays peut offrir de mieux en terme éducatif, tant en ce qui relève des moyens matériels que des démarches pédagogiques. Et là encore, c’est impressionnant ! Des contenus de qualité, une recherche de rigueur, une culture scientifique sans cesse revendiquée et sollicitée et cela avec les outils les plus performants qui existent y compris donc ceux dits de la réalité virtuelle. La discipline, le respect et la volonté de savoir, mis en œuvre en Corée, requalifieraient définitivement en France le métier d’enseignant. Du jardin d’enfants à l’école normale tout semble relever du désir de comprendre et de faire. L’enfant est sollicité dans toute ses dimensions : sens, muscle et esprit. Du chant, de la musique, de la danse, du volley, des échecs au pilotage de robot, la personnalité est conçue et vécue comme multiple.

 La campagne se fut rapide, une nuit dans un gîte d’accueil thermal un peu rustique mais si pratique et sans mercantilisme, puis une demi-journée dans une ferme collective. Des rizières à perte de vue et un accueil chaleureux et politique par les responsables de la coopérative ont été au menu. Le contraste avec la capitale est conséquent, les villages traversés sont plutôt austères, voire pauvres et la population croisée est tout occupée au labeur manuel. Comme Cuba, embargo oblige notamment ou en particulier, les engrais sont absents pour le meilleur mais aussi pour le moins pratique. Entre deux demies journées de travail, les hommes sur un terrain aménagé s’adonnent avec sérieux et plaisir à d’interminables parties de volley-ball. Le pays est essentiellement montagneux et s’il se dit que le sous-sol est potentiellement riche en minerais, il semble que les sols, eux soient à classer en terme pédologique parmi les sols pauvres.

 A travers la déambulation urbaine encadrée par un chauffeur et deux guides, on aperçoit pas mal de pratiques quotidiennes « bavardes » sur le pays. D’abord la ville de Pyongyang est splendide ! De toute évidence une vitrine. Mais quelle vitrine ! La conception actuelle de la ville ; bâtiments et espaces publics relèvent de la cohérence, de la fonctionnalité et de l’harmonie. Les nouveaux immeubles sont tout en couleurs accordées et gaies, leurs formes arrondies peuvent être lisibles sans nécessairement de modes d’emploi architecturaux élitaires, ici une fleur, là la représentation planétaire de l’atome. Sens du collectif et rappel de l’histoire se déclinent en de vastes espaces et en monumentalité où parfois des cheminements interminables et strictement organisés conduisent en la demeure de Kim il Sung enfant, ou vers un arc de triomphe le disputant en taille au nôtre. La circulation automobile est modeste, les transports en communs pratiques, la marche facilitée à l’extrême par la conception de l’espace public. Même le carrefour le plus fréquenté de la capitale peut se traverser sans voisiner avec une auto, des passerelles bleues et blanches survolent la circulation. Le métro, une copie plus modeste de celui de Moscou, est tout à la fois esthétique, moderne et fonctionnel. Les dernières rames proposent en continu des dessins animées. Le domaine public est tout à la fois impeccable, propre, entretenu et attrayant. Pas de réclame, pas de graffiti, pas de papier au sol… Par contre il n’est guère possible d’échapper au poids de l’histoire de la famille Kim : fresques et statuts sont partout présentes pour rappeler leurs influences et la population, les riverains organisés entretiennent leurs abords. Souvent il est loisible de voir quatre, cinq ou plus de personnes du quartier, penchées sur deux mètres carrés de gazon, affairées à repiquer plan par plan quelques graminées. Un coup d’œil par la fenêtre de l’hôtel conduit à constater que la centrale thermique délivre un gros panache de fumée noire polluante mais les sanctions « internationales » ne laissent guère que le charbon comme source d’énergie conséquente. L’usage du téléphone portable est totalement courant, il est fabriqué par les intelligences et les moyens du pays et ne permet de communiquer que dans le pays. Dans la rue les policiers sont rares, les militaires beaucoup plus présents mais tous, à part devant les ministères, sont sans armes ni bidules. Vigipirate et autres inventions sécuritaires n’ont pas d’existence !

 A la rubrique loisir, Pyongyang c’est aussi, un delphinium, un cirque aux numéros les plus prisés au monde, un magnifique centre aquatique très fréquenté par des habitants aussi enjoués que mauvais nageurs. Plusieurs fois dans la semaine, des flots de jeunes femmes dans des tailleurs seyants (sans doute surannés pour nos modistes), instrument de musique à l’épaule se retrouvent avant le travail sur une place, à répéter le spectacle collectif vivant, qu’à l’occasion d’une fête, elles proposeront. Coincé entre plusieurs immeubles, il est loisible de pratiquer en toute tranquillité et sécurité, dans des parcs de toutes tailles, le volley-ball, les échecs, les cartes à jouer, le bavardage et de confier les enfants à des jeux d’explorations physiques.

 La santé et les soins à l’œil. C’est le tarif, c’est gratuit moderne et équipé ! Entre le centre pour enfants handicapés et l’hôpital ophtalmique ultramoderne il est difficile de concevoir que ce pays est depuis tant d’années sous embargo strict. Une consultation en ophtalmologie c’est sans délais, en France cela peut attendre deux années.

 Les arts dans une fabrique. Surprenant ce complexe quas
i-industriel par sa taille et ses productions. Sur une surface de plusieurs hectares, des sculptures, des tableaux, des poteries, des dessins animés… sont conçus, produits et vendus. Les artistes y travaillent comme salariés à la commande, sous inspiration avec une esthétique un peu codifiée mais efficace et émouvante.

Que retenir ?

La certitude renouvelée par le concret, le terrain que le sens de la vie humaine se conjugue dans l’épanouissement collectif et la raison scientifique.

-L’épanouissement collectif, opposé ici à l’individualisme toujours renforcé de nos modes de penser et d’être, est la seule option face à « l’exterminisme » qui nous menace. Le socialisme comme unique réponse à la barbarie du capitalisme. Dans les classes coréennes les élèves qui répondent aux sollicitations des enseignants bénéficient systématiquement des encouragements de leurs camarades. Le faux nez du capitalisme : « la permissivité libérale libertaire », chère à Clouscard, n’existe pas en RPDC, les fantasmes ne s’exposent ni ne se vendent et la discipline collective est la clef du vivre ensemble.

 La science et la tradition plutôt que le non futur ! Les sciences et le travail ont permis à l’homme de sortir de la préhistoire, en République Populaire et Démocratique on en reste à cette affirmation. Les campagnes anti science, anti vaccination, antiogm, antinucléaire, ..., n’ont pas d’écho. La RPDC valorise, développe les sciences, récemment un vaste équipement pédagogique dédié aux sciences et une avenue du même nom, en sont l’affirmation concrète.

 Survivance de l’idolâtrie, culte de la personnalité ou … Certains sont choqués d’autres seulement perturbés par cet aspect de la vie publique d’une société réellement moderne. Pour l’expliquer, en dehors de ceux qui disent que la tartine tombe toujours du côté beurré mais qui, au préalable, ont bien pris le soin de la beurrer sur les deux faces et sur la tranche (sait-on jamais), il y a la persistance de mode de production antérieur, le confucianisme, l’état de guerre latent et les sanctions économiques. Il y a bien sûr la crainte des dirigeants nord-coréens de la formidable capacité de séduction du capitalisme et son corollaire l’aliénation. L’Etat a beau assumer la quasi-totalité des services publics : éducation, santé, logement, la déstabilisation, le sabotage, peut miner l’édifice socialiste, l’impérialisme n’en serait pas à son coup d’essai.

 Après plus de trente ans d’occupation japonaise, une dizaine d’années de guerre avec l’impérialisme étasunien et treize années de rudes sanctions économiques, le pays existe toujours ! Et pourtant l’importation de produits pétroliers, chimiques au sens large, de métaux, de produits manufacturés, de denrées alimentaires sont extrêmement limités. La République populaire mesure les dégâts induits par les appétits des grandes puissances. Il s’agit pour elle et dans le contexte actuel de construire en tout indépendance sa voie vers le socialisme cela en comptant d’abord sur ses propres forces. La quête d’indépendance en Corée du Nord est économique, politique et militaire, il suffirait sans doute que le pays baisse la garde pour être comme la Yougoslavie, l’Iraq, la Syrie, la Lybie en proie au dépeçage et au retour médiéval.

Kim Jong Un conjugue dans une même approche le développement de l’économie et celui du nucléaire, se protéger pour exister et se développer. Un espoir demeure, l’enjeu étant d’abord coréen, le Parti du Travail professe la réunification de la nation coréenne du Nord au Sud dans un État fédéral avec une nation et deux Etats, ce n’est sûrement pas qu’un vœu pieux, c’est aussi une stratégie politique. L’enjeu n’est pas que coréen, ce n’est pas simple, quels sont les grands états de ce monde réellement prêts à soutenir ce désir ? Les 2 Corée réunifiées une belle perspective pour les coréens mais pour beaucoup une crainte.

- Avec ce voyage il était question de capter un mouvement, de tenter de saisir à travers un autre développement, un espoir concret de fonctionnement où nous serions plus dans l’avoir exclusif mais dans l’être pour faire un autre clin d’œil à Clouscard. Cette société, si l’impérialisme lui laisse le temps et si les coréens lui résistent, peut devenir grosse d’harmonie et d’épanouissement.

Jidel

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