L’affaire Woerth aura eu au moins deux mérites : rappeler aux Français - et en particulier aux plus modestes qui ont voté Sarkozy en 2007 - à quel point la caste qui nous gouverne vit dans le luxe et n’a aucun souci du bien public, et démontrer la contiguïté sans précédent entre cette caste et les grands milieux d’affaires.
Woerth ne vient pas de nulle part. Son parrain en politique fut Jean-François Mancel, un homme de la droite dure, longtemps en délicatesse avec la justice et même avec les instances supérieures du RPR, un parti pourtant assez peu regardant en matière de morale politique. Woerth, c’est vingt ans passés dans des cabinets d’audit comme Arthur Andersen (9 milliards de dollars de chiffre d’affaires), des cabinets dont la tâche est, principalement, de conseiller les entreprises pour qu’elles flouent - légalement si possible, mais illégalement au besoin - la collectivité dans les domaines fiscaux et juridiques. La carrière de Woerth chez Andersen (une entreprise où, faites lui confiance, il gagnait un tout petit peu plus qu’un ministre) sera brutalement interrompu lors du scandale Enron en 2002. Woerth aura été un témoin privilégié d’un des plus grands scandales financiers de ces vingt dernières années, donc des énormes magouilles de son employeur ayant débouché sur la ruine de 20000 salariés. Enron ayant été démantelé, Woerth se repliera sur Chirac, sa garde rapprochée, les finances du président de la République et de son parti.
Bercy, le Budget, le ministère du travail sont sous la coupe de deux « américains », de deux personnes qui ont mené de longues carrières dans les milieux d’affaires étatsuniens, avec des émoluments, en particulier pour Lagarde, que l’on a peine à imaginer.
Les commentateurs qui ne sont pas aux ordres ont raison de souligner que la république sarkozyenne ne respecte plus aucun des principes moraux les plus élémentaires. Le système Sarkozy repose justement sur l’absence de conflits d’intérêts entre les grands milieux d’affaires et l’État. Pour Sarkozy, il est normal, vital, que le ministre du Budget soit aussi le trésorier de son parti, c’est-à -dire le fédérateur des évadés fiscaux (l’UMP compte plusieurs milliers d’adhérents français résidant en Suisse), les rois et les reines de l’« optimisation fiscale » que l’on apprend et que l’on pratique justement dans des sociétés du type Enron ou dans les grands cabinets d’affaires où Lagarde a fait fortune. Dans ce monde, depuis trente ans, baigne le couple Woerth.
La tâche primordiale de Sarkozy, dès avant le « Pacte du Fouquet’s », aura été et demeure la protection de cette hyper bourgeoisie que la suppression de trois voitures de fonction et de deux boîtes de cigare doit bien amuser.
Les quinquagénaires Woerth, blanchis sous le harnais, ne sauraient « découvrir » un fonctionnement dont ils sont des agents éminents. Si Sarkozy a placé des Lagarde et des Woerth là où ils sont, c’est pour que finances publiques deviennent des finances privées, ou qu’à tout le moins elles soient pilotées entièrement selon les règles du privé. La destruction de l’État républicain passe par là .
Un petit post scriptum pour la route : Lancôme (L’Oréal, Bettencourt) finance la Fondation Carla Bruni-Sarkozy :
http://www.lancome.fr/_fr/_fr/revelations.htm