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Remettre la transformation radicale de la société à l’ordre du jour

Contribution de Fabien Bon, militant écologiste et libertaire de Millau (Aveyron) à l’occasion des journées de l’écologie radicale les 29, 30 et 31 août 2008 à Miremont (Auvergne).

La catastrophe industrielle et la soumission à l’ordre social

La dégradation irréversible de la vie terrestre due au développement industriel a été signalée et décrite depuis plus de cinquante ans. Ceux qui détaillaient ce processus et ses effets pensaient qu’une prise de conscience y mettrait un terme. Quels que fussent leurs désaccords sur les moyens à mettre en oeuvre, tous étaient convaincus que la connaissance de l’étendue du désastre entraînerait une remise en cause quelconque du conformisme social.
Mais nous ne pouvons que constater que la connaissance de cette détérioration s’intégrait sans heurts à la soumission des individus à l’ordre social et « participait surtout de l’adaptation à de nouvelles formes de survie en milieu extrême » (1).

En détruisant toutes les bases morales et matérielles sur lesquelles elle reposait, la société marchande crée des conditions de précarité et d’insécurité si aiguës que seul un accroissement de l’asservissement à la machine sociale peut encore faire passer cette montagne de misère humaine pour un monde vivable. En effet, il n’est nul besoin de compteur Geiger ou d’analyses de fumées toxiques pour découvrir à quel point la société marchande est mortifère : avant de la subir en tant que consommateur, chaque individu doit l’endurer en tant que travailleur.

Des contestations qui ne font que renforcer l’ordre social

On croit avoir tout dit lorsqu’on critique les « dérives néo-libérales » qui auraient inventé récemment la « mondialisation ». Cela nous permet ainsi de ne pas voir que cette logique d’universalisation depuis longtemps à l’oeuvre n’est qu’un petit aspect du désastre.

Concernant la décroissance telle quelle est actuellement prônée, le rationnement volontaire est demandé pour les « éco-citoyens » et les « consomm’acteurs » et on en réclame aveuglément à des mesures étatiques (subventions, taxes). Si l’on se risque quelque fois à se déclarer « anticapitalistes », (dans une incohérence totale avec des propositions comme celles d’un « revenu minimum garanti » qui ne ferait que mieux intégrer les individus à la société de consommation issue du système capitaliste) on ne s’aventure jamais à remettre en cause la domination de l’Etat.

Nous devons cesser de penser en terme de réforme de la « société capitaliste ». C’est à un niveau beaucoup plus fondamental, celui des rapports de production et de l’utilité même de cette production, qu’il faut agir pour inverser la tendance.
L’alternative ne peut pas être « éventuellement » écologique, elle l’est fondamentalement, parce qu’elle remet en cause les bases mêmes de la société marchande qui est à l’origine des désastres sociaux et écologiques.

« Lutter contre le réchauffement de la planète, c’est juste empêcher la poubelle de déborder ; au lieu d’inventer une économie de la poubelle, il faut supprimer la cause, il faut supprimer le capitalisme » (2).
Nous devons ainsi exclure le développement « durable », l’état « providence », l’économie « solidaire » et autres artefacts d’un capitalisme « équitable » qui n’est qu’une forme de domination sociale moins visible que les autres.

Sortir de la société marchande et de l’asservissement à la machine sociale

Il nous faut donc sortir de l’asservissement à la machine sociale et aux promesses scientistes d’un progrès ininterrompu. C’est la seule sortie envisageable. Elle suppose de sortir de la société marchande, voilà pourquoi son abolition est une nécessité. Nous devons sortir de cette société. « Bien sûr nous pouvons la réformer, c’est ce qui se fait tous les jours pour différer la catastrophe dont elle ne cesse de nous menacer. Mais la catastrophe est là . » (1)

Il faut aussi en finir avec toutes les formes de soumission et d’aliénation (souvent intériorisées par les individus eux-mêmes) comme les religions, l’ordre moral, le salariat, le patriarcat, l’hétéro-normalité, le nationalisme, le militarisme, les superstitions, le racisme, le sexisme ... etc.

Ce que l’on a communément l’habitude d’appeler « démocratie » n’est que la façade « participative » de la soumission des individus à la machine sociale, puisqu’une minorité de la population donne tout pouvoir à un petit groupe de « représentants », par l’intermédiaire d’organisations bureaucratiques dont l’objectif affiché est d’assurer la pérennité d’un Etat tout puissant (qu’il soit de droite ou de gauche, un homme ou une assemblée peut décider du sort de plus de soixante millions d’habitants ou d’un seul individu, que ceux-ci soient d’accord ou pas).

Dans une perspective d’abolition de la société marchande, l’Etat - dont le rôle a toujours été de servir la machine industrielle - n’aura plus aucune utilité et devra en conséquence être aboli.

De l’abolition de l’état à l’autogestion

La société post-marchande sera composée de communautés autonomes et autogérées ou aucun rapport de domination et d’aliénation sociale n’existera. Dans l’esprit des communautés libertaires, chacun pourra se fixer ses propres règles dans le respect de l’autre. Cette autogestion devra non pas être une idéologie figée dans le marbre mais être toujours remise en question pour permettre l’émancipation de chaque individu au sein de l’écosystème.

Comment faire ?

Nous devons proposer une stratégie de contre-pouvoirs, praticable dès maintenant, qui sera susceptible d’ouvrir la voie à des ruptures ultérieures. Nous devons radicaliser, fédérer et autogérer les luttes pour remette la transformation radicale de la société à l’ordre du jour.

Dans les entreprises, dans les quartiers, dans les lycées et dans les universités, chaque lutte peut faire avancer la démocratie autogestionnaire : Assemblées Générales souveraines, mandat impératif de la base ... etc.

A l’heure de la « globalisation » de la société marchande, nous devons refuser les replis souverainistes et oeuvrer à la coordination mondiale des luttes afin de combattre les inégalités et l’insécurité sociale car l’avenir est pour nous à la solidarité.

Nous devrons donc développer une stratégie extra-parlementaire, c’est à dire en totale indépendance de l’Etat, du patronat et des partis bureaucratiques. Cela ne signifie pas que nous devons rejeter en bloc l’électoralisme, mais simplement que nous devons arrêter de croire que nous pourrons transformer radicalement notre société par la voie des institutions. Cela ne nous empêchera donc pas de participer de façon ponctuelle à des élections sans, bien sur, participer à des exécutifs, même locaux, car le rôle réel de tout poste ou mandat exécutif est de représenter et d’assurer « l’autorité » (c’est à dire la soumission des individus) de l’Etat.

Notes

1 « Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable », de René Riesel et Jaime Semprun.

2 Intervention de Thierry Lodé, professeur d’écologie évolutive à l’université d’Angers, auteur de « La Guerre des sexes chez les animaux ».

Liens

journal La Gauche Verte

Blog de Fabien Bon

Solidaires, Ecologistes et Libertaires - Millau

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