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Colombie : la para-société passe aux aveux. Fredy Muñoz Altamiranda.








[Correspondant de TeleSur en Colombie, détenu par les forces de l’« ordre », accusé sans preuve -et pour cause- de soutien à la rébellion, Fredy Muñoz a été libéré le mardi 9 janvier 2007 grâce à une campagne internationale. Innocent, il est resté 52 jours en prison. C’est une pratique très généralisée en Colombie, l’arrestation de ceux qui osent dénoncer le régime de terreur. Etant donné que les personnes libérées ne sont pas à l’abris de la répression para-militaire, la vigilance et la solidarité sont de rigueur, pour Fredy, pour tous les journalistes de la dignité, pour les militants des droits humains et pour tous les Colombiens dressés contre la barbarie fascisante de l’oligarchie vassale de l’empire.]




5 janvier 2007.


Lors d’une allocution publique, au début du mois de décembre 2006, le président colombien a demandé que toute personne ayant des liens avec les paramilitaires d’extrême droite -ou qui leur aurait apporté de l’aide-, à l’intérieur ou à l’extérieur des institutions publiques, le reconnaisse publiquement.

Cette demande a été formulée par le président au moment d’un scandale politique considéré, par les opposants et les partisans du gouvernement, comme l’affaire de corruption la plus grave dans l’histoire récente de la Colombie. L’opinion publique lui a donné le nom de « para-politique ». Ce qui est dénoncé c’est la participation d’une dizaine de membres du congrès, ainsi que celle d’autres élus -des gouverneurs et des maires-, à la conformation, au financement, au soutien logistique et à l’orientation d’organisations paramilitaires d’extrême droite accusées de commettre des massacres, des assassinats sélectifs, des déplacements forcés, des appropriations de fonds publics destinés à la santé et à l’éducation dans les régions, ainsi que toutes sortes de crimes.

Deux semaines après la demande du président, une lettre signée par 18 000 Colombiens -éleveurs, commerçants, industriels et dirigeants politiques- a été rendue publique, lettre dans laquelle ils avouent avoir participé à la conformation et au financement des groupes paramilitaires d’extrême droite. Les signataires de la lettre vivent dans une région appelée le Bas Cauca Antioqueño, dans le nord-ouest de la Colombie, zone de terres riches, avec beaucoup de forêt, de mines d’or, de propriétés d’éleveurs, de monocultures industrielles comme le palmier à huile et les bananerais.

Les auteurs de ces aveux publics expliquent que durant les années 1980 des groupes de guérilleros ont pénétré dans la région, et les guérilleros les menaçaient d’extorsion, d’enlèvement et d’assassinats, ce qui mettait en danger les entreprises et toutes les activités commerciales liées à la terre. C’est donc en réaction, soutiennent les signataires, et en l’absence de l’Etat et de sa force publique, qu’ils ont soutenu la formation d’armées privées, lesquelles ont agi dans les départements d’Antioquia, de Córdoba et de Sucre, sur la côte nord du pays, pendant 25 ans.

L’une des premières personnes à s’exprimer, après la déclaration de soutien au paramilitarisme colombien, a été le gouverneur de l’Antioquia Anà­bal Gaviria. Ce dernier a déclaré que « Cela (la confession publique et transparente) ne peut pas se transformer en stimulation de l’impunité », prenant de l’avance sur ce qui pourrait arriver après l’enquête sur les quelque 50 leaders paramilitaires détenus et après l’application en leur faveur de la très controversée « Loi de Justice et Paix », créée tout spécialement pour ce processus, et qui prévoit des peines qui vont de cinq à huit ans pour ceux qui se reconnaissent comme paramilitaires.




Selon le gouverneur Anà­bal Gaviria, Antioquia a été le département le plus actif dans le « processus de paix avec les paramilitaires » qui s’est déroulé pendant les quatre années du premier mandat d’Alvaro Uribe Vélez. Les chiffres montrent que 40% du total des paramilitaires qui ont participé à ce processus à l’échelle nationale, soit 18 000 personnes, concernent le département de l’Antioquia. Mais c’est également dans l’Antioquia, admet le gouverneur, que de nouveaux groupes de paramilitaires ont été réorganisés, avec ceux ne se sont jamais démobilisés ou bien avec des démobilisés qui considèrent que le gouvernement n’applique pas les conditions qui leur avaient été offertes lors de la Mesa de Sante Fe de Ralito -accords, au demeurant, inconnus de l’opinion publique.

Les menaces de ces nouveaux paramilitaires font déjà leur première victimes officielles : le Défenseur du peuple de l’Urabá, zone bananière à l’extrême nord-ouest de l’Antioquia, a dû abandonner son poste et son domicile en raison d’une campagne de menaces d’assassinat. Le gouverneur de l’Antioquia lui-même admet que c’est la situation ainsi créée qui permet la vague d’assassinats, de pillages, de déplacements, et de désinstitutionnalisation qui frappe le pays. L’enjeu : le narcotrafic et ses grandes richesses financières. Pour Anà­bal Gaviria, ces nouveaux groupes gèrent la production de cocaïne dans la région et son transport vers l’étranger par les côtes de l’Antioquia, du Córdoba et du Sucre.

Cependant que les signataires de la lettre d’aveu tentent de légitimer la formation de groupes paramilitaires d’extrême droite par la menace représente la guérilla pour leurs biens et pour leur vie, l’affrontement direct entre paramilitaires et guérilla -deux armées irrégulières- n’est certainement pas la caractéristique principale du conflit dans cette zone du pays. Selon des organisations comme la Consejerà­a para los Derechos Humanos el Desplazamiento (CODHES), la violence paramilitaire dans le Bas Cauca Antioqueño se caractérise par des massacres de paysans, des assassinats de leaders civils, sociaux et politiques, d’instituteurs et de professeurs, d’étudiants et de travailleurs syndiqués.

Dans l’Antioquia -le département qui apporte le plus en hommes et en ressources au paramilitarisme, selon le gouverneur Anà­bal Gaviria- la dynamique de la guerre a été la suivante : les opérations de sicaires et les assassinats sélectifs dans les villes ; et dans les campagnes, les massacres et les déplacements forcés qui frappent les paysans et les ouvriers agraires accusés de soutenir logistiquement et idéologiquement les guérillas. Les grandes armées bien équipées que nous avons vues défiler devant les médias lors des démobilisations en masse -près de 40 000 hommes, selon le Programme pour la Réinsertion de la Présidence de la République, face à 16 000 guérilleros reconnus par l’intelligence militaire- semblent avoir joué un rôle passif et très coûteux dans le conflit.

De son côté le docteur Germán Mendoza Diago, vice-procureur général de la Nation, a annoncé que la la Ficalà­a allait ouvrir une enquête préliminaire pour établir quel type d’aide a été apportée par les 18 000 signataires de l’aveu public de soutien aux paramilitaires qui ont opéré dans le Bas Cauca Antioqueño, et dans trois départements du nord du pays. Pour le haut fonctionnaire de la justice il est nécessaire d’établir clairement de quelle façon cet soutien -exprimé tout à fait clairement- a influé sur les massacres, les Déplacements forcés, les vols de biens et les homicides sélectifs d’opposants au gouvernement dans l’une des régions les plus riches et les plus disputées du territoire colombien. C’est dans cette région que se joue -comme un trésor maudit et silencieux- tout ce qui concerne la production et l’exportation de la cocaïne.

Fredy Muñoz Altamiranda


 Sources : Rebelion.org www.rebelion.org et Agencia de Noticias Nueva Colombia ANNCOLwww.anncol.org

 Traduction : Numancia Martà­nez Poggi




Les véritables raisons de l’intervention nord-américaine en Colombie, par Doug Stokes.


Colombie : Des agents corrompus à la solde des narcotrafiquants avec la bénédiction Département de la Justice US, par André Maltais.

Les FARC-EP sont-elles coca-dépendantes ? par J.J. Brittain, R. J. Sacouman.


A LIRE : Plan Colombie, passeport pour la guerre, par Maurice Lemoine.










 Photo : Indy Colombie http://colombia.indymedia.org


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