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Avant le vote de l’ANI, un dernier mot aux parlementaires

Cette note, dont l’auteur a milité à la CFDT, sera transmise dans 2 jours aux 577 députés, car le vote ultime de la loi à l’Assemblée Nationale aura lieu le 14 mai.

D’où l’utilité qu’un bon nombre de citoyens ajoutent leur nom directement à la fin de la note sur http://www.retraites-enjeux-debats.org/spip.php?article996

Vous pouvez l’envoyer à votre député et à vos élus (commune, département, conseil régional) car le danger sur lequel nous insistons, augmentation du temps de travail donc du chômage, a peut-être été insuffisamment souligné par les syndicats et associations qui ont expliqué tous les autres dangers de l’ANI.

André martin

Animateur du site http://www.retraites-enjeux-debats.org/

L’ANI et la loi de « sécurisation de l’emploi » conduiront à une augmentation du temps de travail donc du chômage

Note d’analyse sur l’ANI et la loi de "sécurisation de l’emploi"

Les objectifs fixés par le Ministère du travail à cette négociation interprofessionnelle sont à lire dans « Document d’orientation - Négociation nationale interprofessionnelle pour une meilleure sécurisation de l’emploi » . Ils sont rappelés dans l’exposé des motifs du « Projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi » : « Le premier est l’urgence d’une mobilisation de tous pour développer l’emploi et lutter contre le chômage. Il s’inscrit dans le cap fixé par le Président de la République : mobiliser les forces vives de notre pays vers des solutions nouvelles pour l’emploi ».

C’est donc d’abord par rapport à ces objectifs initiaux qu’il faut porter des appréciations sur le résultat final (l’ANI et la loi).

Les dangers ou reculs contenus dans l’ANI et la loi ont été expliqués par des associations de juristes (SAF et Syndicat de la magistrature), des inspecteurs du travail, des associations comme Attac ou Copernic et bien sur par les organisations syndicales opposées à l’ANI et à cette loi (CGT, FO, FSU et Solidaires). Il serait donc fastidieux et inutile de les rappeler ici. Voir .

Nous signalerons seulement un recul contenu dans l’ANI qui mériterait d’être plus souvent expliqué. Il concerne les critères d’ordre des licenciements. L’ANI autorise désormais les employeurs à prendre en compte seulement la « compétence » et plus du tout l’ancienneté et les charges de famille. Ainsi, les employeurs pourront, en toute légalité, licencier des salariés qui ont de l’ancienneté et/ou des charges de famille importantes mais qui, par exemple, osent un peu trop ouvrir la bouche sur certains dysfonctionnements de l’entreprise. Ceci conduira à un recul supplémentaire du droit à la citoyenneté dans l’entreprise. Est-ce que la loi corrige cette ignominie ? À vérifier.

Il nous semble aussi que les syndicats, partis et associations opposés à l’ANI n’ont pas suffisamment expliqué pourquoi l’ANI et la loi vont conduire à une augmentation du temps de travail et donc du chômage.

Remarques sur les négociations ayant conduit à cet ANI

Nous considérons qu’en matière d’emploi, seules des négociations quadripartites (gouvernement, syndicats de salariés, syndicats patronaux, associations de défense des chômeurs) sont susceptibles de conduire à des compromis conformes à l’intérêt général.

La négociation entre les « partenaires sociaux » était déséquilibrée : dispersion des 5 organisations syndicales de salariés participant à la négociation, absence de syndicats importants (FSU, Solidaires, UNSA), absence des organisations de défense des chômeurs.

Pour avoir une idée de la philosophie du MEDEF dans ce type de négociation il est utile de rappeler deux formules célèbres de Laurence Parisot : « La liberté de penser s’arrête là où commence le code du travail », « La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? ».

Cet accord et cette loi permettront-ils de faire reculer le chômage de masse ?

Le ministre du Travail lui-même, Michel Sapin, a reconnu que cette loi ne fera pas reculer le chômage. Cela signifie que les objectifs fixés par le gouvernement ont été oubliés et ignorés par les signataires de l’ANI. C’est donc un échec que l’on habille maintenant du qualificatif de "grand succès de la démocratie sociale".

Aussi bien l’ANI que la loi qui en découle font l’impasse sur un partage plus équitable du temps de travail entre ceux qui se ruinent la santé au travail et les 5 millions de demandeurs d’emploi, alors même que le chômage ne cesse d’augmenter. Au contraire, les accords de « sécurisation de l’emploi » prévoiront généralement une augmentation du temps de travail, sans augmentation de salaire, pour les salariés non licenciés. Ainsi, le récent accord signé chez Renault prévoit une augmentation de 6,5 % du temps de travail. Voir en annexe d’autres exemples d’accords prévoyant une augmentation de la durée du travail.

C’est la quasi totalité des entreprises qui subissent les conséquences de la crise et pas seulement quelques-unes pour des raisons spécifiques ou passagères (manque d’innovation, manque de compétitivité, erreurs de management, ...). C’est donc dans un très grand nombre d’entreprises que seront imposées des « négociations de sauvegarde de l’emploi », donc des augmentations du temps de travail sans augmentation de salaire. Ceci conduira mécaniquement à une accélération de la montée du chômage. Exactement l’inverse de ce qu’il faudrait faire.

Remarquons au passage que l’ANI apporte un démenti cinglant à tous ceux qui, depuis 20 ans, nous répètent que la réduction du temps de travail doit être laissée à des négociations entre les « partenaires sociaux », au niveau de chaque entreprise.

Le collectif Roosevelt, par exemple, propose depuis un an « 15 mesures pour stopper la crise et créer 2 millions d’emplois en 5 ans ». Aucune trace de ces propositions, ni dans l’ANI ni dans la loi de « sécurisation de l’emploi » ! Les syndicats signataires de l’ANI feraient-ils plus confiance, pour faire reculer le chômage, aux solutions du Medef qu’aux 100 000 citoyens qui soutiennent les propositions du collectif Roosevelt ?

Les mesures élémentaires pour sauvegarder un maximum d’emplois figurent-t-elles dans l’ANI ?

Si on a le souci de l’emploi, en cas de baisse d’activité d’une entreprise, d’un secteur d’activité ou d’une filière, on commence par négocier sur des mesures temporaires qui relèvent du bon sens le plus élémentaire. Comme par exemple :

- supprimer les heures supplémentaires (celles en dessus des 35 heures hebdomadaires)
- recourir au chômage partiel (indemnisé par l’État)
- donner le droit au temps partiel choisi à tous les salariés qui le souhaitent depuis longtemps
- inviter au temps partiel choisi les salariés qui sont prêts à l’accepter temporairement pendant 2 ou 3 ans
- resserrer l’éventail salaires lorsqu’il est excessif ou injustifié
- réduire les profits distribués. Il faudrait d’ailleurs poser publiquement la question : depuis quand et pourquoi est-il devenu quasi systématique que les entreprises « en difficulté » continuent de distribuer des dividendes (2) ?
- refuser qu’une entreprise qui supprime des postes continue à employer des salariés qui, par ailleurs, touchent des pensions de retraite confortables. Sur ce sujet, voir la pétition "Le cumul emploi retraite doit de nouveau être encadré"

Est-ce qu’au moins certaines de ces mesures de simple bon sens figurent en bonne place dans l’ANI ? Aucune n’y figure.

Cela n’a rien d’étonnant. Par exemple, le droit au temps partiel choisi est depuis longtemps refusé dans un grand nombre d’entreprises. Il est même fréquent que les DRH fassent pression sur les salariés qui travaillent à 80% pour leur faire reprendre un temps plein, y compris pour les mamans de jeunes enfants qui veulent rester à 80%.
Cet accord et cette loi viennent de loin

Dès 2007 la Fondation Robert Schumann publiait une contribution intitulée "La flexisécurité : une révolution européenne".

La revue Golias a rappelé dans un article intitulé « L’ANI correspond aux réformes structurelles imposées en Europe » les injonctions de l’OCDE, du FMI et de l’UE pour contraindre les pays à une "réforme du marché du travail".

Enfin, la fameuse interview du 14 avril 2012 "Le plan de bataille des marchés : entretien avec le stratège" expliquait sans fard comment "les marchés" allaient contraindre le futur président français à cette "réforme du marché du travail".

La plupart des accords de compétitivité qui seront signés conduiront à une augmentation du temps de travail donc du chômage

Elle va amplifier la spirale de dumping social déjà bien engagée. Elle permettra à beaucoup d’entreprises de généraliser la dérégulation du temps de travail. Même les entreprises « raisonnables » seront conduites à court ou moyen terme à suivre le mouvement, sous peine de se pénaliser par rapport à leurs concurrentes déjà engagées dans ces processus de dérégulation et d’augmentation du temps de travail.
Un coup fatal porté à l’esprit de la loi dite des 35 heures.

Depuis 2002, 6 lois ont été votées par la droite pour « détricoter » les 35 heures, avec l’appui explicite de certains "socialistes" comme Manuel Valls.

Ces 6 lois ont déjà fait remonter la durée hebdomadaire moyenne de 37 à 38h, soit l’équivalent de 500 000 emplois temps plein de perdu (estimation d’Alternatives Economiques).

Concernant les cadres, voir « Deux millions de salariés corvéables à merci, à cause du contrat de travail en jours ».
Connaissez-vous des cadres qui peuvent aujourd’hui se permettre de postuler en refusant ce scandaleux « contrat de travail en jours sans aucune référence horaire » légalisé par la seconde loi Aubry ... qui devait soit disant concerner quelques milliers de hauts cadres et qui se généralise toujours plus ?

La loi de « sécurisation de l’emploi » fera progressivement passer cette moyenne de 38 à 39 h. A plus ou moins long terme, ce sera 500 000 emplois supplémentaires de perdus ! La loi Sapin contribuera ainsi à enterrer définitivement l’esprit des lois Aubry de RTT pour l’emploi !

Examinons enfin les 2 points « positifs » qui seraient les contreparties des concessions accordées au MEDEF.

Sur la généralisation de la complémentaire santé

Les représentants des mutuelles sont allés voir les députés et les sénateurs pour leur expliquer que cette généralisation pourrait constituer un danger pour les mutuelles. Voir le communiqué de la Fédération des mutuelles de France "Négociation sur l’emploi : L’amélioration de la protection sociale des salariés ne peut pas se faire au détriment de la solidarité nationale".

Par ailleurs, il est très important de comprendre pourquoi le développement des complémentaires santé se fait depuis toujours au détriment de la sécurité sociale. Et qu’il faudrait au contraire renforcer la sécurité sociale parce qu’elle est plus juste et plus égalitaire, comme l’explique depuis des années le professeur Grimaldi. Explications dans « André Grimaldi : Santé, Sécurité sociale, hôpital, nous devons tout remettre à plat » et dans « Les réseaux de soins mutualistes en débat ».

Les droits rechargeables devront se faire sans augmentation du coût global d’indemnisation du chômage. Il y aura donc un peu plus d’indemnisés, mais avec des taux et des durées d’indemnisation plus faibles. C’est exactement l’inverse de la "flexi-sécurité", mise en œuvre dans certains pays, qui consiste au contraire à augmenter le taux et la durée d’indemnisation pour ceux qui perdent leur emploi. En fait, 98% des éditocrates et des "experts" interviewés par les médias sont totalement incompétents sur ces sujets. L’ANI relève plutôt de la "préca-sécurité" : plus de précarité pour les salariés pour une meilleure sécurité des dividendes.

Résumé et conclusions

L’idée (louable) de certains initiateurs de cette négociation interprofessionnelle était peut-être la suivante : quand une entreprise est en difficulté financière, au lieu d’utiliser la variable d’ajustement habituelle (les suppressions de postes), il serait plus responsable de jouer sur les nombreuses autres variables : réduction du coût du capital (les dividendes), recours au chômage partiel, aux temps partiels choisis ou acceptés temporairement, à la réduction des hauts salaires avec maintien des salaires bas et moyens, etc ... L’ANI n’invite même pas à privilégier ces solutions.

Les dirigeants politiques et syndicaux qui avaient sincèrement espéré que cette négociation conduirait à des compromis utiles pour faire reculer le chômage ont oublié une chose essentielle : toutes les batailles menées depuis un siècle pour la réduction du temps de travail ont montré que la quasi-totalité des employeurs sont viscéralement et idéologiquement opposés à toute forme de partage du temps de travail. Et que le Medef saisit toutes les occasions qu’on lui laisse pour augmenter le temps de travail. Le renoncement des responsables socialistes, depuis 2002, à assumer la bataille idéologique sur l’incontournable nécessité d’un autre partage du temps de travail fait que le Medef a gagné sans peine la bataille idéologique sur ce sujet.

Il est urgent que les forces progressistes mènent de nouveau des batailles communes pour la semaine de 32 heures, à salaires maintenus jusqu’à environ 2 SMIC. Voir par exemple "Face au chômage massif ? Des économistes allemands proposent de passer à la semaine de 30 heures".

Parce qu’elle conduira à une augmentation du temps de travail dans la plupart des entreprises où seront signés ces accords de « compétitivité » ou « de sécurisation de l’emploi », l’ANI et la loi conduiront à une augmentation mécanique du chômage.

Les gens un peu informés, de gauche comme de droite, savent que depuis 30 ans c’est le chômage de masse qui a permis de faire passer les dividendes de 4% à 8% du PIB. Et qu’il est donc totalement antinomique de vouloir en même temps sécuriser les dividendes et réduire le chômage.

Puisque les 2 objectifs sont antinomiques, le gouvernement et les parlementaires qui font les lois vont devoir choisir. Les citoyens électeurs seront en droit d’exiger de leur député qu’il exprime clairement et par écrit son choix, entre « sécuriser les dividendes » et « réduire le chômage ».

Cette note d’analyse n’engage, à titre personnel, que ceux qui en sont signataires.

André Martin (Rhône)

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La pratique des arrestations illégales, des tortures et des exécutions en dehors de tout procès régulier puis de la dissimulation des dépouilles (d’où le terme de « disparus ») est tristement célèbre en Amérique latine où les dictatures ( l’Argentine de la junte militaire, le Paraguay dirigé par le général Alfredo Stroessner, le Chili tenu par Augusto Pinochet...) y ont eu recours. De 1980 à 2000, sous un régime pourtant démocratique, l’armée du Pérou n’a pas hésité à recourir à la terreur (…)
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