Voilà pour ce texte, ci-dessus, issu de "la question juive"(1843) et que Bensaïd a bien mis en perspective quoique trop gentil par rapport à certaines bêtises, (et alors la mort subitement l’a étreint...ou éteint ) néanmoins voilà ce que cela devient dans "le capital" (25 ans à peu près, après 1865) : « En réalité, la sphère de la circulation ou de l’échange de marchandises, entre les bornes de laquelle se meuvent l’achat et la vente de la force de travail, était un véritable Eden des droits innés de l’homme. Ne règnent ici que la Liberté, l’Egalité, la Propriété et Bentham. Liberté ! Car l’acheteur et le vendeur d’une marchandise, par exemple de la force de travail, ne sont déterminés que par leur libre volonté. Ils passent un contrat entre personnes libres, à parité de droits. Le contrat est le résultat final dans lequel leurs volontés se donnent une expression juridique commune. Egalité ! Car ils n’ont de relation qu’en tant que possesseurs de marchandises et échangent équivalent contre équivalent. Propriété ! Car chacun ne dispose que de son bien. Bentham ! Car chacun d’eux ne se préoccupe que de lui –même. La seule puissance qui les réunisse et les mette en rapport est celle de leur égoïsme, de leur avantage personnel, de leurs intérêts privés. Et c’est justement parce qu’ainsi chacun s’occupe de ses propres affaires, et personne des affaires d’autrui, que tous, sous l’effet d’une harmonie préétablie des choses ou sous les auspices d’une providence futée à l’extrême, accomplissent seulement l’œuvre de leur avantage réciproque, de l’utilité commune, et de l’intérêt de tous.
Au moment où nous prenons congé de cette sphère de la circulation simple et de l’échange des marchandises, à laquelle le libre-échangiste vulgaris emprunte les conceptions, les notions et les normes du jugement qu’il porte sur la société du capital et du travail salarié, il semble que la physionomie de nos dramatis personae se transforme déjà quelque peu. L’ancien possesseur d’argent marche devant, dans le rôle du capitaliste, le possesseur de force de travail le suit, dans celui de l’ouvrier ; l’un a aux lèvres le sourire des gens importants et brûle d’ardeur affairiste, l’autre est craintif, rétif comme quelqu’un qui a porté sa propre peau au marché et qui, maintenant, n’a plus rien à attendre…que le tannage. »
K.Marx, Le Capital, Chapitre IV, page 197 trad PUF.
Pour ce qui concerne la société civile bourgeoise, le citoyen et l’égoiste en individu et sa propriété voilà Hegel au centre entre hégélien de droite et de gauche une pensée inventive et donc ce qui suit, et à propos de quoi ni Constant ni Tocqueville ne peuvent se prévaloir de quoique ce soit : « Il y a division de l’activité, dont chacun n’a qu’une portion ; il en est comme dans une fabrique, où aucun individu ne fait une chose dans sa totalité, mais seulement une partie, où aucun ne possède les autres habilités, et où quelques-uns seulement effectuent l’assemblage. Les peuples libres n’ont de conscience et d’activité que pour le tout ; les peuples modernes, considérés pour soi en tant qu’individus, sont non libres,-la liberté civile est précisément la privation de l’universel, elle est un principe d’isolement. Mais la liberté civile (nous n’avons pas deux mots pour bourgeois et citoyen) est un moment nécessaire que les anciens Etats ne connaissaient pas : autrement dit, ils ne connaissaient pas cette parfaite indépendance des points, et par là même une plus grande indépendance du tout,-la vie organique supérieure. Lorsque l’Etat eut accueilli ce principe en son sein, une liberté supérieure put voir le jour ; dans le premier cas, on n’a que jeux de la nature et produits de la nature, contingence et caprice de l’individu,- dans l’autre on a la consistance intérieure et l’universalité indestructible qui est réelle et consolidée dans ses parties. »
Hegel, Leçons sur la philosophie de l’histoire, la philosophie grecque, Aristote.
Ben parmi les ignorants appelés les communicants s’adressant aux simples, ils devraient apprendre à en respecter la leçon de penser assez populacière et en même temps savante et complexe !