Les villes sont des êtres vivants, irrigués par des larges « artères » et des petites veines (venelles). Dans les premières, on parade volontiers, tandis que les secondes, étroites, peu fréquentées, sombres entre des murs rapprochés, offrent une intimité propice à de furtifs épanchements de vessies, suivis d’effluves qui résistent au séchage.
Parfois, un inefficace panneau municipal en dit l’illégalité : « Défense d’uriner », tandis que sa suite éventuelle ( « sous peine de confiscation du matériel » ) est en général l’œuvre manuscrite d’un farceur qui n’avait pas autant d’humour avant son coupable épandage précipité.
Dans un petit village du Lot, on trouve une ruelle baptisée « Venelle du pissaïre » (du pisseur). Un tel nom lui a été donné au temps où la langue d’oil n’était pas partout celle des actes administratifs. Mais ce qui interpelle, c’est que des édiles locaux aient eu l’audace rigolarde de cette désignation.
Vous me direz : « Qu’est-ce qu’il vient nous chanter, le Théo, alors que l’heure est au Covid-19, à Julian Assange, aux Ouïghours, à la Biélorussie, aux glaciers qui fondent… » ?
Je vais vous dire : je parle de nos libertés qui se perdent comme dans l’eau chauffée du chaudron de la grenouille. Résultat, on n’imagine pas, de nos jours, qu’un seul de nos 600 000 élus municipaux propose d’apposer le mot « pissaïre » (1) sur une plaque de mur, fût-ce en remplacement du nom d’un « cagaïre » comme Adolphe Thiers.
Théophraste R. Auteur d’un livre (inachevé) pour enfant : « La maman nuage qui disait à son petit de faire pluie-pluie ».
Note (1). Un de mes amis (Charles-Edouard), outré, me lance : Et pourquoi pas « Rue du sanglot du colosse ? », tandis que sa femme, genre Mlle Lelongbec, me fusille d’un : « Ou Ruelle du Changement d’eau des olives ? ». Moui, bon, revenons au port du masque, à Macron à Brégançon et aux ours blancs qui dérivent