Alors que les manifestations au Caire contre le régime de Moubarak continuent de braver le couvre-feu, la police et l’armée (qui ont déjà fait 125 morts), les Egyptiens de Paris s’étaient donné rendez-vous, samedi après-midi, devant leur ambassade, pour un rassemblement de soutien à leurs compatriotes. Malgré la posture diplomatique du gouvernement français, qui n’a de cesse d’appeler au "calme" et à la "retenue", ce rassemblement s’est terminé dans le sang et par une centaine d’arrestations. Motif des CRS : personne n’avait déposé de demande d’autorisation de manifester.
C’est une véritable rafle qui s’est déroulée samedi soir sur les Champs Elysées, à la fin du rassemblement de soutien aux Egyptiens. Tout avait pourtant bien commencé : à l’appel de collectifs, 500 personnes s’étaient réunies dès 14h devant l’ambassade d’Egypte, dans le 8ème arrondissement de Paris, pour protester contre la dictature de Moubarak. A quelques mètres de l’ambassade, pas de "casseurs" ni de "jeunes excités", mais des familles égyptiennes, des Tunisiens et des militants politiques venus dire leur solidarité avec les populations du Caire, d’Alexandrie, d’Algérie et de Gaza.
Beaucoup de manifestants étaient surtout venus s’échanger des informations sur la situation en Egypte, les communications téléphoniques et internet étant coupées depuis plusieurs jours sur décision du gouvernement égyptien. Les uns criaient "Moubarak dégage !", les autres chantaient, certains grimpaient aux arbres pour y accrocher des drapeaux sous les ovations de leurs camarades, tandis que d’autres brûlaient une petite photo de Moubarak imprimée sur une feuille format A4, et tout le monde se félicitait de ce "souffle de liberté" venu du monde arabe. Une ambiance plutôt bon enfant, en somme.
Beaucoup de policiers
La présence d’une demi-douzaine de voitures de police et de quelques cars de police aux alentours du métro Kleber, ainsi que le barrage dressé entre eux et leur ambassade par huit camions de CRS, n’avaient pas l’air de gêner les manifestants. Aucune insulte, aucun affrontement, aucun incident ne s’est produit : les Egyptiens n’étaient pas là pour manifester contre le gouvernement. Certains se sont même demandés ce qu’Olivier Besancenot faisait là , avec eux. "On est venus dire notre solidarité, nous aussi, même si on est pas égyptiens", leur ont répondu des militants du NPA.
Ni armés, ni en colère, ni énervés, les Egyptiens n’étaient pas venus en découdre. Au contraire même. Désireux de ne surtout rien faire qui pourrait froisser la police française, ils ont hésité longtemps avant de partir en manifestation ; ils voulaient être sûrs que cela ne "gênerait pas la police". Vers 17h, finalement, ils ont formé un cortège. Le temps qu’ils prennent cette décision, les rangs s’étaient considérablement vidés : certains étaient partis vers le métro Ternes, les autres vers Monceau, beaucoup étaient rentrés chez eux à cause du froid. La plupart des militants politiques, notamment, étaient partis. Ne restaient que des Egyptiens et des Tunisiens, qui se sont dirigés vers le seul côté de la rue qui n’était pas bloqué par la police.
Une souricière en plein milieu des Champs Elysées
Un cortège de 200 personnes s’est donc mis en route vers les Champs Elysées, qu’il a descendu sans encombre jusqu’au milieu de l’avenue, dépassant la station Georges V. Au fur et à mesure, les derniers militants politiques quittaient le cortège pour rejoindre le métro, mais les Egyptiens, eux, gagnés par l’effervescence de leur pays, ne pensaient pas à rentrer chez eux.
Au moment où il est devenu évident qu’il n’y avait plus de Blancs dans la manifestation, des dizaines et des dizaines de policiers ont surgi, encerclant les manifestants à la hauteur de la rue Quentin Bauchart. Pendant une trentaine de minutes, les CRS sont restés immobiles, resserrant les rangs des manifestants, empêchant les gens de se disperser, de repartir ou de sortir de la manifestation. Lorsque les manifestants ont commencé à montrer des signes d’impatience, les CRS leur ont envoyé du gel lacrymogène, qui contrairement au gaz ne s’évapore pas : il imprègne la peau ou les vêtements, "optimisant" la sensation de brûlure et la gêne respiratoire.
Au moins 5 blessés et une centaine d’arrestations
Etouffant et toussant, les manifestants ont essayé de sortir de cette souricière, mais les policiers les ont contenus à coups de matraque, dans le dos, les jambes et les bras. Au fur et à mesure que la police avançait ou reculait (selon les endroits), on pouvait voir des manifestants au sol : un premier recevait des coups de pieds de la part d’un policier dans la tête et avait le visage en sang, il ne bougeait plus. Un deuxième était visiblement inanimé, une fille à genoux à côté de lui le secouait. Un troisième était au sol, saisi de convulsions. Les policiers arrêtaient les manifestants à tour de bras et le cordon qu’ils formaient rendait la visibilité quasi nulle : impossible de dire combien il y a avait de blessés.
Mais rapidement, les pompiers se sont trouvés débordés. Leurs camions étant trop petits pour faire monter tous les blessés, les policiers ont réquisitionné le magasin Toyota des Champs Elysées pour en faire un hôpital de fortune. Vers 20h un cordon de CRS s’est installé devant le magasin (qui est entièrement vitré) pour qu’on ne puisse pas voir ce qui se passait à l’intérieur. Les blessés ont ensuite été évacués vers l’hôpital Bichat, tandis que les personnes arrêtées étaient transportées au commissariat. Au total, sur les Champs Elysées et sur la place des Ternes, la police a procédé à 97 arrestations. Pour contrôle d’identité, puisqu’aucun manifestant n’a commis de délit.
Les CRS expliquent leur intervention
Vers 21h, des militants du NPA qui avaient assisté à toute la scène, ont pu communiquer les adresses des commissariats où étaient retenus les manifestants. Un rassemblement de soutien s’est formé spontanément devant le commissariat du 18ème arrondissement. D’après un responsable du commissariat, 97 personnes ont été arrêtées, puis relâchées vers 22h30. Toujours d’après la police, il n’y a pas eu de blessés. Et le motif des ces arrestations et de la charge des CRS, expliqué par un porte-parole de la police, est le suivant : personne n’avait déposé au préalable de demande d’autorisation pour une manifestation et aucun parcours n’avait été déposé auprès de la préfecture de police.
Olympe Naularis.
http://www.npa2009.org/content/la-police-de-sarkozy-réprime-la-solidarité-avec-legypte