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Un Juste à l’ONU

Cette société mérite-t-elle de survivre ?

L’actuel Président de l’Assemblée Générale de l’ONU, Miguel d’Escoto Brockmann -ancien ministre des Affaires étrangères du Nicaragua sandiniste- est en train de donner un nouveau visage à l’organisme international. Il a créé des groupes d’étude sur les sujets les plus variés qui intéressent spécialement une humanité en souffrance, comme la question de l’eau douce, la relation entre énergies alternatives et sécurité alimentaire, la question mondiale des indigènes, et d’autres. Le groupe sans doute le plus significatif, qui inclut de grands noms de l’économie comme le prix Nobel Joseph Stiglitz, est celui qui recherche des issues collectives à la crise économique et financière. Tous sont conscients du fait que les pays du G-20, si importants qu’ils soient, ne peuvent représenter les 172 pays restants -où vivent les principales victimes des turbulences actuelles. D’Escoto prétend réunir au sein de l’Assemblée de l’ONU, les 1er, 2 et 3 juin de cette année, tous les chefs d’État des 192 pays membres pour chercher ensemble des voies durables au service de toute l’humanité -et non seulement des puissants.

Le plus important toutefois réside dans l’atmosphère qu’il a créée, une atmosphère de dialogue ouvert, de sens de la coopération et de renoncement à toute violence dans la résolution des problèmes mondiaux. Son bureau est couvert des icones qui inspirent sa vie et sa pratique : Jésus-Christ, Tolstoï, Gandhi, Sandino, Chico Mendes -entre autres. Tous l’appellent Père, car il est toujours prêtre catholique, de profonde inspiration évangélique. C’est un homme d’une grande bonté, qui lui vient de l’intérieur et qui se communique à tous.

Sous son influence, le président de la Bolivie Evo Morales a pu proposer à l’Assemblée Générale le vote d’une résolution pour instaurer le 22 avril comme Jour International de la Mère Terre -proposition qui a été acceptée à l’unanimité. Ce fut un honneur pour moi de pouvoir exposer aux représentants des peuples les arguments scientifiques, éthiques et humanistes de cette conception de la Terre en tant que Mère.

Tout ceci paraît naturel et évident, et d’un humanisme manifeste. Toutefois - voyez l’ironie -, il y a des représentants de pays riches qui trouvent le comportement du père Miguel très étrange. Il y a peu de temps est paru un article dans le Washington Post se faisant l’écho de cette qualité. Le chroniqueur disait que Miguel d’Escoto parlait de choses très bizarres qui ne s’entendent jamais à l’ONU, telles que solidarité, coopération et amour. Tous sont salués, en ses discours, en frères et soeurs (Brothers and Sisters all). Encore plus étrange est le fait, dit le chroniqueur, que beaucoup de représentants -et même des chefs d’État comme Sarkozy- assument ce même langage étrange.

Mon Dieu, jusqu’où sommes-nous enfoncés dans l’enfer de Dante ? Comment une société peut-elle se construire sans solidarité, coopération et amour, être privée du sentiment profond qui exprime, dans la Charte des Droits des Droits de l’Homme de l’ONU, que nous sommes tous égaux et, par cela, frères et soeurs ?

Pour un type de société qui a choisi de transformer tout en marchandise - Terre, nature, eau et vie elle-même -, qui place le profit et la consommation comme idéal suprême au-dessus de toute autre valeur, au-dessus des droits humains, de la démocratie et du respect de l’environnement, les attitudes du président de l’Assemblée Générale des Nations Unies paraissent réellement très curieuses. Elles sont absentes du dictionnaire capitaliste.

Nous devons nous interroger sur la qualité humaine et morale de ce type de société. Elle représente simplement une insulte à tout ce que l’humanité a prêché et essayé de vivre tout au long de ces siècles. Elle est en crise non sans raison, une crise d’humanité plus qu’économique et financière. Elle représente le pire de ce qu’il y a en nous, notre côté demens [ 1]. Elle s’est montrée indéfendable même financièrement, précisément sur ce point qui lui est central.

Ce type de civilisation ne mérite aucun futur. Pourvu que Gaia ait pitié de nous et n’exerce pas sa vengeance compréhensible ! Mais si pour dix justes, selon ce que dit la Bible, Dieu aurait pardonné à Sodome et Gomorrhe, nous espérons également être sauvés par les nombreux justes qui abondent encore sur la surface de la Terre.

Leonardo BOFF


[1] L’adjectif demens, en latin, signifie en français dément, fou ou insensé. Il est construit à partir du terme mens qui signifie esprit. Demens qualifie donc celui qui a perdu l’esprit, qui a perdu ses esprits. (http://www.webphilo.com/)


Source : Essa sociedade merece sobreviver ?

Article original publié le 15/5/2009

Sur l’auteur

Traduit par Thierry Pignolet. Édité par Fausto Giudice

Thierry Pignolet et Fausto Giudice sont membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d’en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur, le traducteur, le réviseur et la source.

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La télécratie contre la démocratie, de Bernard Stiegler.
Bernard GENSANE
Bernard Stiegler est un penseur original (voir son parcours personnel atypique). Ses opinions politiques personnelles sont parfois un peu déroutantes, comme lorsqu’il montre sa sympathie pour Christian Blanc, un personnage qui, quels qu’aient été ses ralliements successifs, s’est toujours fort bien accommodé du système dénoncé par lui. J’ajoute qu’il y a un grand absent dans ce livre : le capitalisme financier. Cet ouvrage a pour but de montrer comment et pourquoi la relation politique (…)
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