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La concentration des médias, jusqu’où ?

Par Jean Tardif

Quelle est aujourd’hui la plus grande menace qui pèse sur le
pluralisme culturel ? Les pressions exercées pour libéraliser l’accès
aux marchés culturels ou la concentration accélérée des grands médias
 ?

Deux événements récents montrent que ces questions sont étroitement
liées. Et que la concentration est sans doute le phénomène le plus
décisif.

Le 2 juin, à Washington, l’Agence fédérale des communications a pris
une décision qui autorise une concentration accrue des médias.
Désormais, un seul groupe de médias pourra contrôler jusqu’à 45% de
l’audience télévisée nationale contre 35% jusqu’à présent. Les limites
qui empêchaient jusqu’à présent les chaînes de télévision et les
journaux s’adressant aux mêmes publics d’être possédées par une même
entité pourraient être levées. Cette décision est justifiée par le
désir des grands groupes de mobiliser un plus grand nombre de
téléspectateurs pour rester viables sur le marché de la publicité. La
rentabilité est clairement affichée comme l’objectif premier.
« Atteinte dévastatrice au pluralisme et à la concurrence », commente
Jeff Chester du Centre pour la démocratie numérique.

Dans un contexte où 5 grands groupes accaparent déjà 70% de l’audience
de « prime time » et où le géant Clear Channel Communications attire 25%
des auditeurs américains de radio, le renforcement de ces groupes
pourrait mettre en cause la survie de médias indépendants. Ted Turner
a noté que si ces règles avaient été en vigueur en 1970, il n’aurait
pu démarrer Turner Broadcasting et plus tard CNN.

Cette décision américaine comporte des conséquences qui dépassent les
frontières des États-Unis. Non seulement il deviendra de plus en plus
difficile, sinon impossible, à des concurrents de pouvoir s’installer
sur le marché américain de façon viable, mais, comme le note Robert W.
McChesney, (Policing the Thinkable
www.opendemocracy.net/articles/ViewPopUpArticlejsp?id=8&articleId=56 )
ces géants pourront utiliser leur poids pour promouvoir leurs intérêts
et pour influencer la façon dont les débats sur la politique relative
aux médias est véhiculée et comprise.

Le naufrage de Jean-Marie Messier dans l’opération Vivendi-Universal
qui devait permettre à un groupe à polarité française de s’installer
parmi ces géants, a démontré après les expériences de Sony, à quel
point il est difficile d’y prendre pied. L’un des motifs de la
décision pourrait bien être le désir de limiter les ambitions de
l’Australien Rupert Murdoch, patron de News Corporation, sur le
continent américain. Mais elle comporte bien d’autres conséquences.

Car cette concentration accrue renforce encore la capacité des groupes
géants d’intervenir à l’étranger : les politiques nationales et les
moyens déployés par les gouvernements risquent de ne pas faire le
poids d’autant que ces interventions prennent souvent la forme
« d’investissements ».

C’est dans cette perspective qu’il faut situer la démarche faite le 14
mai dernier par les membres de l’International Communication Round
Table (ICRT) auprès des membres de la Convention européenne, afin que
celle-ci favorise le développement du commerce mondial et l’abolition
des barrières commerciales. En d’autres termes, qu’elle favorise la
liberté de prestations des biens et services dans le secteur des
médias et non la préférence européenne. Et qu’elle interdise aux États
de l’Union européenne d’exercer quelque action que ce soit sans
autorisation préalable de la Commission en matière de commerce
électronique et de radiodiffusion. Cet objectif pourrait être plus
facile à atteindre dans l’Union élargie si ces questions étaient
soumises au vote à la majorité qualifiée plutôt qu’à l’unanimité,
comme le souhaite la France.

Qui serait en mesure de bénéficier de ces marchés audiovisuels
libéralisés ? Sans doute ces grands groupes qui réalisent déjà plus de
40% de leurs recettes à l’étranger. Il serait peut-être temps
d’utiliser le poids de ce marché audiovisuel européen dans les
stratégies politiques.

Car si l’Europe, forte du poids de son marché déjà largement occupé
par les productions américaines, cède, quels seront les moyens pour
les pays en développement de résister à cet oligopole hégémonique ?

La question de la concentration des médias, qui est liée à celle du
contrôle des investissements étrangers dans les industries
culturelles, - le thème de ce chapitre - constitue probablement
l’enjeu le plus important dans les débats sur le pluralisme culturel.
Elle ne peut être réglée par « l’exception culturelle » ni seulement en
garantissant le droit des États à adopter leurs politiques
culturelles, ainsi que le montre de façon éclatante et paradoxale la
décision américaine du 3 juin, qui est . une politique nationale.

N’est-il pas urgent pour tous les partisans du pluralisme culturel
d’intervenir sur ces questions afin d’élaborer les réponses à ce défi
 ? Notamment en envisageant un régime international pour régir ces
investissements dans les industries culturelles et bannir ces
oligopoles. Et en animant nos débats et en les élargissant aux
milieux américains qui commencent à saisir les conséquences
inacceptables de la logique industrielle appliquée aux médias.

Source : Le Courriel d’information mis au point par l’équipe de bénévoles du Grain de sable (ATTAC).

Email : journal@attac.org

Site : http://attac.org

Contact pour cet article : Jean Tardif


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