Pauvre de moi, qui trouvais que Théophraste devenait imbuvable !
J’espérais vous servir un peu de pur jus pressé...
« Les cent coupe-jarret aux faces rénégates
Coiffés de monteras et chaussé d’alpargates »
(...)
Le sentier a l’air traître et l’arbre a l’air méchant ;
Et la chèvre qui broute au flanc du mont penchant,
Entre les grès lépreux trouve à peine une câpre,
Tant la ravine est fauve et tant la roche est âpre ;
(...)
Ponce, qui tient la mer d’Irun à Biscarosse,
Rostabat le Géant, Materne le Féroce,
Blas, Ramon, Jorge et Ruy le Subtil, leur aîné,
Blond, le moins violent et le plus acharné.
(...)
Alors l’aîné prudent, le chef, Ruy le Subtil,
Sourit : - « Sire Roland, ma pente naturelle
Étant de ne chercher à personne querelle,
Je vous salue, et dis : Soyez le bienvenu !
Je vous fais remarquer que ce pays est nu,
Rude, escarpé, désert, brutal, et que nous sommes
Dix infants bien armés avec dix majordomes,
Ayant derrière nous cent coquins fort méchants ;
Et que, s’il nous plaisait, nous pourrions dans ces champs
Laisser de la charogne en pâture aux volées
De corbeaux que le soir chasse dans les vallées ;
Vous êtes dans un vrai coupe-gorge ; voyez :
Pas un toit, pas un mur, des sentiers non frayés,
Personne ; aucun secours possible ; et les cascades
Couvrent le cri des gens tombés aux embuscades.
On ne voyage guère en ce val effrayant.
Les songe-creux, qui vont aux chimères bayant,
Trouvent les âpretés de ces ravins fort belles ;
Mais ces chemins pierreux aux passants sont rebelles,
Ces pics repoussent l’homme, ils ont des coins hagards
Hantés par des vivants aimant peu les regards,
Et, quand une vallée est à ce point rocheuse,
Elle peut devenir aux curieux fâcheuse.
(...)
Comme le soir tombait, Compostelle apparut.
Le cheval traversa le pont de granit brut
Dont saint Jacque a posé les premières assises.
Les bons clochers sortaient des brumes indécises ;
Et l’orphelin revit son paradis natal.
C’est pas de l’eau de vie, ça ?
(Ou les Dalton, au choix !)