Et le boulot par la branche intérim ? … « C’est facile, un entretien rapide, quelques formulaires à remplir, si tu es disponible rapidement tu es presque sûr d’avoir une mission, tu seras bien rémunéré, tu auras la possibilité de l’arrêter à ta convenance si tu trouves la mission trop exigeante ou si cette dernière ne rentre pas dans le cadre de tes compétences tout en disant merde à ton entreprise utilisatrice, moi ça fait 27 ans que je fais ça Jordi et je ne m’en porte pas si mal que ça… » M’avait fait part un beau matin lors d’une formation CACES un collègue de travail proche de la retraite qui bossait dans le même secteur que moi, en l’occurrence, le BTP.
Oui mais… Nous sommes des précarisés !
Il nous faut toujours avoir à l’esprit que ; d’une part, la focalisation permanente sur la recherche de travail axé sur l’intérim tout en s’abstenant de poursuivre une recherche d’emploi stable à temps plein avec un statut (si petit qu’il soit et si démantelé qu’il peut être de nos jours) de travailleur qui nous permettrait d’avoir un oeil toujours fixé sur un horizon lointain sans se soucier du lendemain qui nous guette méchamment, est un leurre.
Car au bout du fil, le compte n’y est décidément pas. C’est toujours le retour à la case départ avec l’intérim qui nous poursuit sans cesse. Plus nous croupissons dans le cercle vicieux de l’intérim que le système nous impose, moins nous avons la capacité de faire face à des dépôts de candidatures que les receveurs nous refusent et n’en sont pas moins des recruteurs exigeants, compte-tenu de notre expérience professionnelle souvent stagnante puisque bien régulièrement nous sommes employés pour faire des tâches pas forcément dures techniquement mais exigeantes physiquement dans lesquelles nous voyons toujours les mêmes occuper les mêmes postes et surtout payés moins bien qu’ils devraient l’être ! Nous avons au demeurant (la chance dirons certains « bien » intentionnés) un choix très limité de diversifier notre activité au sein de notre travail.
En effet l’intérim est devenu à ce titre, depuis de nombreuses années déjà , une arme tant convoitée par la majorité du patronat, et ce, dans un premier temps pour satisfaire un carnet de commande dont certains patrons en connaissent parfaitement les limites, préférant ainsi ne pas embaucher définitivement un salarié qui à ses yeux lui reviendrait trop cher, puis dans un second temps, cela lui permet aussi de satisfaire au plus vite ses critères de choix particuliers orientés sur le rendement et le productivisme totalitaire. En ce sens, la recherche du profil presque parfait, le plus souple qui soit, sont les principales références en matière de sélection, non pas forcément de l’agence de recrutement mais de l’entreprise utilisatrice recherchant son profil bien précis selon les tâches. C’est ainsi qu’une myriade d’hommes et de femmes susceptibles de « faire l’affaire » (selon le langage du patronat), sont en proie à des méthodes de recrutement des plus partiales. Combien de camarades, collègues de travail, ouvriers, salariés, employés n’ont-ils pas fait l’objet d’une sélectivité flétrissante ? D’évidence cela semble être tout à l’honneur des conseillers recruteurs qui pour leur bonne conscience n’éprouvent aucune remontrance à scander envers les patrons utilisateurs-« exploiteurs », il en va de la bonne réputation de l’agence d’intérim…Voyons ! ... Sans commentaires…
Hélas, il en résulte, qu’une des tristes conséquences de ce fléau est manifestement la sous-traitance qui consiste pour une grande ou moyenne entreprise de transférer une partie de son activité à une autre entreprise (souvent plus petite). La sous-traitance, empreinte d’une société capitaliste arrivé à son paroxysme, véritable stratégie d’invention purement patronale, est un véritable fléau et un réel obstacle à l’organisation collective des travailleurs, qui comme les étagères, ceux qui reçoivent le plus violemment en cas de crise grave systémique comme celle que nous vivons sous nos yeux, n’en sont que les forces productives, seul moteur de l’économie, c’est-à -dire les salariés qui se trouvent bien souvent au plus bas de la grille salariale et par-dessus tous les intérimaires, les plus exposés aux risques de la sauvagerie capitaliste.
Selon les chiffres clés, en décembre 2011, le nombre des intérimaires (tous les secteurs confondus) était établit à environ 621 200 contre 765 000 (environ) dix ans plus tôt, en France. Soit une diminution de 5.5% en un an entre 2010 et 2011 et sûrement une diminution conséquente à l’heure où je prends la plume…
Quand bien même l’on gagnera plus qu’en CDD ou CDI (ce qui n’est vrai que dans certains cas), il n’en demeure pas moins que les tracasseries administratives, dans le secteur où le facteur risque est accru, ainsi que les soucis des lendemains foireux, sont omniprésents même si l’on nous dit : « ne vous occupez de rien on s’occupe de tout ». Merci, nous connaissons déjà la chanson, elle a été chanté des milliers de fois déjà celle-ci…Pas de proposition de mutuelle, que de perpétuels déplacements en voiture personnelle sur les chantiers avec bien souvent un remboursement partiel des frais de déplacements, voiture faisant office de camionnette de rangement etc… Et ne parlons même pas de certains « collègues » de travail qui, ne prenant aucun risques, nous manipulent et se transforment parfois en rapporteurs quotidien auprès de leur patron respectif…Oui cela existe, chaque époque a ses collaborateurs et collaboratrices !
Le travail intérimaire généralisé, nouvelle forme d’esclavage moderne qu’il ne faut pas hésiter à dénoncer pour mieux le combattre tout comme l’apprentissage à 14 ans que le FN voudrait réinstaurer…L’intérim, grande fabrique de précaires sans statuts est un fléau qui porte les stigmates de la mort imminente du monde du travail, un instrument à des fins égoïstes et meurtrières, utilisé par le patronat qu’il faut combattre à la racine, en s’organisant dans l’unité, en commençant par faire voler en éclat le nouveau Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance, véritable arme de destruction massive contre les travailleurs et les peuples.
Jordi TOCABENS,
militant syndicaliste.