Il avait tout pour se faire haïr. Aristocrate élevé dans un château, ancien directeur du Figaro, bien cramponné à la cuillère d’argent glissée dans sa bouche à sa naissance, il a toujours été un homme de droite.
Ce qui le distinguait des gens de sa famille politique, c’était sans doute la conscience avouée de sa chance, de l’injustice dont il bénéficiait. D’où son absence de toute haine ou de tout mépris pour ceux du camp d’en face.
Ecrivain adulé, comblé de prix, entré dans la Pléiade, il confessait en toute occasion sa douleur de n’avoir pas été Aragon.
L’ancien directeur du Figaro, fut d’ailleurs capable de participer, place du Colonel-Fabien, siège du PCF, à une soirée consacrée au poète, qui fut le directeur du quotidien communiste « Ce soir ».
Il faut lire ici les hommages de Jean d’Ormesson à Aragon, un « génie, avec des dons stupéfiants, il aura été un mythe, une légende, une sorte d’énigme en pleine lumière ».
Jean d’Ormesson disait : « J’ai beaucoup admiré Aragon, qui est si plein de défauts. Parce que nous n’étions d’accord sur rien, il m’a appris que la littérature est plus forte que tout. Comme des millions de Français, j’ai su ses vers par coeur. Et du Paysan de Paris au Fou d’Elsa, en passant par Hourra l’Oural qui était franchement engagé, ses livres me faisaient chavirer ».
Dommage que le paradis n’existe pas : les deux lascars y bavarderaient, assis sur un nuage. Et le ciel en serait meilleur.
Pour rendre hommage à Jean d’Ormesson à l’approche de Noël, offrez donc un livre d’Aragon.
Parti sans en avoir médit, l’Académicien (1) de Neuilly serait le premier à vous conseiller ce choix.
Théophraste R.
(1) Je ne sais plus qui, se moquant de sa petite taille, a dit qu’il aimait porter l’Habit vert, mais sans l’épée, parce qu’elle traînait par terre.