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Brésil : le coup d’état sans « Impeachment », mode d’emploi – suite (et fin).

C’est raté.

Après la mystérieuse rencontre de l’un des propriétaires de la TV Globo avec la présidente Dilma, qui eut pour résultat significatif un ton (un tout petit peu) moins acerbe au Jornal Nacional (JT du soir), et l’énorme répercussion de l’article du journaliste indépendant Luis Nassif (1) sur la possibilité d’un golpe préparé par le président du TSE (Cour Suprême Électorale) qui avait (par un miraculeux tirage au sort, défiant toutes les lois de la probabilité) attribué l’analyse des comptes de campagne de la présidente à l’un de ses plus féroces ennemis, Gilmar Mendes (et sans doute pour d’autres raisons) ...

... les comptes de campagne de la présidente récemment élue ont été... approuvés (et le spectre d’une procédure d’« impeachment » s’est éloigné).

Ce fut dur. Dans une argumentation de deux heures, que soutenait une visible mauvaise humeur, et où entrèrent beaucoup de sujets étrangers aux comptes eux-mêmes, du mensalão (procès sur l’achat de votes de groupes parlementaires en échange de votes où plusieurs politiques du PT furent condamnés) à l’opération lava-jato en cours (affaire de corruption liée à l’entreprise étatique Petrobras, dont l’opposition envisagerait volontiers la privatisation) pour finir sur une salve violente contre ces blogs crasseux (blogs sujos) et leur héros du moment, Luis Nassif, Gilmar Mendes a fini par approuver les comptes de campagne de Dilma (avec quelques restrictions), suivi à l’unanimité par les autres ministres du Supremo, peut-être bien soulagés de se débarrasser de cette (énorme) patate chaude.

Il faut dire aussi que le Procureur Général de la République avait pointé aisément des « inconsistances », voire des erreurs grossières faites par l’armée des techniciens du Tribunal mobilisés par Gilmar, qui avaient dans leur analyse multiplié par exemple certains frais (4,4 millions de reais furent comptabilisés deux fois) et pratiqué plusieurs autres « erreurs » du genre. (comme l’écrit le Tijolaço, « s’ils envoyaient un travail pareil à un autre ministre, celui-ci leur passerait un drôle de savon, mais Gilmar est capable de les appeler et de leur offrir des bonbons... ») (2)

Tout le monde fut d’accord pour dire que le temps avait été très court pour l’analyse des comptes, et que des améliorations devaient être faites au fonctionnement du TSE. Gilmar assura que, finalement, même s’il y a des plaintes ou même des indices d’irrégularités, il est très difficile de confirmer s’il y a eu effectivement une pratique de l’illégalité : (...) « Comme cela fut largement rapporté, l’argent de la corruption pourrait être lavé par des sociétés frauduleuses » (faisant référence à l’opération lava-jato en cours, effectivement largement rapportée par la Globo, Veja, o Estado de São Paulo, la Folha de São Paulo etc., pointant vers une direction unique, le PT) (...) « Si c’est vrai que cela peut arriver [que l’argent des dons proviennent d’entreprises corrompues], la dynamique ne permet guère la collecte de preuves de son illégalité ». (3) Bref, dans une situation hypothétique, « Si le donateur a donné la preuve du don et que le candidat prouve qu’il a reçu le don, alors celui-ci est légal », a déclaré le ministre (pour ceux qui restent sceptiques quant à cette phrase, la voici en portugais : “Se o doador prova que doou e se o candidato prova que recebeu, a doação é legal”, afirma o ministro, ao tratar de situação hipotética.)

Pendant ce temps, la vie continue :

 les comptes de campagne de Geraldo Alckmin, gouverneur réélu à São Paulo pour le PSDB, parti d’opposition, ont été rejetés à 5 voix contre 1 au Tribunal Régional Électoral de São Paulo ;

C’est dire si la blogosphère crasseuse se marre.

Le Jornal Nacional a réussi le tour de force de n’en rien dire. Dans l’affriolant journal de la Globo à 5 heures du matin, présenté par un monstre de rancœur d’avoir à faire ses preuves si tôt dans la journée, la journaliste n’a pas non plus donné l’information que les comptes de campagne de Dilma avaient été approuvés, mais que « le Tribunal Supérieur Électoral avait des restrictions quant à l’approbation des comptes de campagne de la présidente, mais que ces restrictions ne l’empêcheraient pas d’assumer la présidence ». On suppose qu’elle a été se laver les dents après cette déclaration.

 Nous n’avons pas encore de nouvelles des comptes de campagne d’Aécio (concurrent de Dilma battu à la présidentielle).

 Les développements de l’opération lava-jato commencent à atteindre de plein fouet l’opposition. On estime également que jusqu’à 250 membres du Congrès National (Chambre + Sénat), de tous les partis, pourraient être impliqués (4) ;

 il paraît que la base gouvernementale, qui avait largement cédé aux sirènes de l’opposition et de son tonitruant leader vaincu Aécio Neves, commence à revenir vers le gouvernement.

Deux termes reviennent souvent, en ce moment, au Brésil : le bolivarisme, que l’opposition voit partout dès qu’il s’agit du PT et du gouvernement au pouvoir ; et la vénézuélisation, ou la radicalisation anti-démocratique, haineuse, voire putschiste, de l’opposition, imitant la droite vénézuélienne.

Le soit-disant bolivarisme du PT est une plaisanterie, au grand dam, d’ailleurs, de beaucoup de ses soutiens, qui aimeraient une politique sociale plus radicale, la mise en place de la loi sur les médias, l’accélération de la réforme agraire et de la démarcation des terres indigènes (et l’arrêt du massacre des Guarani-Kaiowa dans le Mato-Grosso do Sul) etc.

La vénézuélisation de la droite (qui n’était pas vraiment de droite autrefois, le sigle PSDB signifiant Parti de la social-démocratie brésilienne) est, par contre, une réalité. Nous l’avons constaté lors de la campagne électorale.

Tous les progressistes, au Brésil, le savent. Avec l’approbation des comptes de Dilma, le PSDB a perdu le troisième tour.

Mais le quatrième tour viendra, personne n’en doute, et ce ne sera certainement pas le dernier.

Lucien, Toile de Maître de Si le Brésil m’était traduit...

(1) Vous pouvez lire la traduction de cet article ici.

(2) http://tijolaco.com.br/blog/?p=23642

(3) "Como amplamente divulgado, dinheiro de corrupcao poderia ser lavado por empresas fraudadas", mais uma vez, referindo-se à Lava Jato. "Por mais verdadeiro que isso [o dinheiro da doação vir de empresas corruptas] possa ser, a dinâmica dificilmente permite a coleta de provas cabais do ilícito". https://www.brasil247.com/pt/247/poder/163306/Fim-do-suspense-Gilmar-aprova-as-contas-de-Dilma.htm

(4) http://www.blogdefranciscocastro.com.br/2014/11/o-congresso-nacional-fica-mais.html

»» http://lebresilentraduction.tumblr....
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