26 août 2007.
Le 21 août 2007, le candidat démocrate pour les élections présidentielles de 2008 aux Etats-Unis, Barack Obama, s’est exprimé sur Cuba. Il s’est prononcé pour la suppression des sanctions économiques inhumaines imposées par l’administration Bush en 2004 et en 2006 et qui séparent impitoyablement les familles cubaines [1]. Ces mesures draconiennes, destinées à étouffer économiquement l’île dans le but de renverser le gouvernement cubain, limitent les voyages des Cubains des Etats-Unis vers leur pays d’origine à 14 jours maximum tous les trois ans si ces derniers remplissent deux conditions : ils doivent obtenir une autorisation du Département du Trésor et disposer d’au moins un membre direct de leur famille à Cuba, selon la nouvelle définition de Bush, c’est-à -dire de grands-parents, parents, frères et sours, enfants ou époux. Ainsi, un citoyen étasunien d’origine cubaine n’a plus le droit de rendre visite à ses cousins, oncles, tantes et neveux restés au pays [2].
Obama a également dénoncé les restrictions au niveau de l’aide financière que les Cubains-américains peuvent envoyer à leurs familles (100 dollars par mois maximum). « Il s’agit à la fois d’une question stratégique et humanitaire. Cette décision a [.] un impact profondément négatif sur le bien-être du peuple cubain », a-t-il signalé. En tant que président, « j’autoriserai aux Cubains-américains des droits illimités pour rendre visite à leurs familles et envoyer de l’argent dans l’àŽle », a-t-il promis [3].
Le sénateur de l’Illinois a également fait part de sa disposition à entamer des conversations bilatérales avec le gouvernement de La Havane, « normaliser les relations et assouplir l’embargo qui a gouverné les rapports entre nos pays durant les cinq dernières décennies ». Obama est le premier candidat à la fonction suprême à évoquer une éventuelle levée de l’état de siège économique contre Cuba. Il s’agit ici d’une approche hautement constructive même si l’on peut regretter un certain relent colonialiste émanant de ses propos, comme l’illustre sa volonté d’imposer certaines conditions à une nation souveraine [4].
Felipe Pérez Roque, le ministre cubain des Affaires étrangères, a salué l’initiative d’Obama. « Ces déclarations expriment le sentiment majoritaire des Etats-Unis », a-t-il déclaré tout en condamnant l’acharnement « barbare et anachronique » de l’administration Bush vis-à -vis de son pays [5]. Il a également souligné que les mesures restrictives violaient les droits constitutionnels des citoyens étasuniens à la libre circulation [6].
De son côté, la candidate démocrate Hillary Clinton, lorgnant sur les subventions de l’extrême droite héritière de l’ancien régime de Fulgencio Batista, a qualifié l’approche rationnelle d’Obama « d’irresponsable et de franchement naïve [7] ». Elle s’est prononcée pour le maintien des sanctions économiques, restant fidèle à l’héritage de son mari, Bill Clinton, qui avait signé l’insensée loi Helms-Burton en 1996 au caractère rétroactif et extraterritorial destinée à porter le coup de grâce à la Révolution cubaine. « Elle est favorable à l’embargo et à notre actuelle politique à l’égard de Cuba », a déclaré sa porte-parole, Mo Elleithee [8].
L’immense majorité de la communauté cubaine des Etats-Unis et de l’opinion publique souhaitent ardemment la levée des sanctions économiques qui affectent gravement le niveau de vie de l’île. Le blocus imposé à Cuba depuis 1960 illustre l’incapacité de Washington à reconnaître l’indépendance de la nation caribéenne. De plus, il a été totalement inefficace. Le gouvernement de Fidel Castro a maintes fois proposé à la Maison-Blanche un dialogue sur des bases de respect mutuel. Mais jusqu’à présent, il a toujours été rejeté par le Voisin du Nord qui refuse de pardonner l’affront subi en 1959 lorsque Cuba s’est définitivement affranchie de la tutelle étasunienne.
Jen Psaki, le porte-parole de Barack Obama, a résumé l’enjeu en ces termes : « En fin de compte, cette élection est un choix entre le maintien de politiques du passé qui ont échoué [.] et [la volonté de] tourner la page et d’élaborer une nouvelle approche de la diplomatie globale [9] ». Il est à espérer que la raison et le bon sens l’emportent afin que disparaisse définitivement le cruel et injuste châtiment dont est victime la population cubaine.
Salim Lamrani
Salim Lamrani est enseignant, écrivain et journaliste français, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.
Il a notamment publié Washington contre Cuba (Pantin : Le Temps des Cerises, 2005), Cuba face à l’Empire (Genève : Timeli, 2006) et Fidel Castro, Cuba et les Etats-Unis (Pantin : Le Temps des Cerises, 2006).
Cuba : le plan d’action de Bush ne marche pas, par Wayne S. Smith.