Comme tout un chacun, j’ai été assommé par l’émotion en apprenant le massacre dans les locaux de Charlie Hebdo. J’ai zappé d’une radio à l’autre, d’une chaîne TV à l’autre, pour consulter tous ces grands medias qui s’imposent plus ou moins dans tous les foyers.
Très rapidement, j’ai appris les pseudos ou les noms de 6 morts, cinq dessinateurs célèbres et un chroniqueur de France Inter qui était invité à la désormais fameuse conférence de rédaction. Et le policier achevé à bout portant s’appelait Ahmed, ont-ils dit. Mais pourquoi, 24 h plus tard, ne sait-on toujours pas les noms des autres personnes assassinées ? Seraient-ils des victimes de 2ème catégorie ?
Par contre, on connaît déjà les identités des présumés membres du commando meurtrier, alors même qu’ils n’ont pas été arrêtés. Va comprendre, Charlie…
Que n’a t’on entendu tout au long de ce mercredi sanglant : barbarie, liberté d’expression, république en danger, attentat aveugle, violence, mesures de sécurité,… Témoignages en tous genres, plus ou moins intéressants, plus ou moins qualifiés destinés à renforcer l’émotion… pour éviter de se poser des questions, peut-être ?
Gémissements, condamnations… certes, certes, mais pas de pourquoi et comment en est-on arrivés là ? On pourra toujours traiter les symptômes mais si on ne soigne pas les causes, il y aura forcément des rechutes. Et, si ces deux –ou trois ?- sont neutralisés, nous risquons fort d’en « créer » de nouveaux. En effet, nous savons depuis Pasteur que la génération spontanée, ça n’existe pas ; pas plus chez les meurtriers que parmi les microbes…
Vous avez dit barbarie ? D’où viennent-ils, ces enfants perdus de la République ?
Ils sont les descendants français de ceux qu’on a fait venir pour faire « nos » guerres ou reconstruire une France détruite, immigrés en tant que Français d’outre-mer ou rapatriés en tant que supplétifs de l’armée en Algérie ; ils ont été parqués dans des cités construites à la va-vite, puis discriminés socialement et économiquement lorsque la crise fut venue. Leurs descendants, enfants de ces ghettos, ne voient de notre civilisation du gadget que les vitrines bling-bling, le chômage des pères -et le leur- ouvrant sur un présent de la débrouille et pas d’avenir du tout. Une patrie, la République française, qui leur nie leurs droits les plus fondamentaux et la patrie d’origine de leurs ancêtres qu’ils ne connaissent pas, que leur reste t-il ? Par contre, ils voient bien quel est le comportement des « occidentaux » au Moyen-Orient vis-à-vis de leurs cousins, voire de leurs frères musulmans d’Irak, d’Afghanistan, de Palestine, de Gaza, de Syrie, etc… Faute d’une vie personnelle et familiale exaltante, une minorité prend fait et cause pour ce qu’ils considèrent être un objectif exaltant ; recrutés, embrigadés par des extrêmistes sans foi ( !) ni loi (la charia n’est pas une loi) qui sont aux arabes ce que le Front national et autres mouvements fascisants sont aux européens ; y compris en Israël où les nazis juifs ne sont pas en reste…
Vous avez dit liberté d’expression ? Que de choses ne publie-t-on en son nom ? Closer, Voici, gala, Paris-Match, Elle, Le Nouveau Détective, que sais-je encore… profitent tous de cette fameuse liberté d’expression pour faire de l’argent avec des choses que devraient évacuer les chasses d’eau. Au nom de cette même liberté d’expression, Charlie Hebdo a publié parfois quelques dessins qui n’avaient pas grand’chose à voir avec l’humour ; par ex. celui montrant un barbu atteint par une balle traversant le Coran qu’il tenait sur sa poitrine qui disait « Le Coran, c’est de la merde » ; à ce même niveau d’ « humour », on pourrait dire à Charlie Hebdo : « Charlie Hebdo, c’est de la merde » puisque il n’a pas arrêté les balles fatales de ses collaborateurs.
Et le dernier dessin de Charb qui a fait le buzz sur Internet, dans lequel un barbu répond « on a tout le mois de janvier pour répondre aux vœux » à l’ironique constat ( ?) : « janvier et toujours pas d’attentat ». Humour ? Provocation ? Foutage de gueule ? Mépris affiché ?
A propos, où étaient-ils ces hérauts de la liberté d’expression quand Madrid fermait deux quotidiens et une radio du Pays basque, emprisonnant des journalistes et en torturant d’autres ?
Vous avez dit République en danger ? C’est nouveau ça, tiens ! La République est en danger, non pas parce que les droits fondamentaux constitutionnels sont foulés au pied par les dirigeants au plus haut niveau mais parce qu’une poignée d’illuminés ne supportent pas ce que la République leur fait subir.
Liberté ? liberté de frauder le fisc ou liberté de dormir dans des cartons en plein hiver ?
Egalité ? égalité entre les PDG à plusieurs millions d’euros par an et les bénéficiaires du RSA pourchassés comme des malfaiteurs.
Fraternité ? fraternité entre les consommateurs effrénés des fêtes de fin d’année et les « invités » des restos du cœur ?
Vous avez dit attentat aveugle ? Pourtant, ils ont demandé la bonne adresse, paraît-il, quand ils se sont rendus compte qu’ils s’étaient trompés de porte… Ce n’est pas Le Monde qui était visé, il me semble…
Quand un opérateur pilote un drone depuis le Texas pour massacrer civils et militaires, écoliers ou prétendus terroristes, ce n’est pas de la violence ?
Et les mosquées mitraillées dès hier soir, ce n’est pas de la violence ? Va-t-on faire une manif nationale pour protester ?
Est-ce que, par hasard, il y aurait une bonne violence, la « nôtre », et une mauvaise, celle des autres ?
Violence ? certes, certes… Mais les guerres que « nous » menons un peu partout pour récolter ce cher pétrole sont-elles pacifiques ? Quand les films et les jeux video qu’on nous balance sur les écrans baignent dans le sang et basés uniquement sur des fusillades, c’est pour pacifier nos cerveaux et surtout celle de nos jeunes ? Etonnons-nous ensuite que certains confondent fiction et réalité, à force de banaliser « notre » violence si rentable financièrement…
Où étaient-ils ces hérauts du pacifisme quand des mercenaires payés par Madrid et un tantinet soutenus logistiquement par des policiers français avaient tué une trentaine d’habitants du Pays basque ? pas 12, ni 16, 29 très exactement !
C’est bizarre, je n’ai pas reconnu grand’monde parmi ceux qui se sont rassemblés hier à Bayonne qui auraient dû à l’époque manifester avec nous. Il est vrai que Paris ne lançait aucun slogan ni appelait à une quelconque manifestation ni à une quelconque marche blanche pour le dimanche suivant.
Mesures de sécurité ? Alors là, n’en doutons pas ! L’unité nationale appelée de tous leurs vœux par tous les partis politiques va permettre de faire passer quelques mesures liberticides supplémentaires… sans, pour autant, être efficaces contre les meurtriers, parce qu’encore une fois on va s’occuper des symptômes sans s’attaquer aux causes.
Et la boucle est bouclée !