Les chaise ? Le martien connaît. Petit aperçu à base de Ionesco (Dwaabala nous avait bien cité Tardieu) :
DÉCOR Murs circulaires avec un renfoncement dans le fond. C’est une salle très dépouillée. A droite, en partant de l’avant-scène, trois portes. Puis une fenêtre avec un escabeau devant ; puis encore une porte. Dans le renfoncement, au fond, une grande porte d’honneur à deux battants et deux autres portes se faisant vis-à-vis, et encadrant la porte d’honneur. Ces deux portes, ou du moins l’une d’entre elles, sont presque cachées aux yeux du public. A gauche de la scène, toujours en partant de l’avant-scène, trois portes, une fenêtre avec escabeau et faisant vis-à-vis à la fenêtre de droite, puis un tableau noir et une estrade.
Sur le devant de la scène, deux chaises côte à côte. Une lampe à gaz est accrochée au plafond.
Le rideau se lève. Demi-obscurité. Le Vieux est penché à la fenêtre de gauche, monté sur l’escabeau. La Vieille allume la lampe à gaz. Lumière verte. Elle va tirer le Vieux par la manche.
LA VIEILLE : Allons, mon chou, ferme la fenêtre, ça sent mauvais l’eau qui croupit et puis il entre des moustiques. LE VIEUX : Laisse-moi tranquille ! LA VIEILLE : Allons, allons, mon chou, viens t’asseoir. Ne te penche pas, tu pourrais tomber dans l’eau. Tu sais ce qui est arrivé à François Ier. Faut faire attention.
LE VIEUX : Encore des exemples historiques ! Ma crotte, je suis fatigué de l’histoire française. Je veux voir ; les barques sur l’eau font des taches au soleil. LA VIEILLE : Tu ne peux pas les voir, il n’y a pas de soleil, c’est la nuit, mon chou. LE VIEUX : Il en reste l’ombre.
Il se penche très fort. LA VIEILLE, elle le tire de toutes ses forces : Ah !... tu me fais peur, mon chou... viens t’asseoir, tu ne les verras pas venir. C’est pas la peine. Il fait nuit... Le Vieux se laisse traîner à regret. LE VIEUX : Je voulais voir, j’aime tellement voir l’eau. LA VIEILLE : Comment peux-tu, mon chou ?... Ça me donne le vertige. Ah ! cette maison, cette île, je ne peux m’y habituer. Tout entourée d’eau... de l’eau sous les fenêtres, jusqu’à l’horizon...
La maison prend l’eau de partout, c’est tout juste si les chaises ne commencent pas à flotter. Mais ce qui étonne le plus le martien, c’est la musique : pendant que les fantômes invités dans la maison de l’île, tous plus incolores et insipides les uns que les autres, se pressent pour occuper les chaises, surtout devant la porte d’honneur (ah ! Ils y tiennent, à se faire voir devant porte d’honneur !), la musique qui joue, c’est troulala troulala zimboumboum tirelarigolo, tirelarigolette, et quand ça s’arrête, on constate qu’il ne reste plus rien de la vie vivante, ni libertés, ni code du travail, ni services publics, ni bio-éco durable, seulement des prisons, des camps, des miradors.