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Bush et Sharon : la relation du pétrole, par Conn Hallinan.

www.counterpunch.org

CounterPunch, 26 mai 2004.

En surface, le récent appui du Président George Bush à l’annexion d’une partie des territoires occupés par le Premier ministre Ariel Sharon fait peu de sens. Le plan, selon lequel Israël abandonnerait Gaza tout en annexant de façon permanente la majeure partie de la Cisjordanie, a soulevé une condamnation pratiquement universelle.

- Il a excité la rage dans le monde arabe, où, selon le président égyptien Honsi Mubarak, allié des États-Unis, « il existe une haïne envers les Américains jamais vue dans la région. »

- Le porte-parole des affaires étangères de l’Union européenne (UE), Brian Cowen, a dit que « L’UE ne reconnaîtra aucune modification des frontières d’avant 1967 autre que celle issue d’un accord entre les parties. »

- Une lettre signée de 52 anciens diplomates britanniques a dit que l’appui du Premier ministre Tony Blair à Washington sur cette question est « unilatérale et illégal » et a prédit « qu’il en coûtera encore plus de sang israélien et palestinien. » Un éditorial du Financial Times a dit que la lettre était « le reproche le plus cuisant jamais fait à un gouvernement britannique par son milieu des affaires étrangères. »

Au moment où les États-Unis cherchent désespérément un sauvetage international en Irak, pourquoi la Maison Blanche ferait tout pour s’aliéner des alliés ?

Les explications les plus courantes sont :

- L’influence des groupes de pression pro-israéliens et une stratégie républicaine pour arracher les électeurs juifs et leur argent des démocrates ;

- Une courbette devant l’aile chrétienne évangéliste de l’administration Bush, qui est farouchement pro-Israël parce qu’elle est convaincue que le deuxième avènement est proche.

Il n’y a pas de doute que plaire aux évangélistes est une priorité de l’administration Bush, et que certainement les républicains voudraient soutirer une partie du support traditionnel des Juifs envers les démocrates. Mais cette explication présuppose que la politique étrangère ne se résume qu’à la politique partisane et à Dieu.

Bush a certainement a certainement la faveur des évangélistes. Malgré cela, il n’y a virtuellement aucune différence sur la question d’Israël entre républicains et démocrates, sinon que ces derniers sont légèrement plus « faucons. »

Il y a une explication plus simple de la position de la Maison Blanche, celle que l’administration a émise quatre mois après son installation. En mai 2001, le « Energy Policy Group » du Vice- président Dick Cheney a recommandé que le Président « fasse de la sécurité énergétique une priorité pour notre commerce et notre politique étrangère. »

La recommandation n’a pas créé de coup de tonnerre et les républicains n’ont pas inventé l’idée. Le récent mouvement des compagnies pétrolières et de l’armée américaine en Asie centrale en est un exemple typique. C’est le Président Bill Clinton, et non George W. Bush, qui a réalisé cette stratégie. Ce ne sont pas les républicains qui ont introduit Halliburton et Cheney dans la région caspienne, mais le conseiller de Clinton Richard Morningstar, maintenant conseiller pour John Kerry.

Une vague de « poids lourds » de l’administration Bush a suivi dans le sillage de Cheney. Condolezza Rice a aidé Chevron Texaco a établir des droits de forage dans les gisements de pétrole de Tenguiz au Kazakhstan. James Baker, qui a mené à bien le vol des élections de Bush en Floride, a aidé British Petroleum à s’installer dans la région.

Quand on traite de pétrole, la politique partisane s’arrête au littoral des États-Unis. Et si cela concerne le pétrole, cela concerne le Moyen-Orient.

La production pétrolière aux États-Unis, au Mexique et dans la Mer du Nord est en déclin, et une étude récente de l’Université d’Uppsala en Suède suggère que les réserves pourraient être beaucoup plus petites que les 18 trillions de barils que l’industrie prévoit actuellement. Si la nouvelle prévision de 3,5 trillions de barils est correcte, entre 2010 et 2020 la production mondiale commencera à décliner.

Étant donné que la plupart des pétro-géologues pensent qu’il reste peu de gisements à découvrir, si jamais il en reste, ce déclin sera probablement permanent.

Par conséquent la hausse du prix du pétrole - maintenant 41,65$ le baril, une augmentation de 32$ depuis 1997 - n’est peut- être pas temporaire. La capacité mondiale de pompage est à son plein essor, mais une combinaison de croissance économique, liée avec une pénurie d’argent pour l’investissement, ont gardé les réserves restreintes. Le pétrole a coûté plus cher seulement lors de la révolution iranienne et lors de la guerre Iran-Irak.

On prévoit que la consommation des États-Unis -dont les deux tiers seront importés d’ici à 2020 - augmentera de 1/3 dans les vingt prochaines années. Cela se résume en un seul mot d’ordre : réserves. Le plus important volume des ces dernières se trouve au Moyen-Orient. Entre l’Arabie saoudite, l’Irak, les Émirats arabes unis et le Koweit, les États du Golfe contrôlent 65% des réserves mondiales, ou près de 600 milliards de barils. En comparaison, les réserves américaines sont légèrement sous les 23 milliards.

Quiconque contrôle ces réserves contrôle essentiellement l’économie mondiale. Considérons pour un moment la possibilité que les États-Unis utilisent leur pouvoir au Moyen-Orient et leur influence croissante en Asie centrale pour restreindre à l’effervescente économie chinoise les réserves pétrolières. .

La Chine utilise présentement seulement 8% du pétrole mondial et elle est responsable de 37% de la croissance de la consommation mondiale.

Si quelqu’un pense que ce scénario relève du délire, il faudrait relire le discours de West Point du Président Bush en juin 2002, qui statuait clairement que les États-Unis ne permettront pas le développement de « proches compétiteurs » dans le monde.

C’est ce que le « Energy Policy Group » de Cheney voulait signifier en faisant de la « sécurité énergétique » une pierre angulaire du « commerce et de la politique étrangère » des États- Unis.

Alors, quel est le rapport avec Israël et les territoires occupés ?

Israël n’a peut-être pas de pétrole, mais c’est le joueur le plus puissant au Moyen-Orient. Dans la grande partie d’échec que sont les politiques du pétrole, il ne reste que deux pièces sur le jeu qui peuvent mettre en échec les plans des États-Unis de contrôler les réserves de pétrole du Moyen-Orient : la Syrie et l’Iran.

C’est ici qu’Ariel Sharon entre en scène.

La coalition de Sharon au pouvoir brûle de se battre avec la Syrie et l’Iran. Les Israéliens ont bombardé la Syrie à la fin de l’année passée et des dirigeants du gouvernement Sharon menacent régulièrement l’Iran.

Le chef de cabinet Gideon Ezra a menacé d’assassiner le leader du Hamas opérant à Damascus, Khaled Meshaal, et Sharon a fait de même pour le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Le 11 mai, l’administration Bush annonçait des sanctions économiques contre la Syrie.

Le gouvernement de Sharon est aussi belliqueux envers l’Iran. Le chef d’état major israélien, le lieutenant général Moshe Ya’alon dit qu’il espère que la pression internationale exercée sur l’Iran le forcera à mettre fin à son développement d’armes nucléaires, mais ajoute sinistrement, « si ce n’est pas le cas nous considérerons nos options. »

Les néo-conservateurs de l’administration Bush ont l’Iran pour cible depuis longtemps. Richard Perle, ancien membre du Conseil pour la politique de défense, et David Frum, du néo-conservateur Weekly Standard, ont co-écrit « La fin du mal » qui appelle au renversement des « mollahs terroristes d’Iran ». Michael Ledeen de l’influent American Enterprise Institute met de l’avant que « Téhéran est une ville qui n’attend que nous. »

Selon le journaliste irlandais Gordon Thomas, les États-Unis ont déjà pointés des missiles sur les centrales iraniennes de Natanz et Arak, et un officier du renseignement israélien a dit au Financial Times, « Ce pourrait être la course à savoir qui appuie sur le bouton en premier - nous ou les Américains. »

Si la Syrie et/ou l’Iran sont retirés de l’échiquier, la partie est échec et mat.

Les Américains peuvent difficilement se permettre une autre guerre au Moyen-Orient, mais les Israéliens peuvent être persuadés d’aller au champs de bataille. Est-ce que donner un coup de main à Sharon en Cisjordanie est un quid pro quo pour une éventuelle attaque israélienne appuyée par les États-Unis contre les deux derniers pays de la région ayant un semblant d’indépendance ?

Le monde, bien sur, n’est pas un jeu d’échec et les pièces ne font pas toujours ce qu’on leur dit. Sharon peut en effet faire la guerre contre la Syrie ou l’Iran, mais pas seulement parce que les Israéliens sont des soldats pour l’administration de Bush. Le bloc du « grand Israël » a ses propres intérêts stratégiques, lesquels, pour le moment, semblent coïncider avec les intérêts américains.

Sharon, malgré tout, n’est pas un allié fiable. Durant la première guerre du Golfe, il a fait de son mieux pour saboter la coalition contre l’Irak, parce qu’il sentait qu’une telle victoire pourrait éventuellement être utilisée pour exercer de la pression sur Israël afin qu’il fasse des concessions dans les territoires occupés.

De plus, les Israéliens ne sont pas tous vendus à l’idée. La récente série d’assassinats a contribué à revitaliser le mouvement de paix, où on a vu 120 000 personnes prendre les rues de Tel Aviv le 17 mai.

Certains Israéliens ne sont pas contents avec ce que devient la Cisjordanie. « Sharon a poussé Washington à adhérer à un processus accéléré de formation de l’État d’Israël comme état bilatéral fondé sur l’apartheid, » a dit Meron Benvenisti, ancien vice-maire de Jérusalem, au Guardian de Grande-Bretagne.

D’autres sont inconfortables avec l’appui des chrétiens évangélistes. Selon le rabbin David Rosen , directeur des Relations inter-religieuses du Comité juif américain de Jérusalem, les évangélistes appuient « quelques unes de positions les plus extrémistes dans la société israélienne. »

Une de ces « positions extrémistes » est un plan pour raser la mosquée du Dôme du Rocher à Jérusalem et reconstruire le temple juif détruit par les Romains - une pré-condition, selon la croyance évangélique, au deuxième avènement.

Pour le moment, l’élan des Américains pour contrôler l’essentiel des réserves mondiales de pétrole, et les efforts du gouvernement de Sharon pour un plus grand Israël et l’élimination des rivaux régionaux, trouvent leur terrain d’entente. De l’autre côté, si Israël contrecarre les intérêts américains, il faudra voir la vitesse avec laquelle les lobbys et les « Born-Again Christians » vont être mis de côté.

Le crise au Moyen-Orient n’a rien à voir avec le choc des civilisations et c’est encore moins un détournement de la politique étrangère américaine par le prétendu « lobby juif » et les fondamentalistes chrétiens ; c’est la routine habituelle.

* Conn Hallinan est un doyen de l’Université de Californie de Santa Cruz.

Source : www.counterpunch.org/hallinan05262004.html

Publié sur LMLQ, Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) www.cpcml.ca

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