solidaritéS, 24 octobre 2007.
Nous publions ici un entretien avec Uchihashi Katsuto, un éminent économiste, auteur de plus de soixante-dix livres, qui est aussi un commentateur avisé de la vie sociale et politique du Japon. Il montre ici combien le nouveau régime d’accumulation à dominante fiinancière qui s’est emparé de l’économie internationale, bouleverse aujourd’hui l’organisation du travail et les grands équilibres de la société nippone. Il perçoit ainsi clairement combien les politiques néolibérales sont solidaires, non pas d’un « moins d’Etat », mais d’une redéfinition de l’action des pouvoirs publics dans l’intérêt exclusif des grandes sociétés multinationales. (...)
Si les ventes n’augmentent pas, pourquoi les profits montent-ils en flèche ?
La raison essentielle réside dans l’augmentation dramatique, au cours de cette période, de « la liberté de forcer les gens à travailler ». Les conditions de possibilité d’une telle évolution avaient été annoncées dans les discussions des commentateurs néoliberaux : « l’emploi augmentera, disaient-ils, si cela devient plus facile de licencier les travailleurs-euses ». Selon cette logique, le nombre d’emplois augmente si les employeurs exercent un plus grand contrôle sur le monde du travail. Cette logique est fausse. (...)
A présent il y a quatre types de travailleurs-euses dans les usines « high-tech ». Tout d’abord, une première frontière sépare les employé-e-s fixes des autres. Ensuite, dans ce dernier groupe, il faut distinguer trois sous-groupes : les travailleurseuses à temps partiel, les travailleurseuses temporaires et les travailleurs-euses quasi-indépendants. Les grandes compagnies peuvent dire : « Si nous n’avons pas de travail dans quelque temps, nous n’aurons plus besoin de vous. Cela coule de source n’est-ce pas ? Après tout, vous êtes un travailleur à votre compte, indépendant ». Ce genre de pratiques est une imitation précise du Droit du Travail introduit de longue date en Nouvelle Zélande. De tels règlements des contrats de travail placent un individu isolé face à des compagnies toute-puissantes. (...)
Les contrats individuels sont l’aspect le plus ignoble de ce système. Pour réduire les coûts liés à la garantie des droits élémentaires des travailleurs-euses, les compagnies ont recours à des contrats temporaires. (...) Dans ces conditions, le Keidanren promeut l’augmentation des travailleurs-euses étrangers et immigrés. (...) Il y a ainsi le problème des travailleurs-euses immigrés engagés comme soi-disant stagiaires. On en a parlé dans la presse lorsque des « stagiaires » chinois ont commis un meurtre, mais les conditions de vie et de travail de ces travailleurs-euses immigrés sont particulièrement dures. Dans des fabriques textiles situées en des lieux comme Gifu, les travailleurs-euses gagnent 15000 yens (moins de 150 dollars) par mois. Généralement, ils-elles envoient deux tiers de ce montant à leur famille. C’est la seule manière, pour ce genre d’entreprises, de faire de l’argent. Une compagnie qui fabrique des vêtements bon marché en sous-traitance loge tous ses « stagiaires » chinois dans un dortoir pour célibataires et les transporte en minibus, évitant ainsi qu’ils soient recrutés par d’autres compagnies. Elle les fait travailler dans une fabrique pendant 5 heures, dans une autre pendant 2 heures et dans une troisième pendant une heure. Il y a des travailleurs-euses qui sont obligés de travailler dans de nombreuses fabriques durant la même journée.
C’est ainsi que les grandes firmes détruisent la vie des travailleurs-euses. « La délocalisation des accidents de travail » en est un exemple. Les dirigeants réduisent les coûts et évitent de prendre leurs responsabilités d’employeurs. Ils exposent les travailleurs-euses aux risques en courant après des profits sans précédent. Un tel régime ne peut se perpétuer à long terme. Nous roulons à tombeau ouvert vers un système où les entreprises globales (multinationales) prospèrent et les sociétés tombent en ruine. (...)
- Lire l’ article www.solidarites.ch
- Version complète et illustrée en .pdf, 30 Mo (Trés long à ouvrir)
Le monde à rebours du libre marché, interview de Naomi Klein, par Benedetto Vecchi.