Monsieur Luc CHATEL,
Ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative de la République française
Lettre ouverte à la citoyenneté française et internationale
Un affront à la raison
Nous, signataires de cette lettre ouverte, rejetons fermement la décision de l’Ecole Nationale d’Ingénieurs de Metz (ENIM) d’accorder un poste de professeur à Alvaro Uribe Velez, président de la Colombie entre 2002 et 2010, et de lui décerner le titre d’ingénieur-docteur honoris causa. L’ENIM légitime ainsi un personnage tant controversé politiquement et si proche de la criminalité la plus violente de Colombie. [1].
L’attribution de distinctions académiques à l’ancien président Uribe Vélez constitue en fait un échange de bons procédés entre la direction de l’établissement universitaire et les autorités colombiennes qui, sous le gouvernement d’Uribe, ont été favorisées par des contrats et des avantages divers [2]. Cette procédure illégitime suscite la suspicion sur la façon dont sont menés aujourd’hui les programmes de coopération internationale et constitue un déshonneur pour l’ensemble du système éducatif français.
Mais, au-delà du fait que cette distinction universitaire a été obtenue sous la forme d’une cession de faveurs, il est inacceptable qu’on offre un poste de professeur au responsable d’une politique infâme, imposée par le sang et le feu en Colombie au cours de ses 8 années de mandat [3].
Voir Alvaro Uribe Vélez donner des conférences dans une université française constitue une offense grave à des milliers de tués, de disparus, de victimes de la répression, aux exilés (beaucoup d’entre eux vivent actuellement en Europe), aux personnes menacées ou réduites au silence directement par le gouvernement ou par des groupes de mercenaires bien rémunérés, plus connus sur le nom de « paramilitaires » [4]. Donner la parole à ce personnage dans une enceinte universitaire est un affront face auquel il est impossible de rester silencieux.
Actuellement 130 parlementaires très proches de son groupe politique font l’objet d’une enquête sur leurs relations avec les « paramilitaires », et 50 d’entre eux sont déjà en prison. Parmi eux on trouve le cousin de l’ancien président, Mario Uribe, qui est par ailleurs, son grand allié politique [5]. L’ancien président a été convoqué pour témoigner devant un tribunal nord-américain dans le procès qui a été ouvert contre l’entreprise charbonnière Drummond, suite à l’assassinat des syndicalistes par des « paramilitaires » payés par cette société [6]. Uribe Velez devra aussi faire face à 2 procès engagés contre lui pour des actes d’espionnage de citoyens colombiens en Espagne et en Belgique, suite à des plaintes déposées par les victimes directes de ces attaques. Un procès a aussi été ouvert en Colombie dans le cadre des mêmes affaires [7].
L’ancien président Uribe devrait comparaître devant la Cour Pénale Internationale pour répondre de ses crimes en tant que le plus haut responsable de l’une des périodes les plus violentes et les plus sombres subies par ce pays. Il faut se rappeler que parmi les milliers de victimes de son gouvernement on compte des dizaines de professeurs d’université, des chercheurs et des jeunes étudiants, un héritage sinistre qui précède l’ancien président et qui rend inadmissible qu’il puisse être accueilli dans une université de n’importe quel pays. [8]
Pour les raisons qui viennent d’être exposé, nous, les signataires de cette lettre, exprimons nos plus vives protestations contre les autorités académiques de la France et leur demandons au nom de la démocratie et de la décence de reconsidérer la décision de l’Ecole Nationale d’Ingénieurs de Metz. C’est une question de décence, c’est une question d’honneur, de respect pour les milliers de victimes de la violence officielle en Colombie et, principalement, parce que cette nomination met gravement en cause notre condition de démocrates et de gens civilisés. Ceux qui signent cette lettre ouverte, par delà leurs positions idéologiques, s’identifient avec la plus pure tradition du peuple français de défense acharnée de l’humanisme et d’opposition frontale à toute sorte de tyrannies. Notre demande est également un geste de solidarité avec le peuple de Colombie, et en particulier avec les milliers de victimes du régime d’Uribe qui attendent toujours qu’on leur rende justice.
Nous adhérons aussi à la lettre de protestation des parlementaires français et européens et à la déclaration de rejet de l’Association TEJE contre la nomination d’Uribe [9]
http://www.fr.lapluma.net/index.php?option=com_petitions&view=petition&id=104