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ALGÉRIE : les errements syndicaux font le lit des privatisations

Les syndicats se montrent incapables de faire fructifier la
grève générale de février contre la vente des sociétés d’Etat. Analyse.

Par : YASSINE TEMLALI, ALGER

Le pouvoir algérien reste sourd à la révolte ouvrière contre le
programme de privatisation. Deux mois après la grève générale des 26 et 27
février déclenchée par l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA),
le ministre de la Participation, Abdelhamid Temmar, maintient tel quel son
programme de cession des entreprises publiques. Ce plan prévoit la vente de
320 entreprises étatiques dans les deux prochaines années et ce, sur un
total de 700 « privatisables ». La cession rapide de 42 entreprises -
supervisée par la Banque mondiale - est censée ouvrir le bal de la
privatisation. Elle ne tardera pas à être lancée, selon Abdelhamid Temmar,
ministre si proche du président Abdelaziz Bouteflika, qu’il était considéré
avec méfiance par le chef du gouvernement, Ali Benflis, démis hier de ses
fonctions, pour cause de présidentielle en 2004 (lire en page
« international »).
Le ministre de la Participation met l’opposition des salariés à la
privatisation - à laquelle la grève générale a donné l’occasion de s’
exprimer franchement - sur le compte de tenaces malentendus. Pour les
« dépasser », il entend expliquer, directement au personnel des sociétés
privatisables, que le principal objectif de la cession des sociétés d’Etat n
’est autre que la « sauvegarde de 90 à 95% des emplois, menacés de
suppression si le statu quo actuel persiste ». L’alternative à ce qu’il
considère implicitement comme un « dialogue de sourds » avec la direction de l
’UGTA serait ainsi une campagne en direction des travailleurs et des
syndicats de base, qui seraient plus disposés à saisir les subtilités du
plan de « sauvetage de l’emploi » que serait la privatisation.

ARGUMENTS SPÉCIEUX

Pour M. Temmar, grève ou pas, il n’y a d’alternative pour l’économie
que la privatisation. Le secteur économique d’Etat ne produit plus de valeur
ajoutée, bien au contraire, il en engloutit, explique-t-il doctement. Pour
en convaincre les syndicalistes, il recourt à l’argument massue du coût
exorbitant qu’induirait l’assainissement du secteur d’Etat pour le Trésor
public, autrement dit pour le contribuable algérien. Le seul rachat des
dettes des sociétés publiques coûterait, selon lui, 14 milliards de dollars.
Quant à la facture de leur recapitalisation et du renflouement de leurs
caisses, elle s’élèverait à 56 milliards de dollars.
L’UGTA rejette bien sûr ces arguments. Pour elle, se baser sur les
résultats comptables des entreprises pour apprécier leur santé financière
est une pure « supercherie » : cela reviendrait à ne prendre en considération
ni les créances que ces entreprises détiennent sur l’Etat - premier mauvais
payeur du pays - ni l’amélioration relative de la productivité de certaines
d’entre elles, dont témoigneraient leurs bénéfices annuels.
La détermination renouvelée du gouvernement à organiser les
funérailles définitives de l’économie étatique se nourrit, cependant, du
pesant silence du syndicat depuis la grève générale ainsi que des multiples
faiblesses de sa stratégie d’opposition aux projets libéraux du
gouvernement.

DÉMONSTRATION DE FORCE

La grève générale des 25 et 26 février a permis de mesurer la crainte
de la bureaucratie syndicale d’une disparition rapide du secteur public qui
saperait les conditions mêmes de son existence en tant que caste ouvrière
privilégiée, composée d’une armée de permanents le plus souvent inutiles.
Mais cette grève a surtout été une superbe démonstration de force qui
a permis à la base de parler d’une seule voix, alors que, jusque-là , sa
colère se perdait dans des protestations sectorielles, le plus souvent sans
grand effet sur l’action du gouvernement. Les travailleurs ont pu aussi,
pour la première fois depuis longtemps, exprimer leur opposition aux
privatisations sans les bémols habituels de la bureaucratie syndicale,
prudente et largement intégrée aux partis du régime qu’elle a régulièrement
alimentés en dirigeants et cadres intermédiaires.
Cette grève générale, la première depuis 1991, a été largement suivie.
Mais elle n’a été relayée par aucune autre pression sur le gouvernement. La
première action d’envergure de la centrale syndicale en douze ans n’a eu d’
autre suite qu’une déclaration d’Ali Benflis réitérant sa « disposition au
dialogue » et la menace de l’UGTA de radicaliser sa position « si l’Exécutif
continue de faire la sourde oreille ».

DISCOURS INCONSÉQUENT

Quant aux inconséquences de la stratégie de l’UGTA, leur principale
manifestation a été le refus de rejeter le principe même de la privatisation
d’une économie qui, dans la conjoncture financière actuelle (des réserves de
change de 23 milliards de dollars), a les moyens de décoller pourvu que l’
Etat mette la main à la poche. Au lieu d’opposer à la privatisation un plan
de relance cohérent, basé sur la relance de la consommation et de l’
investissement étatique dans les grands travaux d’infrastructures, la
direction de l’UGTA s’en tient à la critique des modalités des
privatisations et du choix des entreprises à vendre. Son insistance sur la
nécessité d’être associée au processus de cession des entreprises est plus
que tout autre chose l’expression de sa peur d’être marginalisée par le
président Bouteflika en tant que partenaire politique, elle qui a toujours
été au coeur du dispositif ayant permis de faire passer, sous le malheureux
signe de l’état d’urgence, l’amère pilule de l’ajustement structurel.
Autre faiblesse de la stratégie de l’UGTA : elle refuse de considérer
la privatisation comme l’action concertée de l’équipe gouvernementale. Bien
au contraire, elle a régulièrement rendu hommage à la « bonne volonté » du
chef du gouvernement, l’opposant à l’autoritarisme du ministre de la
Participation - et, au-delà , du président Bouteflika - dans la gestion des
affaires publiques. C’est ce contraste entre une franche hostilité à 
Abdelaziz Bouteflika et une aménité à toute épreuve envers Ali Benflis qui a
fait dire à certains analystes que la grève générale n’était pour l’
essentiel qu’une opération de déstabilisation du président, quelques mois
avant les élections présidentielles de 2004, élections lors desquelles
celui-ci sera probablement opposé à son ex-chef du gouvernement.

STRATÉGIE PEU FRUCTUEUSE

Cette campagne de division de l’exécutif entre « bons » et « méchants » a
été, en définitive, peu fructueuse. Ali Benflis, auquel ont attribuait de
graves désaccords avec la présidence, ne s’est jamais ouvertement opposé à 
son président.
Refusant de commenter la grève générale, le ministre de la
Participation Temmar a rappelé, lui, que celle-ci a interpellé, plus que sa
personne, « l’Exécutif dans son ensemble » et que le gouvernement est un
« corps solidaire malgré ce que raconte la presse ».
Dans la même foulée, il a rejeté la réputation qu’on lui prête de
« cheville ouvrière du bradage de l’économie nationale ». Il s’est mis sous le
parapluie gouvernemental en affirmant qu’il ne fait « qu’appliquer le
programme du gouvernement ».
La lecture de ce programme lui donne plutôt raison. S’il semblait
exister des désaccords entre lui et le leader du FLN, la privatisation était
un objectif stratégique du programme d’Ali Benflis, au même titre d’ailleurs
que le projet d’assoupissement de la législation sur l’exploitation des
hydrocarbures par les multinationales, que l’UGTA prête au seul ministre de
l’Energie et au président de la République.

NOURRIR LA CONFUSION

L’UGTA semble avoir oublié cet important détail en évitant de charger
Ali Benflis - allié conjoncturel contre l’« ennemi commun » Bouteflika - de
toute responsabilité dans la disparition annoncée du secteur public
économique. Ce faisant, elle a nourri la confusion dans les rangs des
salariés. Surtout maintenant que toute intervention « providentielle » d’Ali
Benflis n’est plus que le souvenir d’une chimère, qui aura aveuglé trop
longtemps la direction syndicale.
Source : Le Courrier

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