Bref. 2 : la solution petite bourgeoise à la précarité

Ambroise-JRCF

13 ans après la première saison phénomène de Bref, la série de Kyan Khojandi et Bruno Muschio revient grâce à la plate-forme Disney+. 13 ans après, c’est un pari risqué, étant donné que le format court de la série, à savoir environ 1 minute 30, que Bref avait participé à populariser, est devenu relativement désuet à l’époque de TikTok et d’Instagram, sans parler des limitations narratives que cela impose. C’est sans nulle doute pour cette raison que l’aspect « bref » des épisodes a été abandonné au profit d’une trentaine de minutes par épisode. En ce qui concerne le montage de la série, il reste le même que celui de la première saison, à savoir un montage rapide suivant les enchaînements d’idées dans la tête du personnage principal.

Point positif, la série fait évoluer son intrigue au lieu de rester dans ce qui avait fait un succès. Pour ceux qui ne connaissent pas la série, la première saison narre les aventures banales d’un homme à Paris, entre rencontre amoureuse, plan cul et boulot alimentaire. Le personnage principal, qui ne porte pas de nom, nous fait entrer dans sa tête et nous suivons avec lui sa vie quotidienne. S’il est banal, il est aussi tristement égoïste et menteur, incarnant plus une sorte d’anti-héros pathétique qu’un modèle. C’est ce dernier point sur lequel la saison 2 le fait évoluer, le protagoniste, après une énième rupture, comprenant enfin qu’il doit changer et arrêter son comportement individualiste. S’ensuit aussi des réflexions sur le deuil et sur la place de la famille, déjà présente dans la première saison mais pas développée. Cette évolution dans le parcours de vie du personnage semble être l’une des raisons du succès de la saison 2, de nombreuses personnes se reconnaissant dans le portrait psychologique du ou des personnages.

Autre point qui a fait l’objet du succès de cette deuxième saison, c’est la représentation de la solitude. Selon un recensement de l’Insee en 2017, la France comptait 40,9 % de célibataires (44,4% pour les hommes) (1). En 2021, 19% des hommes vivaient seuls, montant à 22,1% pour les jeunes entre 20 et 24 ans. 9% des Français se déclarent carrément en situation d’isolement, allant jusqu’à 14% pour la seule région Île-de-France (2). La solitude est davantage ressentie chez les ouvriers (19 %) et les personnes précaires (13 a 14%). Il y a aussi reconnaissance du public dans la galère du personnage avec sa recherche d’emploi et son incapacité à trouver un travail intéressant (76% des Français trouvent leur travail ennuyant) (3).

Si on aborde la question politique dans la série, on remarquera son absence, due notamment à la psychologisation à outrance : le personnage est banal et ne fait que suivre un modèle familial ou amical déficient, mais celui-ci n’a pas de cause. Tout comme l’absence d’intérêt dans un travail ne provient pas de la tendance du capital (au moins, justement, dans la Capitale) de nous faire travailler dans le secteur tertiaire pour des emplois qui n’ont aucune valeur humaine et visent seulement à augmenter le profit des capitalistes, mais de l’absence de débrouillardise du personnage.

Les problèmes du personnage dans la première saison viennent d’un individualisme qui frise l’égoïsme et qui est générationnel (c’est pour ça que son personnage est Monsieur Tout-le-Monde). Individualisme qui s’explique par diverses causes dans l’organisation économique et politique (que nous n’allons pas évoquer ici), mais surtout qui explique pourquoi les jeunes s’impliquent encore peu dans les causes politiques et syndicales, qui demandent du temps, de la patience et de l’organisation. Individualisme qui explique aussi la préférence pour la démission comme moyen de lutte contre l’exploitation du travail, plutôt que de lutter pied à pied pour de meilleures conditions de travail. Individualisme qui est combattu en partie par cette saison 2 dans le domaine des relations amoureuses et familiales, mais pas dans celui du travail, le personnage devenant à la fin un petit commerçant d’une boutique de jouets (et donc son propre patron), offrant une énième solution petite-bourgeoise en guise de référence pour les nouvelles générations, par ailleurs bien illusoire (combien de petits patrons réussissent et combien échouent chaque année en l’absence de savoir gérer une entreprise ?).

Bref, si l’on peut dire, même si Kyan Khojandi a compris comment éviter de nous refaire la même soupe au risque de se planter, il s’est quand même senti obligé de nous resservir in fine le même discours idéologique qu’on entend partout et qui emmène notre génération dans le mur.

(1) https://www.lepoint.fr/culture/bref-2-pourquoi-on-s-identifie-autant-a-un-immense-loser-19-02-2025-2582871_3.php

(2) https://www.ifop.com/publication/limpact-de-la-solitude-sur-la-vie-des-francais/#:~:text=Une%20%C2%AB%20solitude%20objective%20%C2%BB%20qui%20touche,seules%20chez%20elles%20(13%25)

(3) https://www.ladn.eu/entreprises-innovantes/francais-ennuie-travail-manque-interet/#:~:text=T%C3%A9l%C3%A9travail%20ou%20bureau%2C%20on%20s,et%20en%202019%20avec%2069%20%25.

 https://jrcf.fr/2025/03/01/bref-2-la-solution-petite-bourgeoise-a-la-precarite/

COMMENTAIRES  

03/03/2025 12:58 par Vincent

Kyan Khojandi a un talent certain, et Bruno Muschio (Navo) une bonne plume. Mais je pense que ces deux là doivent être tout aussi largués qu’une immense majorité conformiste en termes de politique et de compréhension du monde. Ils sont en effet d’excellents individualistes, même en duo.

Notons que d’après Tribu 12 le magazine des communautés juives, Kyan Khojandi doit beaucoup à sa femme (qu’il rencontre dès 2008, peut être au cours Simon) et qui mit en scène son 1er spectacle dès 2009, avant Bref.
(cf : Wikipédia)

le personnage devenant à la fin un petit commerçant d’une boutique de jouets (et donc son propre patron), offrant une énième solution petite-bourgeoise en guise de référence pour les nouvelles générations, par ailleurs bien illusoire (combien de petits patrons réussissent et combien échouent chaque année en l’absence de savoir gérer une entreprise ?).

(Spoiler alert !)

On notera que le rachat de la boutique de jouets "vintage" qui lui permet de s’"épanouir" au travail et de trouver son équilibre (bien sûr !), n’est rendu possible que grâce à l’argent que son frère - qui a du succès dans les affaires - avance à la banque. Bref 2 montre donc bien comment les planètes s’alignent en effet pour les petits bourgeois.

D’ailleurs, notons aussi que l’appartement gigantesque et luxueux que le personnage loue, même lorsqu’il est "en galère", est très éloigné des standards représentatifs de la réalité des petits taudis de moins de 30 m² avec kitchenette qu’une très large majorité peut à peine se permettre de louer à Paris (et ailleurs), avec les salaires de misère qui sont jetés à la face des gueux-travailleurs. Je me demande dans quelles conditions son dossier aurait été accepté par le proprio ou par l’agence...

Bref le personnage égoïste se remet en questions, il a des amis fidèles (dont on ignore tout) qui sont autant de soutiens, et on pourra apprécier (ou non) le côté psy de la série où l’on sent bien la plume et le cynisme de Navo.
Et si la politique n’est certes pas le sujet de Bref 2 (parce que ce n’est pas du tout un sujet pour ses auteurs conformistes épanouis et membres de la bourgeoisie parisienne), on ne voit pas pourquoi on y mettrait en question ce qui fait le succès des uns et la misère des autres, cette dernière - même très largement répandue - ayant notoirement la fâcheuse tendance à moins faire rêver le public.

03/03/2025 13:41 par CAZA

BREF
Sur recommandation médicale ,eut égard à mon caractère et mes Pb d’ hypertension et d’ ulcère gastrique, j’ ai arrêté la télé voici une 15ène d’ années .
Je m’informe de ce qui s’ y ment par les ragots sur LGS et sur le Web .

Tiens donc en présentiel la propagande actuelle du "clown cocaïné" qui resserre les rangs avec les nazis ukrainiens matraquée par les infaux corrompus ( au choix :Mauvaise foi, affirmation d’une chose que l’on sait fausse, déloyauté, duplicité, fausseté, fourberie, hypocrisie, malhonnêteté, parti pris.) ( tiens donc c’ est qui qui paye maintenant ?) fait penser au bon temps de la fumeuse "contre offensive" des mêmes nazis qui est depuis portée disparue sans avis de recherche .

Sinon le fumeux progrès c’ est bien connu :Faut savoir s’adapter ,vivre avec son temps ,plébisciter les délocalisations ,les privatisations ,les dérèglementations .
https://www.youtube.com/watch?v=E-QYzQwRmC0

Et aimer les parcs de loisirs et l’ expansion économique et le rocher aux singes
https://www.youtube.com/watch?v=sx-tzNxjQLQ

René Fallet grand visionnaire de la connerie actuelle globale ,de l’exode rural et de l’amnésie environnementale générationnelle .
https://www.youtube.com/watch?v=NtVgZBsSp5g

04/03/2025 10:46 par Assimbonanga

Pauvres djeuns du JRCF ! C’est un peu une digue contre le pacifique, leur histoire. Dès l’instant où l’on s’abonne à la plate-forme Disney+, qu’ajouter de plus ? Comment être communiste et estimer légitime de donner son fric à des plate-formes de l’Empire, Netflix compris ? Comment ne pas voir que le cinéma étasunien procède de la propagande idéologique de son pays et qu’il fait adhérer à leur système de valeurs ?
Bon courage pour la suite, les djeuns !

Pour pas déprofiter ce commentaire et avant que le bandeau bleu ne s’affiche : premier séjour d’Elisée Reclus aux Etats-Unis. "C’est une grande salle d’encan où tout se vend, les esclaves et les propriétés, les votes, l’honneur et la Bible. Tout appartient au plus fort enchérisseur." (Années 1850)

05/03/2025 11:12 par Vincent

Dès l’instant où l’on s’abonne à la plate-forme Disney+, qu’ajouter de plus ? Comment être communiste et estimer légitime de donner son fric à des plate-formes de l’Empire, Netflix compris ?

Le streaming permet de visionner tous ces programmes payants gratuitement dès le lendemain - parfois le jour même - de leur sortie, quelle que soit la plateforme payante qui les produit à l’usage des bourgeois qui préfèrent payer pour se faire croire qu’ils appartiennent à un petit cercle privilégié.
Pourquoi s’en priver ? Il y a belle lurette que je n’ai plus les moyens d’aller au cinéma non plus. Mais j’ai vu tous les films qui m’intéressaient, certes sur un PC, puisque je n’ai plus non plus de télé depuis 13 ans.
Ceci dit : "Comment être communiste", c’est une bonne question.

05/03/2025 15:02 par Assimbonanga

Du coup, tu bois le philtre de la sorcière mais sans la payer ? Peu importe, tu seras quand même prisonnier du sortilège ! Tout en ayant jeté ta télé depuis 13 ans qui aurait pu t’apporter quelques modestes anticorps ou, tout au moins, la modestie des vulgus pécus qui ne pètent pas au-dessus de leur Q.
Sache que que tu n’es pas indemne et que tu régurgites de l’idéologie dans tes com ! Je dis ça pour t’alerter. Mais tu peux fermer toutes tes écoutilles et refuser d’entendre.

05/03/2025 19:20 par Vincent

ta télé depuis 13 ans qui aurait pu t’apporter quelques modestes anticorps ou, tout au moins, la modestie des vulgus pécus qui ne pètent pas au-dessus de leur Q.
Sache que que tu n’es pas indemne et que tu régurgites de l’idéologie dans tes com ! Je dis ça pour t’alerter. Mais tu peux fermer toutes tes écoutilles et refuser d’entendre.

Très sympa. Je me permets - bien amicalement - de te retourner la politesse.
C’est à dire, pour imager mieux mon propos, que si là je tendais en même temps l’index, le majeur et l’annulaire, en pliant le pouce et l’auriculaire, il faudrait que tu saches lire entre les lignes pour bien me comprendre.
Maintenant je veux bien qu’on passe à plus sérieux que des trucs du genre "s’essuikidikiyé", aussi.
On pourrait reprendre ici une conversation plus constructive, si tu le souhaites : j’ai longuement répondu à des gens dont j’estime qu’ils "chipotaient", puis qui m’ont - semble-t-il - laissé en plan.

06/03/2025 21:30 par jo nice

Bref 2 est cool mais à l’image de son auteur et sa génération : individualiste et capitaliste.

07/03/2025 09:28 par Assimbonanga

Vincent, je t’ai répondu mais mon pseudo est devenu Anonyme. J’ai appuyé sur le mauvais bouton, j’ai senti que ça foirait mais il était trop tard. Peut-être que -si tu avais pris le temps de lire plus attentivement le fil de conversation- tu aurais compris que c’était moi qui écrivais : Sérieux, les complotistes se croient les seuls détenteurs de la perspicacité et de l’esprit critique ?
Je ne t’ai pas laissé en plan ! Je ne suis pas de la génération Bref !!

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