Et ensuite, des frappes de drone américaines ont tué l’ancien membre de la garde d’Al-Qaïda, Nasser al-Wuhayshi, au Yémen, et soudain les médias de masse se sont aussi mis à douter du bien-fondé de cette stratégie.
– Christian Science Monitor - Les forces de l’air américaines nous débarrassent d’une série de dirigeants d’Al-Qaïda. Une tactique efficace ?
– Washington Post - Pourquoi les frappes visant à « décapiter » al-Qaeada ont-elles tué des dirigeants terroristes mais pas le mouvement ?
– McClatchy - La mort du chef d’Al-Qaïda relance le débat : Les assassinats ciblés font-ils une différence ?
– Guardian – La mort du leader d’al-Qaida masque la réalité de frappes de drones : Elles n’apportent pas la stabilité.
– New York Times – L’objectif que recherche les Etats-Unis en tuant des terroristes est hors d’atteinte.
– Telegraph - Un drone américain a tué le commandant en second d’Al-Qaïda - mais comme pour l’hydre, couper une tête après l’autre ne fait que renforcer le corps.
On assiste à une prise de conscience admirablement synchronisée du problème. Les Etats-Unis « réussissent » peut-être à tuer tel ou tel dirigeant d’un gang terroriste donné, mais l’ensemble du phénomène ne cesse de croître et d’embellir. C’est le sous-titre du Telegraph qui résume mieux la situation :
« L’Amérique s’est attaquée à un ennemi fort de 5000 hommes. Elle en a tué 10 000. Il n’en reste plus que 20.000 ».
Sauf que Al-Qaïda à ses débuts ne comptait que quelques centaines d’hommes cantonnés à l’Afghanistan et au Pakistan. Une quinzaine d’années plus tard, après que la guerre des États-Unis contre le terrorisme ait fait des centaines de milliers de morts chez des civils sans aucun lien avec al-Qaeda, et des milliers de morts chez les jihadistes, Al-Qaïda et ses rejetons sévissent dans plus d’une douzaine de pays et ont fait des dizaines de milliers d’adeptes. Comme je l’ai écrit :
Le recours systématique des Etasuniens aux moyens militaires montre que, pour eux, la résolution politique des conflits n’est pas une option.
Pourtant, aucun des articles mentionnés ci-dessous ne propose la moindre solution au problème.
Alors voilà mes suggestions :
– Arrêter les frappes de drones et apparentés, puisqu’il est évident qu’elles fabriquent toujours plus de terroristes.
– Arrêter d’utiliser des extrémistes, comme les djihadistes et les néo-nazis, comme outil politique pour lutter contre tel ou tel dirigeant gênant.
– Restreindre les ressources dont ces groupes ont besoin pour grandir. Cela nécessitera de faire pression sur les dictateurs saoudiens et qataris, en allant peut-être jusqu’à menacer l’existence de leurs régimes, pour qu’ils cessent de financer la diffusion de leur version radicale de l’islam et qu’ils interdisent le financement « privé » de ces groupes par des ressortissants de leurs pays.
Il est peu probable pour l’instant que de telles mesures soient prises. Mais il a fallu des années pour que les médias s’aperçoivent que les frappes de drones ne servaient à rien. Dans quelques années, les premiers pas vers la solution du problème leur apparaîtront peut-être dans toute leur évidence.
Hélas, d’ici là, la guerre contre le terrorisme aura fait beaucoup d’autres victimes.
Traduction : Dominique Muselet