Monsieur le responsable Amnesty International France.
72 - 76 Bd de la Villette
75940 Paris cedex 19
Le 20 juillet 2009
Monsieur,
Je vous écris aujourd’hui sur un sujet qui nous bouleverse tous ici, dans notre petite ville de Monein.
Il s’agit de l’affaire des cinq Cubains Gerardo Hernandez, Fernando Gonzalez, Antonio Guerrero, Ramon Labañino et René Gonzalez, les Cinq comme on les appelle. Comme vous le savez, ils sont emprisonnés depuis près de onze ans aux Etats-Unis.
Ces hommes ont été injustement condamnés en 2001 à de très lourdes peines de prison alors qu’ils n’ont fait que le travail dangereux d’éviter des attentats contre leur pays en infiltrant les groupes terroristes de la mafia d’origine cubaine de Floride.
Il est vrai qu’à Miami, ils ne pouvaient espérer un jugement impartial.
Depuis, les appels se sont multipliés, ont traîné en longueur, les uns annulant les autres, jusqu’au résultat donné le 4 juin 2008 par le panel des trois juges de la cour d’Atlanta chargé de leur dossier. Trois des Cinq doivent voir leurs peines revues à la baisse, par la même cour de Miami. Les peines des deux autres, René et Gerardo, sont maintenues. Pour René, il s’agissait d’une peine de quinze années de prison, pour Gerardo, une double condamnation à vie plus quinze années . Sympathique décision, pour Gerardo qui « fêtait » ce jour là son 43ième anniversaire…
Ce verdict du 4 juin est d’autant plus injuste que les trois juges n’étaient pas d’accord entre eux, en particulier concernant la condamnation de Gerardo. Que le juge d’extrême droite, William Pryor, ait pesé de tout son poids pour maintenir cette condamnation n’a pas surpris, il a été nommé par George Bush dans ce but ! La juge Phyllis Kravitch quant à elle a fait un travail courageux dans un climat délétère, en remettant un dossier de seize pages où elle réfutait la culpabilité de Gerardo. Le troisième juge, Stanley Birch qui, en 2005 avait estimé le jugement de Miami non impartial, a cette fois dégagé en touche en s’en remettant à la Cour Suprême pour trancher. Seulement voilà , cette Cour Suprême a refusé de réexaminer le cas, le 15 juin 2009, en dépit des très nombreuses sollicitations d’ « amicus curiae ».Elle a suivi en cela l’avis négatif du gouvernement pour une révision du procès par cette Cour.
Quel jeu joue donc ce nouveau gouvernement ? Sous celui de George Bush plus rien ne nous étonnait, mais là , nous ne comprenons plus. C’est d’autant plus grave que les recours dans le domaine de la justice sont pratiquement épuisés, du moins pour Gerardo et René.
La balle est maintenant uniquement dans le camp politique. Le sort des Cinq est entre les mains du Président des Etats-Unis, Barack Obama. Il a le droit, et je dirais, le devoir de libérer les cinq Cubains, sa constitution l’y autorise.
Sa décision est d’une importance capitale, d’abord pour libérer cinq innocents qui n’ont rien à faire en prison, mais aussi pour signifier que le nouveau gouvernement ne soutiendra plus, comme dans le passé, les actes de terrorisme à l’encontre de Cuba.
Il n’y a pas de bons et de mauvais terroristes. Des hommes comme Orlando Bosch et Luis Posada Carriles capables de faire exploser en plein vol un avion sous prétexte qu’il ramène des jeunes sportifs médaillés d’or à Cuba, sont de monstrueux terroristes, ils ne doivent pas être protégés. Ceux qui les empêchent de nuire ne doivent pas être, eux, emprisonnés sous prétexte qu’ils sont Cubains et attachés à leur révolution.
Comme si cela ne suffisait pas, Gerardo et René sont en plus privés des visites de leurs épouses. Depuis plus de dix ans, les visas d’entrée aux Etats-Unis leur sont refusés régulièrement sous des prétextes les plus fallacieux. Priver ainsi des êtres qui s’aiment du droit le plus élémentaire de se voir s’apparente à une torture. C’est d’ailleurs l’avis d’A.I. En effet, dans votre déclaration publique du 26 mars 2009 « Cuba et le cinquième sommet des Amériques », A.I écrit :
« …En vertu de cette politique, les autorités américaines ont aussi refusé un visa à deux des épouses de cinq Cubains emprisonnés aux États-Unis depuis 1998, mesure de punition injustifiée et contraire aux normes relatives au traitement humain des prisonniers. Amnesty International a appelé à plusieurs reprises le gouvernement américain à accorder des visas temporaires aux femmes de prisonniers pour qu’elles puissent rendre visite à leurs maris… »
Nous pensions tous qu’avec la nouvelle administration des Etats-Unis là aussi les choses allaient évoluer positivement, et nous sommes tombés des nues quand la nouvelle est tombée le 15 juillet dernier : le visa d’entrée aux Etats-Unis a été refusé à Adriana, l’épouse de Gerardo. En plus le 15 juillet est la date anniversaire du mariage d’Adriana et de Gerardo. Sympathique là encore !
Une nouvelle collaboration entre les Etats-Unis et Cuba est pourtant possible et souhaitable. Elle ne doit pas être basée sur des rapports de « dominant » à « dominé ». Elle doit être fondée sur des bases de fraternité et de sincère coopération. Une telle collaboration passe par la libération de ces cinq Cubains, c’est incontournable, et nous comptons beaucoup sur Amnesty International pour peser dans ce sens.
Croyez, Monsieur, à mes sentiments humanistes les plus sincères.
Jacqueline Roussie
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