(Le feuilleton surréaliste de l’été au Grand Soir)
Lulu enfermé dans les commentaires !
Troisième jour : DANS L’ANTRE DE LA BÊTE.
Chers Grandsoireurs,
enfermé comme je le suis dans les commentaires de ce bouillant organe virtuel d’information alternative, ainsi que je vous l’ai raconté d’abord ICI et ensuite LÀ, je continue ma visite, après m’être prudemment retiré du champ de tir des commentaires du dernier texte que j’ai visité, une belle foire d’empoigne en faveur de l’information alternative justement, que c’en était un vrai plaisir.
Comme je vous l’ai promis, je me trouve actuellement caché derrière une lourde tenture du living-room de Théophraste R., situé en haut du donjon du château que je vous ai décrit hier, prêt à vous raconter la scène qui s’offrit il y a peu devant mes yeux émerveillés.
En fait, ça a été assez simple d’entrer ici, malgré la hauteur du donjon et mon vertige atavique (un peu comme James Stewart dans Vertigo, d’ailleurs, sans fausse modestie, outre cette phobiette des hauteurs, nous avons quelques traits communs, James et moi. Ça me fait penser à l’épisode de notre ascension de la crémaillère sur la Lune avec Ferdinando). Cela a été simple parce que dans le terrain vague puant et brun adjacent au château, tenu par la Bordella et ses légions de trolls, se trouvent une armée de catapultes destinées à balancer toutes sortes de saloperies vers le château : tombereaux d’ordures et d’insultes, régimes de peaux de bananes, abonnements promotionnels au Nouvel Hebdomadaire de Référence et autres bulletins de voirie, mensonges (a)variés et déclarations faisandées. Bref, en me bouchant le nez, il me suffisait de sauter dans le baquet de l’une de ces catapultes pour être envoyé vers ma destination : le mystérieux cosy du non moins mystérieux éditorialiste en haut à droite (du site), j’ai nommé Théophraste R.
Le catapultage ne fut pas si désagréable : je me retrouvai assis dans le baquet avec trois malabars que je reconnus comme de fervents militants pour la démocratie grâce aux ravissantes ombrelles en papier de soie qu’ils arboraient comme des bazookas.
Quelques secondes plus tard, alors que mes lourds compagnons de baquet s’écrasaient contre la façade du château, je me retrouvai, par un habile salto, sur la corniche d’une porte vitrée donnant sur les appartements du Maître. J’entrai rapidement et me cachai derrière une lourde tenture
Je fus immédiatement pris à la gorge par cette ambiance intense d’intellectualité laborieuse qui saturait la pièce.
À quelques mètres à peine de mon lourd rideau (les tentures me rendent nerveux – ça doit être à cause d’Hamlet et de Claudius), un homme se penchait sur une table et écrivait lentement, dans une extraordinaire concentration. Son large dos, son haut front, ses grandes oreilles, sa perruque, sa veste d’intérieur à pompons et ses pantoufles à motif écossais imposaient un respect irréductible. J’avais l’impression de me trouver à quelques pas du grand Victor Hugo, du sublime Balzac, voire du divin slavophile (Depardieu), peut-être aussi du dieu des représentants de commerce (Strauss-Khan - par sa connaissance inégalée de l’industrie hôtelière), ou même de l’irrésistible Christian Clavier, tous arrondis par le génie (et par la goutte). Je m’en voulais de ne pas avoir cet air supérieur, moi qui suis toujours servi en dernier dans les réunions de famille et qu’on prend en permanence pour un livreur de pizzas.
Et justement, à propos de livreur de pizzas, voilà que dans ce couvoir feutré de bonheur cérébral surgit un véritable zébulon, qui sauta sur la table en faisant une pirouette et en mettant le bazar dans les feuilles soigneusement empilées. J’étais révolté à l’idée du désordre insupportable que mettait cet importun et me demandai bien comment le divin Théophraste allait réagir à une telle intrusion.
Le Maître releva la tête et prit la parole :
- Dis-donc Théo, j’ai bien aimé ta dernière bafouille. Tu la met en ligne ?
Ce à quoi le zébulon répondit :
- Y’a pas l’feu au lac, on va d’abord aller boire un canon !
Et les deux hommes sortirent de la pièce.
Vous n’imaginez pas la confusion dans laquelle me mit cette scène. Il y avait de quoi ruer franchement dans les brocards !. Je ne comprendrai jamais rien à rien ! Et puis je finis par me calmer en me souvenant d’une sage maxime de Maxime :
- l’habit ne fait pas le moine bouddhiste.
Eh oui.
Bon, à demain,
Lulu de la Lune.