Les Ministres de la Défense des Amériques et les Chefs de Délégations participant à la Ve Conférence des Ministres de la Défense des Amériques, réunis dans la ville de Santiago du Chili du 19 au 22 novembre 2002, à l’invitation de Madame la Ministre de la Défense Nationale du Chili, Michelle Bachelet Jeria,
CONSIDÉRANT :
– Les engagements contractés par nos Chefs d’États et de Gouvernements et consignés dans les déclarations et plans d’action des Sommets des Amériques tenus à Miami en 1994, à Santiago en 1998 et à Québec en 2001,
– Les principes ayant inspiré les Conférences des Ministres de la Défense des Amériques et les contenus des Déclarations de Williamsburg, de San Carlos de Bariloche, de Carthagène des Indes et de Manaus,
– Le fait que la Ve Conférence des Ministres de la Défense des Amériques a pour finalité exclusive de promouvoir la connaissance mutuelle et l’échange d’idées en matière de défense et de sécurité.
– Les initiatives proposées ainsi que les conclusions dégagées par les Groupes de Travail lors de cette Cinquième Conférence des Ministres de la Défense des Amériques.
CONSCIENTS :
– Du soutien apporté par la Commission Économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPAL) à l’établissement d’une "Méthodologie Commune Normalisée pour l’Évaluation des Dépenses au titre de la Défense" entre l’Argentine et le Chili, laquelle constitue une mesure effective de confiance mutuelle et de transparence,
– Des efforts bilatéraux et sous-régionaux réalisés pour promouvoir une conception hémisphérique de sécurité ainsi que le perfectionnement et l’élargissement des mesures d’encouragement de la confiance mutuelle,
– Du fait que la prochaine Réunion d’Experts sur les Mesures d’Encouragement de la Confiance et de la Sécurité aura lieu à Miami en février 2003 conformément au mandat du Sommet.
– Des efforts du Centre d’Études Hémisphériques de Défense (CHDS), créé à la demande de la IIe Conférence des Ministres de la Défense des Amérique de Bariloche, en faveur de la formation des civils et militaires en matières de sécurité et de défense, et de la contribution de celle-ci au renforcement de l’entente et de la confiance mutuelle dans l’Hémisphère.
– Des efforts réalisés par les États d’Amérique du Nord, par les États d’Amérique Centrale et ceux des Caraïbes, par la Communauté Andine des Nations et par les États du Marché Commun du Sud, la Bolivie et le Chili, afin de promouvoir une conception commune en matière de sécurité et de paix ainsi que le perfectionnement et l’élargissement des mesures d’encouragement de confiance mutuelle dans l’hémisphère,
– De la résolution A/RES/57/13 de l’Assemblée Générale des Nations Unies du 14 novembre 2002 intitulée « Zone de Paix et de Coopération Sud-américaine »,
– Du fait que la Conférence Spéciale sur la Sécurité se tiendra au Mexique en mai 2003, conformément aux mandats des IIe et IIIe Sommets des Chefs d’État et de Gouvernement des Amériques.
DÉCLARENT :
1. Que la Démocratie et ses institutions constituent des éléments essentiels pour la sécurité hémisphérique. A cet égard, ils renouvellent leur engagement envers les valeurs qui unissent les Gouvernements représentés par les Ministres de la Défense participant à cette rencontre, notamment leur attachement à la Démocratie et à ses institutions ainsi qu’au respect des Droits de l’Homme. En particulier, ils s’engagent à appliquer pleinement la Charte Démocratique Interaméricaine adoptée lors de la XXVIIIe Assemblée Générale Extraordinaire de l’Organisation des États Américains tenue à Lima, Pérou, en septembre 2001.
2. Que pour affronter les nouvelles menaces transnationales il convient de poursuivre les efforts déployés dans le but de consolider les gouvernements démocratiques, constitutionnelles et leurs institutions pour ainsi renforcer l’état de droit et les souverainetés nationales.
3. Que, par leur importance, la subordination constitutionnelle des Forces Armées et de Sécurité aux autorités civiles légalement constituées par nos États comme le respect de l’état de droit de la part de toutes les institutions nationales et de l’ensemble des secteurs de la société constituent des principes essentiels pour la démocratie.
4. Qu’à la lumière du rapport existant entre le développement économique et la sécurité, les pays de l’hémisphère doivent s’engager plus fermement à créer de meilleures chances de développement et à éliminer les barrières structurelles freinant le progrès économique et social. L’adoption de politiques efficaces telles que la promotion d’un commerce juste et équitable en vue de réduire la pauvreté contribuera donc significativement à une plus grande stabilité démocratique ainsi qu’à une meilleure sécurité de l’hémisphère. Parallèlement, la sécurité est en elle-même une composante indispensable du développement économique et social.
5. Que la corruption, sous toutes ses formes, et son impunité, constituent des éléments déstabilisateurs pour la démocratie, la gouvernance, la paix et la sécurité et que, pour cela, elle doit être combattue fermement et sans relâche par les gouvernements des Amériques.
6. Qu’ils rejettent de la manière la plus catégorique toute forme de terrorisme, dont les manifestations menacent les fondements essentiels de la civilisation, et signalent que la lutte contre ce dernier exige un effort particulier visant à approfondir la coopération internationale tant sur le plan mondial que continental, régional, sous-régional et bilatéral, afin que ce fléau puisse être combattu de manière solidaire et que soient ainsi préservés l’état de droit et l’empire du droit international sur notre continent.
7. Qu’ils condamnent de la façon la plus énergique les attentats terroristes perpétrés contre les États-Unis d’Amérique en septembre 2001 et réaffirment le principe de solidarité continentale.
8. Qu’ils rappellent la nécessité et leur volonté commune de renforcer les institutions des Amériques relatives aux différents aspects de la défense et de la sécurité, dans le but de consolider la paix dans la région américaine, dans le strict respect des normes du Droit International consacrées par les Chartes de l’ONU et de l’OEA.
9. Qu’en ce début du XXIe siècle, le système international s’est engagé sur une voie dont la mondialisation constitue l’un des traits les plus marquants. Dans ce contexte, la région américaine fait face à un ensemble de problèmes de sécurité et de menaces toujours plus complexes et divers pesant sur les États, les sociétés et les personnes, dont certains sont de nature globale et multidimensionnelle, tout en affectant les pays de manière différente. Ces menaces et problèmes de sécurité méritent donc d’être abordés selon une approche intégrale et multidimensionnelle et ils exigent une recherche coordonnée quant aux solutions à apporter aux problèmes communs ainsi que le respect de la diversité des réponses fournies par chaque État.
10. Que la région est progressivement passée à un système de sécurité complexe composé d’un réseau d’institutions et de régimes de sécurité anciens et nouveaux, tant collectifs que coopératifs, de portée continentale, régionale, sous-régionale et bilatérale, qui, dans la pratique, ont peu à peu formé une nouvelle architecture flexible de sécurité. Tout cela a permis de doter la région d’un niveau croissant de stabilité et de gouvernance dans le domaine de la sécurité et de la défense, permettant à celle-ci d’affronter tant les problèmes de sécurité traditionnels que l’ensemble des risques et menaces découlant du processus de mondialisation.
11. Que conformément au mandat des IIe et IIIe sommets des Chefs d’État et de Gouvernement des Amériques et, se fondant sur ces nouvelles perspectives en matière de sécurité et sur cette vision élargie et enrichie de l’évolution des institutions de sécurité de la région, ils recommandent que la Conférence Spéciale sur la Sécurité prévue au Mexique en mai 2003 approfondisse l’actualisation et la systématisation des principes directeurs communs à la région en matière de sécurité et envisage d’inclure ces derniers dans la déclaration politique adoptée à cette occasion.
12. Qu’ils sont animés par la volonté de renforcer la coordination interinstitutionnelle et intergouvernementale et les régimes de sécurité et de défense de la région permettant de protéger les populations et de préserver la paix et la stabilité.
13. Qu’ils recommandent que lors des instances préparatoires de la VIe Conférence des Ministres de la Défense des Amériques de 2004 soient examinés les thèmes relatifs à la consolidation de la sécurité conventionnelle, à la lumière des nouvelles perspectives de la sécurité hémisphérique.
14. Que dans le contexte de paix, de coopération et de stabilité régnant actuellement sur le continent, chaque pays américain est libre de définir ses propres moyens en matière de défense, y compris la mission, les effectifs et la composition des Forces Armées et de Sécurité Publique nécessaires à la sauvegarde de sa souveraineté, conformément aux Chartes des Nations Unies et de l’Organisation des États Américains.
15. Réitérer l’engagement contracté par la région envers la non-prolifération des armes de destruction massive et l’application pleine et entière de la Convention sur l’Interdiction des Armes Bactériologiques et à Toxines, de la Convention sur les Armes Chimiques et du Traité de Non-prolifération Nucléaire.
16. Leur engagement envers les principes de règlement pacifique des différends interétatiques, de l’abstention de l’usage ou de la menace du recours à la force, d’autodétermination, de non-intervention, de développement économique et social, et envers le droit à l’autodéfense, conformément au droit international ainsi qu’aux Chartes des Nations Unies et de l’Organisation des États Américains.
17. Leur totale adhésion aux principes du droit international humanitaire et leur condamnation sans appel des attaques contre les populations civiles en situations de conflit ainsi que de la participation des enfants aux conflits armés comme de l’enrôlement de ces derniers dans des forces irrégulières.
18. Que les accords sous-régionaux de sécurité et de défense existants contribuent à la sécurité hémisphérique et doivent être respectés et pris en considération pour l’élaboration d’un système de sécurité coopératif mettant l’accent sur la prévention des conflits et tenant compte des contextes stratégiques spécifiques à chaque sous-région de l’Hémisphère.
19. Leur soutien à la participation active et volontaire des nations de l’hémisphère aux opérations de maintien de la paix de l’Organisation des Nations Unies, participation concrétisée par chaque État conformément à ses intérêts nationaux et à sa législation interne.
20. Qu’ils soutiennent les efforts de l’Organisation des Nations Unies et de l’Organisation des États Américains et des différents programmes nationaux de déminage visant à libérer la région de la menace que représentent les mines antipersonnel pour la population civile, et la réinsertion sociale des victimes survivantes de mines ainsi que leur satisfaction eu égard aux progrès réalisés par certains pays de la région signataires de la Convention sur l’Interdiction de l’Emploi, du Stockage, de la Production et du Transfert de Mines Antipersonnel, tout en recommandant aux États de la région d’anticiper, dans la mesure du possible, les délais d’application établis par ladite Convention. De même, ils recommandent aux Etats de ratifier et d’appliquer la Convention sur l’Interdiction ou la Limitation de l’Emploi de certaines Armes Classiques qui Peuvent Être Considérées comme Produisant des Effets Traumatiques ou comme Frappant sans Discrimination.
21. Réitérer que la sécurité et la défense de chaque pays incombent à la société tout entière et non aux seules Forces Armées et de Sécurité Publique et qu’ils reconnaissent donc le rôle de la société civile et la nécessité de renforcer la formation des civils et de la coopération entre civils et militaires eu égard, respectivement, à la défense et à la sécurité.
22. Qu’il est nécessaire de promouvoir et de renforcer la transparence de leurs politiques de défense et militaires, attendu que celles-ci contribuent à la stabilité et à la sécurité entre les États de la région. Ils recommandent en particulier :
· De promouvoir la publication de Livres Blancs de la Défense conformément aux réalités spécifiques à chaque État. Ils se félicitent notamment de la prochaine publication de nouveaux Livres Blancs dans plusieurs États de l’Hémisphère, documents qui contribueront à consolider la stabilité à laquelle est parvenue la région. A cet égard, ils prennent note du document « Lignes Directrices Sur l’Élaboration de Documents sur les Politiques et Doctrines Nationales de Défense », préparé par la Commission de Sécurité Hémisphérique de l’OEA.
· De promouvoir le développement de nouvelles initiatives en matière de transparence dans le domaine de la défense et de la sécurité publique,
· conformément aux spécificités des réalités bilatérales, avec le soutien des organisations telles que la CEPAL et le Centre Régional des Nations Unies pour la Paix, le Désarmement et le Développement en Amérique Latine. Dans cet esprit, ils félicitent les États ayant progressé sur la voie du développement de méthodologies normalisées communes pour l’évaluation des dépenses au titre de la défense.
· D’intensifier la portée et l’efficacité des Mesures d’encouragement de la Confiance Mutuelle et de la Sécurité entre États, en particulier celles liées à la concrétisation de Manoeuvres Militaires Combinées des Forces Armées et de Sécurité Publique, aux échanges en matière d’enseignement et autres mesures tendant à renforcer les liens d’amitiés sur le Continent Américain.
· De réitérer leur volonté de participer pleinement au Registre des Armes Classiques de l’Organisation des Nations Unies, avec l’envoi des rapports annuels correspondants tout en tenant informée à ce sujet l’Organisation des Etats Américains.
· D’encourager le partage d’information sur les fonctions, procédures et organisation institutionnelle des Ministères de la Défense et de Sécurité et les institutions concernées.
· D’encourager la transparence des processus budgétaires dans le domaine de la Défense ainsi que la transmission annuelle, dans le strict respect des conditions fixées, des données au Rapport International Normalisé des Nations Unies sur les Dépenses Militaires.
· De considérer la ratification de la Convention Interaméricaine sur la Transparence de l’Acquisition des Armes Classiques.
23. Qu’ils s’engagent à renforcer la mise en oeuvre, l’intégration et la continuité des programmes d’éducation sur les Droits de l’Homme et le droit international humanitaire au sein des Forces Armées et de Sécurité, tout cela contribuant à la consolidation de la démocratie et à l’état de droit. Les ministres se félicitent des progrès réalisés en ce sens par certains États de la région et ils prennent note des accords conclus lors de la réunion des Ministres de la Défense et de la Sécurité Publique et des Chefs de Délégations d’Amérique Centrale, de Belize, du Panama et de la République Dominicaine, tenue à San José de Costa Rica le 16 octobre 2002, laquelle a débouché sur la rédaction d’un « Document de Consensus » établissant une série de normes en la matière.
24. Qu’il est nécessaire de stimuler la coopération régionale face aux catastrophes naturelles et de renforcer les actions bilatérales et multilatérales existantes grâce aux ressources scientifiques et technologiques disponibles en matière de prévention et de contrôle des effets produits, afin d’éviter ou de réduire les dommages causés aux individus, à l’environnement et au patrimoine.
25. Leur satisfaction quant à la croissante participation des femmes aux Forces Armées et de Sécurité des États de l’Hémisphère et, partant, de l’égalité des chances, conformément aux politiques définies souverainement par chaque État dans l’esprit du Plan d’Action du Troisième Sommet des Amériques de Québec. De même, ils se félicitent de la réalisation du premier « Séminaire sur le Rôle de la Femme dans les Opérations de Paix », dans le cadre de la coopération entre l’Union Européenne, l’Amérique Latine et les Caraïbes, tenue à Santiago les 4 et 5 novembre 2002, en application du mandat contenu dans la Résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 31 octobre 2002..
26. Leur satisfaction quant à la récente approbation de nouveaux instruments régionaux face aux nouvelles menaces comme aux nouveaux problèmes de sécurité, notamment la Convention Interaméricaine contre le Terrorisme et la Convention Interaméricaine contre la Fabrication et le Trafic Illicite d’Armes à Feu, Munitions, Explosifs et autres Matériels connexes, et recommandent la ratification de celles-ci par tous les États de l’Hémisphère.
27. Qu’il est nécessaire de poursuivre le soutien apporté aux efforts solidaires des États et institutions se consacrant à la lutte contre les drogues illicites et les activités criminelles transnationales connexes, basés sur les principes de souveraineté, d’intégrité territoriales des États, conformément au principe de responsabilité partagée, et selon une approche intégrale et équilibrée, attendu que ces agissements posent à la région des défis singuliers en termes de sécurité et de stabilité, chaque État étant en droit de recourir aux moyens qu’il juge appropriés pour affronter les problèmes de sécurité induits par le trafic de stupéfiants et de faire appel à la coopération dans le strict respect des Droits de l’Homme et de l’état de droit.
28. Qu’ils apportent leur soutien au peuple et au Gouvernement de la Colombie et à sa « Politique de Sécurité Démocratique », visant au renforcement de ses institutions, à la protection de sa population et à celle de son infrastructure, dans le contexte du Droit International Humain. Ces derniers sont des éléments nécessaires au plein respect de l’État de Droit, à la réaffirmation de sa souveraineté et de sa démocratie affectées actuellement par des activités terroristes et d’autres formes de crime transnational organisé.
29. Qu’ils prennent acte des initiatives visant à proposer au débat des approches régionales sur la participation aux Opérations de Paix sous l’égide des Nations Unies, où celles réalisées à la demande des Etats concernés, lesquelles seront analysées par chaque État en fonction de ses intérêts propres et de son cadre législatif interne.
30. Qu’ils prennent bonne note des suggestions présentées au sujet de la mise en place d’opérations maritimes combinées, lesquelles devront être analysées en détail aux niveaux correspondants par les États concernés.
31. Qu’ils souhaitent la bienvenue au nouveau membre de la Conférence des Ministres de la Défense des Amériques ainsi qu’aux nouveaux membres des institutions de sécurité du Système Interaméricain.
32. Que la continuité des travaux de la Conférence des Ministres de la Défense devant être garantie, ils réitèrent leur recommandation sur la nécessité de coordination et de coopération entre les États en la matière.
33. Que, compte tenu du point précédent, la présidence sortante devra tenir informée l’Organisation des États Américains (OEA) des résultats de cette conférence.
34. Qu’ils donnent acte de leurs remerciements les plus sincères au Gouvernement et au Peuple du Chili pour l’hospitalité qu’ils leur ont réservée tout au long de la présente rencontre ministérielle.
35. Qu’ils notent avec satisfaction la disposition de la République de l’Équateur à accueillir en tant que siège la Sixième Conférence des Ministres de la Défense des Amériques en 2004.
36. Qu’ils notent avec satisfaction la proposition de la République du Nicaragua d’accueillir en tant que pays siège la VIIe Conférence de l’année 2006, laquelle sera soumise à la considération de la Conférence des Ministres de la Défense de l’année 2004.
Fait à Santiago, Chili, le vingt-deux novembre deux mille deux.