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Bruxelles : larmes de crocodile pour les victimes

En ces jours de commémoration, certaines larmes pour les victimes ne peuvent que susciter la colère. Près d’un an après les attentats de Bruxelles, les victimes en étaient toujours réduites à mener leur combat pour recevoir le soutien financier, administratif et moral qu’elles sont en droit d’attendre. Un vrai parcours de combattants pour les ayant-droit, confrontés à des formulaires sans fin et des tracasseries administratives inimaginables. À l’approche de l’anniversaire du 22 mars, le gouvernement et les compagnies d’assurance se sont brusquement activés pour prendre en compte leurs revendications. Le représentant d’Assuralia, l’union professionnelle des entreprises d’assurance de Belgique, a cependant jugé nécessaire d’ajouter que « C’est bon pour une fois », comme s’adressant à des enfants qui auraient fait des bêtises. Il faut reconnaître que les bénéfices du secteur des assurances en Belgique a reculé les dernières années. Ainsi pour 2015, « le bénéfice net cumulé du secteur a dès lors reculé, à 1,172 milliard d’euros contre 1,324 milliard en 2014 » [1]. Les indemnisations auront coûté en tout quelque 322 millions d’euros [2], dont le secteur des assurances n’a assumé qu’une partie, soit 136 millions [3]. On comprend dès lors que les bénéfices 2016 du secteur sont vraiment mis en danger et qu’il a bien raison de ne s’engager en rien pour l’avenir…

Opération séduction de l’armée, boum du secteur de la sécurité privée

Cela fait aussi près de deux ans que les militaires sont dans les rues. Leur présence n’a pas empêché la perpétration des attentats du 22 mars, par contre, elle «  a amélioré l’image de la Défense auprès du grand public, si on en croit le colonel Bart Laurent lors d’une conférence de presse, sur base d’une étude indépendante » [4]. Voilà une belle opération de pub pour quelques dizaines de millions d’euros supplémentaires à charge du contribuable. Autrement dit, nous payons pour nous habituer à être en situation de guerre.

À la présence permanente des militaires dans nos rues, il faut ajouter le boum spectaculaire du secteur de la sécurité privée : « G4S Belgium, leader du gardiennage privé en Belgique, a engagé 1.610 collaborateurs en 2016. Son chiffre d’affaires a progressé de 10%. Une progression « presqu’entièrement due à la menace terroriste » » [5]. Il ne s’agit en effet pas seulement de nous habituer à la vue des soldats à chaque coin de rue, mais aussi à la fouille systématique de nos sacs par des travailleurs du privé, à l’entrée du centre commercial, de la bibliothèque, ou de la salle de concert… La privatisation de la guerre et du maintien de l’ordre est un phénomène mondial que nos gouvernements adoptent passivement sans une once de réflexion. En France, le secteur de la sécurité privée « pourrait dépasser en nombre le cumul des emplois de policiers et de gendarmes, soit plus de 250.000 personnes, presque autant que le secteur de l’automobile » [6]. Et pour boucler la boucle, rajoutons que des sociétés privées (de détectives cette fois) sont engagées pour surveiller... les victimes des attentats ! Une pratique tout ce qui a de plus courant, selon les assureurs.

Pas plus que les guerres tous azimuts déclenchées après les attentats du 11 septembre 2001 n’ont permis d’éradiquer le terrorisme, le déploiement de la sécurité d’État et privée n’empêchera des attentats ici. C’est même le contraire qui se produit. La généralisation de la guerre et de la répression comme système de gouvernance mondiale constitue la forme suprême de terrorisme : le terrorisme des États, des producteurs d’armements, des vendeurs de techniques ultramodernes de contrôle et de destruction, des spéculateurs sur le blé et autres produits de première nécessité, des sociétés de mercenaires privés en tous genres… Comme le résume parfaitement Richard Labévière, journaliste français et officier de la réserve opérationnelle : « Si Daech n’existait pas, il aurait fallu l’inventer » [7].

Si les commémorations des attentats du 22 mars à Bruxelles étaient l’occasion de mener une réflexion profonde sur l’état du monde et d’en tirer les conclusions qui s’imposent, un véritable hommage serait rendu à ces victimes ; leurs souffrances et celles de leurs proches serviraient à accouche de quelque chose de véritablement humain. À voir le tour que prennent toutes les déclarations, des politiques comme des prétendus experts, on en est loin. Nous sommes toujours sur le sentier de la guerre, la guerre économico-financière et la guerre tout court, qui s’entremêlent de plus en plus fondamentalement, de larmes de crocodile en larmes de crocodile.

Nadine Rosa-Rosso

»» http://nadinerosarosso.blogspot.fr/...

[1] https://www.rtbf.be/info/economie/detail_le-chiffre-d-affaires-du-secteur-des-assurances-au-plus-bas-depuis-2003?id=9441684

[2] http://www.dhnet.be/actu/belgique/les-attentats-de-bruxelles-ont-coute-322-millions-d-indemnisations-et-de-dommages-58104d93cd70fdfb1a57e821

[3] http://www.lecho.be/dossier/attaquesparis/136-millions-d-euros-pour-les-victimes-des-attentats-de-Bruxelles/9870212?ckc=1&ts=1489924135

[4] http://www.7sur7.be/7s7/fr/1502/Belgique/article/detail/3056841/2017/01/17/Les-militaires-en-rue-ont-ameliore-l-image-de-la-Defense.dhtml

[5] http://www.lavenir.net/cnt/dmf20170308_00970673/la-securite-privee-dopee-par-la-menace-terroriste-g4s-engage-1600-personnes-en-2016

[6] Richard Labévière, Terrorisme, face cachée de la mondialisation, aux éditions Pierre-Guillaume de Roux, Paris, 2016, page 265

[7] Idem, page 266


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Impérialisme humanitaire. Droits de l’homme, droit d’ingérence, droit du plus fort ?
Jean BRICMONT
Jean Bricmont est professeur de physique théorique à l’Université de Louvain (Belgique). Il a notamment publié « Impostures intellectuelles », avec Alan Sokal, (Odile Jacob, 1997 / LGF, 1999) et « A l’ombre des Lumières », avec Régis Debray, (Odile Jacob, 2003). Présentation de l’ouvrage Une des caractéristiques du discours politique, de la droite à la gauche, est qu’il est aujourd’hui entièrement dominé par ce qu’on pourrait appeler l’impératif d’ingérence. Nous sommes constamment (…)
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« (...) on a accusé les communistes de vouloir abolir la patrie, la nationalité. Les ouvriers n’ont pas de patrie. On ne peut leur ravir ce qu’ils n’ont pas. Comme le prolétariat de chaque pays doit en premier lieu conquérir le pouvoir politique, s’ériger en classe dirigeante de la nation, devenir lui-même la nation, il est encore par là national, quoique nullement au sens bourgeois du mot. »

Karl Marx, Friedrich Engels
Manifeste du Parti Communiste (1848)

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