« Sans l’Etat, il y aurait un gros cratère place de la Bourse, à la place de notre siège », plaisante-t-on à l’état-major de l’AFP. Ni entreprise privée ou publique, ni association, ni coopérative, ni capitaux propres, ni actionnaires : l’AFP est une espèce à part entière, qui a vécu des décennies sous le parapluie des ministères de la Culture et des Affaires étrangères. Ce dernier lui assurait, bon an mal an, une centaine de millions d’euros de revenus – pas en subvention, mais à travers un « contrat commercial ».
Alors forcément, quand un concurrent allemand de l’AFP (DADP) a porté plainte en 2010 pour aide d’Etat, Bruxelles n’a eu d’autre choix que de demander à la France de mettre l’AFP dans les clous européens, en réformant ses statuts et en lui donnant un contrat d’objectifs et de moyens (COM), autrement dit un « business plan » pluriannuel. En 2014, sur 209 millions d’euros de budget, 45 % provenaient des deniers publics.
Conseil d’administration
Le premier étage de la fusée a déjà décollé. Jeudi, le Parlement a adopté la loi sur les nouveaux statuts de l’agence hexagonale. « C’est une très bonne chose. Ces statuts ouvrent notre gouvernance et nous rend bruxello-compatible », se félicite Emmanuel Hoog, le président de l’AFP, dont le mandat passe de trois à cinq ans. De fait, l’AFP est désormais dotée d’un conseil d’administration qui se réunira désormais quatre fois par an, et sera composé de moins de représentants de la presse mais de plus de personnalités indépendantes – dont trois doivent avoir une expérience internationale.
Le Conseil supérieur de l’AFP, lui, sera chargé de contrôler la gestion de la direction. « L’AFP est une belle maison, mais en danger, souligne le sénateur Philippe Bonnecarrère (UDI-UC). L’Etat s’est lié les mains pour Bruxelles, il ne pourra plus intervenir à l’AFP. Endettée (à hauteur de 38 millions), celle-ci doit désormais réussir par ses propres moyens. Il fallait donc muscler la gouvernance, très faible jusque-là ».
Manque le financement et son évolution sur les prochaines années
A la demande de la Commission européenne, l’AFP et l’Etat ont dû préciser ce qui relève des prestations commerciales et de la mission d’intérêt général (porter la voix de la France/ de l’Europe à travers le monde). Ce second étage de la fusée est aussi en bonne voie, même si le « COM » de l’AFP n’est pas encore signé. La définition de la mission publique, son périmètre, le plan stratégique sont au clair. Manque le principal : le financement et son évolution sur les prochaines années. « La trajectoire devrait être légèrement positive », dit-on à l’AFP, qui négocie en parallèle le montant du contrat commercial avec l’Etat.
A vrai dire, la France devait envoyer le document signé à Bruxelles avant fin mars. « Mais comme il a trouvé la bonne architecture pour le texte et que la signature en est bonne voie, le gouvernement a obtenu un délai supplémentaire, de quelques mois », assure-t-on à l’AFP .