Depuis de nombreuses semaines, les étudiants partout en France s’opposent aux réformes de l’université prises à l’encontre de l’intérêt des étudiants. Sur Nancy, cette opposition se traduit par l’organisation de la suspensions des cours par les étudiants par le cadenassage de portes ou le blocage de portes.
Jeudi matin, en Fac de Sciences, l’administration a imposé aux personnels administratifs et techniques de dégager les entrées bloquées par les étudiants. En quelques instants, des individus obéissant à des ordres irresponsables font rentrer des étudiants dans les bâtiments.
Les étudiants de la fac de Science décident de se rentrer à la présidence de Nancy I afin d’obtenir des explications au président de Nancy I Jean-Pierre Finance.
Jean-Pierre Finance était l’an dernier président de la conférence des présidents d’universités et à ce titre un des principal soutien à Valérie Pecresse pour l’élaboration de la loi LRU.
Les étudiants de Nancy I présents à la présidence depuis 10h souhaitaient tous ensemble rencontrer le président Finance. Il a été tout d’abord annoncé que le président était parti sur la fac de Sciences afin de rencontrer les étudiants. Ce qui fut évidemment faux puisque jamais, de 10h à 00h30 il n’en est revenu. Et dans le journal d’aujourd’hui, nous apprenons qu’il était en fait au rectorat.
Après l’assemblée générale des étudiants du campus Lettres et Sciences Humaines, les étudiants et enseignants ont décidé d’organiser un sitting à proximité des locaux de l’université. Les forces de l’ordre présentes n’ont fait qu’encourager à la provocation et ont laissé plusieurs voitures forcer le passage mettant en danger la vie de près de 200 étudiants. Un étudiant s’est fait roulé sur les pieds et moi-même, j’ai été trainé sur le capot d’une voiture sur près de 80mètres à 40km/h !
Pendant cette même action, les CRS n’ont pas hésité à insulter plusieurs étudiants de « connards », « enculés », « branleurs de merde ». Les étudiants parfaitement calmes ont ignoré toutes provocations.
Décidés et mobiles, après que les CRS aient bloqués en amont la circulation, nous nous rendons vers un autre carrefour en traversant le campus. La plupart des usagers bloqués sont très attentifs à nos revendications et nous remercient pour la plupart de l’information qu’ils n’ont pas forcément.
Nous recevons par ailleurs des coups de téléphones des étudiants de Nancy I qui nous demandent de venir grossir les rangs. Traversant la ville, n’hésitant pas à prendre des sens interdits déjà embouteillés et donc sans voitures pouvant arriver à grande vitesse, nous nous rendons rue Lionnois aux cris d’un « Tous Ensemble ».
Images de la lutte commune que mènent les étudiants des deux facs en lutte, nous occupons désormais la Villa Bergeret dont les salles sont classées aux monuments historiques. Après un tour des locaux et une visite dans le calme des salons Art Nouveau, nous nous arrêtons dans une grande pièce où un repas sympathique a du avoir le midi : des restes de plateaux repas richement garnis. J’en profite pour gouter des aliments non-consommés, l’excellent pâté et le parfumé taboulet comme premier repas depuis 8h où je suis levé !
J’ai l’impression d’être en décalage complet avec la réalité dans ce bâtiment si prestigieux et devant les restes. J’étais persuadé que les universités manquaient de moyens et de fonds culturels... jusqu’à en voir la Villa Bergeret !
Une discussion débute alors dans le hall de la Présidence afin de déterminer nos objectifs clairs. Les personnes présentes sont déterminés face aux sbires du Président Finance. Un appel est rédigé confirmant notre volonté de rester la nuit dans les locaux.
M’absentant pour des raisons familiales, lorsque je reviens à 23h50, c’est dans une ambiance conviviale que je trouve le hall de la présidence : des gâteaux, des chocolats, des jeux, des journaux...Toute une vie s’était organisée autour de la trentaine de personnes présentes et rien de dangereux ou de particulièrement radical ne s’était mis en place. Les fumeurs fument dehors. A l’intérieur, des briques de jus de fruits, mais pas une bouteille d’alcool (ce qui tombe bien puisque je ne bois que très peu et rarement). Des sacs de couchages étaient déjà installés. Dans les escaliers, des chiens de gardes se transforment en conservateur de musée n’ayant pu conserver la raison du Président qui n’a toujours pas daigné se rendre place
Vers minuit 30, j’allume mon ordinateur afin de consulter les actualités du jour. Mon ordinateur n’a même pas le temps de s’allumer que j’aperçois des casques et des matraques.
En quelques minutes, rentrant par deux portes, les forces de l’ordre nous poussent violemment vers la sortie, nous interdisant de prendre nos effets personnels hormis nos sacs que certains ont pu prendre très rapidement. Ne pouvant refuser de partir, nous sommes évacués. Evacuation probablement pas suffisamment rapide, puisque plusieurs étudiants se font gazer. Alors que j’approche de la porte, je me fais également asperger de gaz lacrymogène, accompagné d’un fort sympathique coup de matraque sur mon coude qui enflera assez rapidement.
Les forces de l’ordre (Police et Gendarmerie Nationale) nous poussent jusqu’au bout de la rue Lionnois en nous accompagnant de mots doux semblables à ceux de l’après-midi (« connards de gauchistes », « rats de merde »). En assaisonnement, nous avons droit à une flambée de flash. Probablement pour prouver plus tard, sélections de photos à l’appui que l’évacuation s’est déroulée « sans incident, devant témoins ».
Pourquoi ? Pourquoi Jean-Pierre Finance a-t-il ordonné cette opération ? Est-ce par un besoin de démonstration viriliste ? Rien n’a été dégradé, rien n’a été abimé, aucun personnel n’a été ne serait-ce menacé. En aucun cas la sécurité des biens et des personnes n’a été remise en cause.
Cette évacuation ne témoigne que d’une seule chose : la volonté délibérée de refuser toute forme de dialogue. Alors que les étudiants font entendre leur opposition, la seule réponse constructive de Finance est la matraque ! Après avoir faits des examens la carotte, il nous impose le bâton.
Je devais, aujourd’hui vendredi me rendre au travail, dans un lycée où je travaille en tant qu’assistant d’éducation. Pour moi, c’est une journée de salaire en moins car à 6h30 en me réveillant j’étais dans l’incapacité de réaliser un mouvement avec mon bras droit, où j’ai reçu un coup de matraque. Après une consultation chez le médecin, c’est au titre de contusion au coude que j’ai un arrêt de travail.
Je suis là , dans l’incompréhension la plus totale. Comment des présidents d’université qui viennent de voir leurs pouvoirs augmentés peuvent-ils réellement choisir la force, qu’est-ce que cela augure pour demain ?
Je garderais de la journée du 23 avril un souvenir pourri et enfumé des pires relents de notre Histoire.
Le Président Finance et la Ministre Valérie Pecresse sont responsables (entre autres) de ce conflit qui dure depuis trop longtemps. Ils ne peuvent qu’être coupables de l’enlisement du conflit et de la volonté de radicalité qui s’exprime malheureusement.