Par cette chaleur, le pauvre Théophraste doit avoir un grand mal de tête. Je lui propose un remède recommandé par l’illustre médecin Galien (2e s. ap. JC), admirateur, commentateur et continuateur d’Hippocrate :
Pastille contre le mal de tête du botaniste Antonios, qui a une grande expérience de la pharmacie : suc de peucédan (plante ombellifère), suc de pavot, anis, semence de jusquiame (« fève des porcs »), safran, myrrhe, scammonée (plante purgative). Après avoir tout broyé avec du vinaigre, pétris des pastilles et fais-les sécher à l’ombre, puis au moment de les utiliser, après les avoir diluées dans du vinaigre, frictionne-s-en le front, en commençant par une tempe et en terminant par l’autre tempe. S’il y a de la fièvre, utilise de l’eau pour les frictions.
Pour l’usage qu’en fit Alexandre, voici la recette : racine ou suc de peucédan, safran, myrrhe, opium ; prends du vinaigre et confectionne des pastilles, puis dissous-les dans du vinaigre au moment de les utiliser et frictionne les endroits sensibles.
Autre recette. Antigone à l’armée en a été guéri de façon spectaculaire. Feuilles de laurier nettoyées, séchées et réduites en poudre, scammonée, suc de pavot, semence de persil, safran, myrrhe, verjus, serpolet ; vinaigre en quantité suffisante. Prépare et utilise comme indiqué plus haut.
Rabelais, lui aussi "docteur ès-plantes officinales", s’en est souvenu ; il connaît même les plantes à double usage :
Les premières « notions » de botanique apparaissent ensuite très vite dans Gargantua (chap. 13), pour un usage très particulier : « le torche-cul ». Rabelais nous cite la sauge, le fenouil, l’aneth, la marjolaine, les roses, les courges, les choux, les bettes, la vigne, la guimauve, la laitue, l’épinard, la mercuriale, la persicaire, les orties, la consoude, et encore le foin, la paille, la bauduffe, la bourre. Gargantua (chap. 24) se purge ensuite le cerveau avec de l’ellébore d’Anticyre. Pendant ses études, en fin de journée, Gargantua examine arbres et plantes, les ramène au logis et « arborize ». En cas de pluie, il visite les droguistes, herboristes et apothicaires et observe soigneusement les « fruictz, racines, fueilles, gommes, semences, axunges peregrines, ensemble aussi comment on les adulteroit. » Pendant la Guerre Picrocholine (chap. 25), les jambes du berger Frogier, blessées par un coup de fouet, sont soignées par un bain de « gros raisins chenins ».
On dirait que la canicule me rend plutôt prolixe : mais le pire, c’est que maintenant, Théophraste doit avoir encore plus mal à la tête qu’avant...