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Avocats du Larzac

mars 2001

 Jean-Jacques de Félice

"Toute une mémoire s’enracine dans les luttes passées"

Jean-Jacques de Félice, avocat des paysans depuis les années
soixante-dix est venu plaider la relaxe des "dix inculpés de Millau" à 
Montpellier. Il nous rappelle la prise de conscience collective au moment de
la bataille contre l’extension du camp du Larzac. Interview.

Que retenez-vous de l’action des paysans du Larzac dans les années
soixante-dix ?

J’aimerais rappeler qu’en 1960 j’avais été frappé par la très forte
indifférence des paysans du Larzac face à une détresse très proche d’eux. A
cette époque, plusieurs centaines d’Algériens, suspectés de nationalisme,
étaient retenus dans un centre d’internement sur le plateau. Les paysans,
isolés les uns des autres, marqués par un fort individualisme, connus pour
leurs idées assez conservatrices, n’avaient alors manifesté que peu de
réactions.

Dix ans plus tard, au moment où se regroupaient les énergies pour
contrer les expropriations des paysans et dénoncer les opérations lucratives
des politiques, je leur expliquais l’importance de leur lutte dans la mesure
où on ne devait pas oublier leur silence devant un tel scandale.

Eux-mêmes dans le désarroi, ils ont été touchés par la solidarité qui se
tissait autour d’eux. Unis devant le danger de se voir nier, exproprier,
traiter de façon indigne, ils eurent un sursaut de fierté et se rejoignirent
dans des actions collectives. Parfois non sans mal. Par exemple, pour ces
paysans qui avaient été d’anciens combattants, c’était un déchirement
sentimental de renvoyer les livrets militaires, signes d’appartenance.

Je me
souviens de l’un d’eux qui voyant arriver toute cette foule qui venait pour
les soutenir disait : " Je suis bouleversé par cette foule. ça, c’est du
patriotisme ". Peu à peu, leurs valeurs se renversaient. Le patriotisme
consistait à défendre sa terre avec le soutien de l’opinion publique. Ces
paysans s’ouvraient aux problèmes du monde entier et s’impliquaient dans
toute sorte de débats…

Encore aujourd’hui, je trouve remarquable la façon dont s’est organisé cet
immense mouvement de solidarité, constitué de personnes aux horizons très
divers. A mon avis, l’usage de l’humour a grandement contribué à faire
passer bien des messages.

Quels liens faites-vous entre cette époque et le démontage du McDo en août
1999 ?

Je sens une continuité entre ces deux actions. Et peut-être même les
luttes du Larzac fondent celles d’aujourd’hui. A mon avis, il ne s’agit pas
d’une prise de conscience récente, mais toute une mémoire s’enracine dans
les luttes passées. Là aussi, l’action est collective, très orientée vers
les problèmes du monde entier et vers l’idée que l’homme n’est pas une
marchandise. Et là aussi, le mouvement part de problèmes concrets posés par
la pratique du métier de paysan. Comme il y a quarante ans, ce mouvement
social tire sa force de la conjonction d’intérêts divers et de cultures
différentes. Il n’y a jamais eu un texte idéologique demandant obéissance et
acte de foi.

Soulignons qu’au Larzac, la répression a été aussi très forte mais qu’elle
a été entravée par cette solidarité de l’opinion publique. N’oublions pas qu
’elle a été une lutte victorieuse, l’extension du camp militaire ne s’est
pas faite telle qu’elle avait été prévue.

Une raison d’être optimiste aujourd’hui !

Propos recueillis par Cécile Koehler

Article de campagnes solidaires, n° 150, mars 2001

http://www.confederationpaysanne.fr/cs/150larzac.htm

François Roux et Jean-Jacques de Félice
Millau fin des années 70

12 novembre 2002

 François Roux

Avocat de Zacarias Moussaoui

Est-ce parce qu’au mitan de l’existence, on peut s’accorder une pause ?
Reprendre le fil conducteur de ce que furent les moments intenses d’une vie
d’avocat depuis trente ans ? Dire les combats menés afin que le monde soit
un peu meilleur à l’aune de ce que l’on croit ? François Roux avoue n’avoir
pas eu ce « courage » longtemps durant, trop engagé par les causes à 
défendre pour s’en distraire un instant.

Il aura fallu, dit-il, un énième
procès, celui de José Bové et une plaidoirie, une de plus, sur la notion de
« légitime révolte » pour qu’il se rende à l’évidence : « Il n’est pas
superflu de dire et d’écrire pourquoi l’on a choisi tel camp ». Afin que
d’autres y puisent des motifs de se lever à leur tour...

En l’occurrence, le « camp » de François Roux c’est celui de la révolte
non-violente. Il se décrit « armé » de deux filiations spirituelles, celle
du Christ et celle de Gandhi, pour mener sa tâche d’avocat et avoue puiser à 
ces sources tous les jours de sa vie pour soutenir sa révolte et sa
résistance.

Ses racines protestantes affleurent sans cesse, familiales, mais aussi
revendiquées dans la lignée de Marie Durand et de ses compagnes « les
premières objectrices de conscience ! », qui surent « résister », se
révolter légitimement et subir des années d’emprisonnement plutôt que
d’abjurer leur foi réformée. De même, il assume le mot de « vocation » ou
encore de « ministère », lui qui voulait d’abord être pasteur, pour parler
de sa vie d’avocat :
« Mon travail va au delà de la défense des gens. D’ailleurs, à la suite de
plaidoiries on a pu me dire : "Tu as bien prêché !"
Et je suis reconnaissant à Jean-Jacques de Félice, un confrère protestant,
de m’avoir fait comprendre, quelques années après mes débuts, que je pouvais
mettre au service de la profession les valeurs auxquelles je tenais &endash;
ou la profession à leur service... »

Mais résister, ce n’est pas seulement opposer une digue, être passif, c’est
aussi agir.
« Dans la notion de résistance, de légitime révolte, c’est l’idée de
construire autre chose qui m’intéresse. Les paysans du Larzac en lutte que
je défendais dans les années 70 résistaient à l’armée, mais plus encore ils
construisaient une agriculture innovante déjà biologique à l’époque,
installaient la vie sur le plateau avec l’arrivée de dix-sept nouveaux
paysans.
A une époque où les campagnes se désertifiaient, c’était le seul coin de
France où l’on revenait à la terre en si grand nombre. Ce fût aussi, alors
que certains parlaient de sortir les fusils, la naissance de la lutte
non-violente initiée par Lanza del Vasto. C’est ce combat qui me passionne
 ! »

Alors, des objecteurs de conscience aux paysans du Larzac, des Kanak en
pleine tourmente, aux militants anti-nucléaires, de José Bové au Tribunal
pénal international pour le Rwanda qui siège à Arusha (Tanzanie) et
maintenant à la défense de Zacharias Moussaoui accusé par les États-Unis
d’être le « vingtième » terroriste dans l’attentat du World Trade Center et
passible de la peine de mort, François Roux plaide, se passionne. De ce
dernier client, pour lequel il est commis d’office et payé par le
gouvernement américain, il affirme :

« Il est présumé innocent. S’il venait à être reconnu coupable et condamné à 
mort, je serais là pour m’opposer. On m’a dit : comment toi le non-violent
peux-tu défendre un pareil dossier ? Je suis farouchement opposé à la peine
de mort et je crois que tout être humain peut changer, se racheter, qu’une
rédemption est toujours possible. Le criminel est toujours plus grand que
son crime. »

Taxé d’« avocat des causes perdues » dans sa région de Montpellier - « 
heureusement elles n’étaient pas toutes perdues et beaucoup sont aujourd’hui
légitimées ! », méprisé par les juges et accusé avec son collègue
Jean-Jacques de Félice d’être « anti-français » lors de certains procès plus
politiques, il n’en a cure, résiste et s’investit dans des combats qu’il
considère, aujourd’hui encore, comme majeurs pour les droits de l’homme et
le droit à la justice.

Comme le Larzac. Il y revient toujours... Dix années de lutte non violente
sur le plateau contre le projet d’extension du camp militaire et
l’expropriation des paysans. En 1981, le projet était abandonné, mais la
victoire est autre à ses yeux : la lutte non violente a marqué profondément
les acteurs et « au lieu de jouer aux anciens combattants, les paysans ont
voulu faire fructifier cette victoire et s’ouvrir au monde : la lutte des
Indiens, celle des Kanak, des Polynésiens, des Palestiniens, etc. ont rythmé
depuis la vie sur ces Causses. »

François Roux sait aussi qu’il faut tisser des liens entre les humains de
bonne volonté pour que le monde change. Alors que la Nouvelle-Calédonie
était à feu et à sang, raconte-t-il, les paysans du Larzac et la communauté
de l’Arche de Lanza del Vasto l’avaient délégué auprès de Jean-Marie Tjibaou
avec mission de le faire venir pour découvrir la lutte non-violente :
« La situation au Larzac n’était pas comparable avec la situation coloniale
de la Nouvelle-Calédonie mais le Larzac avait vécu sa résistance sur le
modèle de celle de Gandhi qui lui était dans un système colonial.

Jean-Marie
est venu, il a ouvert le chemin coutumier qui mène au plateau du Larzac et
il disait qu’il y était comme dans sa tribu.
Je le revois l’un de ces beaux matins qu’offre la nature sur le causse, les
deux pieds dans la terre et qui disait : "On se sent bien ici, la terre
respire" ».

Jean-Jacques de Félice et lui, soutenus par la Fédération protestante de
France et le Conseil oecuménique des Églises, défendront les membres du
FLNKS emprisonnés à Nouméa pour des actions de révolte, « de révolte
légitime ! On ne doit jamais confondre la violence des opprimés avec celle
des oppresseurs. La révolte des Kanak était tellement évidente, contre la
violence d’État qui les maintenait à la marge de la société. »

Il sera le conseiller juridique de Jean-Marie Tjibaou pour les accords de
Matignon et n’a jamais cessé depuis de s’investir dans la construction
culturelle et économique d’une nouvelle histoire calédonienne. Et, toujours
ce fil rouge de la non-violence, il rappelle les relations très fortes qui
se sont nouées entre les Kanak et le mouvement non-violent du Larzac et les
allers-retours des uns chez les autres : « Après des années de révolte, ce
n’était pas évident de quitter les barricades ! »

Il faudrait parler encore de la défense, depuis 1976, de José Bové, le
militant formé à l’école de la non-violence du Larzac et de celle du
professeur Jacques Ellul dont il fut un étudiant enthousiaste.

François Roux
sourit en constatant la percée médiatique récente du militant :
« Il levait tranquillement depuis des années. "Comme le blé que l’on sème,
disait le général de Bollardière autre compagnon en non-violence. Pendant
des mois on ne voit rien, mais le jour où il lève, c’est le champ entier qui
lève" ».

C’est ce que François Roux croit et espère : « Qu’à chaque génération
humaine, se lève des assoiffés de justice qui préfèrent les révoltés aux
résignés pour que le monde soit un peu meilleur. »

« En marche les artisans de paix » proclame le texte des Béatitudes qu’il a
choisi comme credo.

*En état de légitime révolte, François Roux,
Préface de Marie Claude Tjibaou
éd.Indigène, 2002

Claudine Castelnau journaliste à la radio « Fréquence protestante »(100. 7 FM)
et à l’hebdomadaire Réforme

Source : http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/castelg/ca31.htm

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1. Dans votre dernier livre, vous appelez Hillary Clinton la « Reine du Chaos. » Pouvez-vous expliquer pourquoi vous avez choisi ce sobriquet péjoratif pour décrire Hillary ? En un mot, la Libye. Hillary Clinton était si fière de son rôle majeur dans le déclenchement de la guerre contre la Libye qu’elle et ses conseillers avaient initialement prévu de l’utiliser comme base d’une « doctrine Clinton », ce qui signifie une stratégie de changement de régime façon « smart power » , comme un (…)
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Lorsque l’on tente, comme ce fut le cas récemment en France, d’obliger une femme à quitter la Burqa plutôt que de créer les conditions où elle aurait le choix, ce n’est pas une question de libération mais de déshabillage. Cela devient un acte d’humiliation et d’impérialisme culturel. Ce n’est pas une question de Burqa. C’est une question de coercition. Contraindre une femme à quitter une Burqa est autant un acte de coercition que l’obliger à la porter. Considérer le genre sous cet angle, débarrassé de tout contexte social, politique ou économique, c’est le transformer en une question d’identité, une bataille d’accessoires et de costumes. C’est ce qui a permis au gouvernement des Etats-Unis de faire appel à des groupes féministes pour servir de caution morale à l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Sous les Talibans, les femmes afghanes étaient (et sont) dans une situation très difficile. Mais larguer des "faucheuses de marguerites" (bombes particulièrement meurtrières) n’allait pas résoudre leurs problèmes.

Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

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