@Jean-Paul B.
Une dernière fois, parce qu’on a déjà eu cette discussion :
Bien que vous vous fassiez le héraut de cette idée, tout le monde sait ici que l’UE et l’OTAN sont les freins à la souveraineté française et qu’il faudra en sortir pour atteindre les objectifs que nous avons en commun.
Si vous consultez fréquemment le GS, il faut vous faire à l’idée que ce site et, sinon la majorité, beaucoup de ses lecteurs sont favorables à la FI. Votre opinion est tout à fait valide et elle peut être sujette à débat sur certains points, comme essaie de vous le faire remarquer M. Vivas, mais si vous voulez être entendu, il faudrait au préalable éviter de piétiner les convictions des gens car si vous dites ne prendre personne pour des cons, il y a de nombreux exemples parmi vos récentes interventions où vous prenez celles et ceux qui soutiennent Mélenchon pour des idiots sans cervelle, a minima.
Selon vous, une sortie de l’UE doit précéder tout programme politique. La pertinence de cette proposition ne permet cependant pas d’éviter les écueils du réel, réel que vous aimez pourtant invoquer.
Le réel, le voici :
D’un côté, les formations politiques qui prônent une sortie franche de l’UE existent, mais elles sont totalement invisibilisées dans le débat public par une chappe de silence médiatique dont elles ne pourront pas sortir avant longtemps. De mémoire, j’en note trois : l’UPR, le Pardem et le PRCF. Aucun de ces trois partis n’a la moindre chance de parvenir au pouvoir dans un avenir proche, même s’ils s’alliaient, ce qui n’a pas davantage de chance d’arriver.
Si le PRCF ou a priori le Pardem avaient les capacités de gagner une élection présidentielle, devant la FI, je pourrais envisager de voter pour eux, car leurs programmes sont les plus proches de celui de la FI. Quant à l’UPR, quelle que soit leur position, je me refuserais à leur donner ma voix, car il n’est pas question que je confie les clefs de la France, même libérée du carcan européen, à un parti de droite, comme l’ont fait les Anglais.
De l’autre côté, la France Insoumise qui a été au seuil du second tour en 2017 est toujours portée par le même programme extrêmement complet. Quoi que vous en disiez, le Plan B existe toujours, mais il a disparu des premiers rangs, ce qui permet aux critiques pro-Frexit de crier un peu précipitamment à la trahison. On peut cependant se poser la question de cet escamotage. Mais la situation des partis sus-cités permet peut-être d’y répondre : une sortie de l’Union Européenne, bien qu’ayant de plus en plus d’adeptes, continue d’intimider voire d’effrayer une majorité de la population française (je mets des réserves à cette affirmation, il faudrait des sondages qui la confirment ou l’infirment), et surtout répugne au Capital et à ses chiens de garde médiatiques qui savent que pour détruire un mouvement politique et ses idées, la censure et le silence seront toujours pires que la plus grosse entreprise de démolition.
Reste que la FI continue de vouloir confronter les instances européennes et d’agir en conséquence devant de probables fins de non-recevoir ou d’ajournements. Aussi, et c’est selon moi, le plus important, si la FI parvenait au pouvoir, les premiers mois mettrait la France dans un état de bouleversements qui repousseraient les négociations avec l’Europe au second-plan : la Constituante, clé de voûte du programme. Ce retour du pouvoir dans les mains du peuple pourrait bien mener au Référendum d’initiative citoyenne que tant de monde appelle de ses voeux, et de facto à un référendum similaire à celui des Britanniques.
Cela dit, c’est vrai que ça sonne comme une utopie, mais une utopie qui a frôlé les 20% en 2017. Là où vous avez aussi raison, c’est que les perspectives de victoire n’ont jamais été aussi faibles qu’aujourd’hui : des résultats en chute libre depuis les Législatives, bien que celles-ci aient mis 17 députés FI au Parlement, aux Européennes puis aux Régionales récentes. On se consolera du fait que ces scrutins sont généralement boudés par l’électorat-type de la FI, soit par anti-européisme dans un cas, soit par je-m’en-foutisme dans l’autre. Sans oublier le Covid. Mais le désespoir vient clairement de deux paramètres : une abstention phénoménale et la trahison impardonnable du PCF, pour ne pas parler des divisions enflammées sans cesse provoquées par les uns et par les autres sur lesquelles les médias sont plus qu’heureux de jeter de l’huile.
Donc prévoir la défaite de la FI n’est pas plus compliqué que de prévoir la pluie quand les nuages s’amoncellent à l’horizon.
Quant à rapprocher la situation française à celle de la Grèce ou même du Royaume-Uni, encore une fois, comparaison n’est pas raison.
La Grèce était un pays affaibli et pris à la gorge par ses créanciers vautours et dont l’Europe a voulu faire un exemple pour effrayer toute velléité de sortie. Tsipras n’avait aucune arme, il était nu, il s’est fait bouffé, crucifié. Le Royaume-Uni qui avait un pied dans l’Europe et l’autre dehors, qui a toujours voulu les avantages sans les inconvénients, a organisé sa sortie sur le dos des immigrés et a dupé les partisans du Leave sur des promesses qu’il n’avait aucunement l’intention de tenir. Les Conservateurs et les ultra-libéraux ont repris le contrôle d’une partie du pays, avec l’aide de l’extrême-droite, et vont pouvoir se remplir les poches. Le résultat probable est le futur éclatement du RU.
Il y a un troisième côté à ce triptyque : la Révolution.
L’histoire récente et plus ancienne nous apprend qu’en France, si le roi est mort, si les têtes sont tombées et si le sang a coulé, autant pisser dans un violon.
La Chine, Cuba et le Vénézuela nous enseignent une chose fondamentale en matière de révolution : sans le soutien de l’armée, les révolutions populaires n’ont aucune chance d’en récolter les fruits et de les pérenniser. La Révolution française est une illusion propre à faire plaisir à peu de frais à l’esprit révolutionnaire français, mais dans les faits, cette révolution a été orchestrée par la bourgeoisie en se servant du peuple comme chair à canon et a mis au pouvoir pour les siècles à venir les futurs capitalistes. Rien d’étonnant à ce que la Révolution américaine l’ait inspirée. La Commune (et plus récemment les Gilets jaunes) est ce qui arrive au peuple quand il veut faire sa propre révolution.
Mon choix tout personnel se porte sur la FI mais il est parfaitement légitime d’en douter et de prévoir une potentielle trahison. La vie politique de la Cinquième est jalonnée de trahisons et de retournements de veste. Il n’y a rien que quiconque puisse vous dire qui garantisse que Mélenchon ne trahira pas si hypothétiquement il parvient au pouvoir.