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VOTE «  NON » IRLANDAIS : DECLARATION DE JACQUES NIKONOFF ET MICHELE DESSENNE.

Résumé de la déclaration

Le vote majoritaire des Irlandais en faveur du « NON » au traité de l’Union européenne (dit traité de Lisbonne), qui était une copie conforme du traité constitutionnel européen déjà rejeté en 2005 par une majorité de Français et de Néerlandais, suscite naturellement de nombreux commentaires. Ceux qui émanent de la gauche ayant mené la bataille du « NON » en 2005 nous inquiètent car ils témoignent de profondes différences d’appréciation provoquant son éparpillement et son impuissance. Or la question européenne est centrale pour l’union des gauches : aucune grande force politique de gauche ne peut advenir sans une réévaluation complète de sa perspective européenne. C’est pourquoi nous souhaitons nous adresser aux dirigeants et aux électeurs de la gauche en leur faisant part de nos réflexions.

En prenant connaissance des analyses et prises de position des uns et des autres, cinq questions cruciales méritent, selon nous, un approfondissement du débat :

quel sens politique donner au « NON » irlandais ?
faut-il se fixer pour objectif d’aménager la cadre actuel de la construction européenne ?
faut-il un nouveau traité ?
faut-il un processus constituant européen ?
comment poursuivre les mobilisations « pour une autre Europe » ?
Les deux porte parole du M’PEP considèrent que le résultat du référendum irlandais ne traduit aucune perspective politique autour de laquelle la gauche française ou européenne pourrait se rassembler. La grande diversité des motivations du vote « NON » ne permet pas de porter un jugement global sur ce scrutin, hormis une forte et juste exigence de souveraineté nationale et populaire des Irlandais.

Une « autre Europe », avec ou non une constitution européenne au contenu progressiste, est rigoureusement impossible dans le cadre politique et idéologique actuel de l’Europe. Les gouvernements sont très à droite, et quand ils ne le sont pas ils sont socio-libéraux. En cela ils ne font que refléter les opinions publiques en Europe. Dans ces conditions, une constitution européenne ou un nouveau traité n’auraient aucune chance d’être progressistes. Sauf si on croit à la chimère selon laquelle il serait possible d’élaborer des textes constitutionnels « neutres », faisant abstraction de tout contenu idéologique.

Toutes les hypothèses dont les deux porte parole du M’PEP font la revue sont inopérantes. La plupart des dirigeants de la gauche doivent comprendre que le mythe européen est arrivé à son terme, ce dont témoignent particulièrement les trois référendums où le « NON » l’a emporté.

Il faut que toute la gauche s’y fasse et le reconnaisse : l’Union européenne actuelle n’est pas un cadre aménageable. Elle est à déconstruire pour que les peuples réapprennent à disposer d’eux-mêmes tout en retrouvant les voies de la solidarité internationale. L’idée même d’une « autre Europe » est devenue obsolète dès lors que l’oligarchie rejette la démocratie. Elle est en train de bâillonner les peuples d’Europe, elle est un garrot, un noeud coulant qui étouffe l’espoir. Cette Europe ne sera jamais sociale, ni démocratique, ni féministe, ni écologique.

La grande perspective qui s’offre aujourd’hui, enthousiasmante, passe donc par la sortie de l’Union européenne et la construction d’une Europe à la carte, ou à géométrie variable, fondée notamment sur les principes de la Charte de La Havane. C’est plus démocratique, efficace, réaliste et sérieux !

VOTE « NON » IRLANDAIS : DECLARATION DE JACQUES NIKONOFF ET MICHELE DESSENNE

Michèle Dessenne et Jacques Nikonoff sont porte parole du Mouvement politique d’éducation populaire (M’PEP)

Après le vote NON irlandais, une clarification politique à gauche est nécessaire

1.- Quel sens politique donner au « NON » irlandais ?

Pour le Parti communiste français (déclaration du 13 juin 2008), le peuple irlandais « a su par son vote rejeter la mise en concurrence effrénée des salariés, la pression sur les dépenses publiques et les salaires, le sacrifice des services publics, la militarisation de l’Union européenne. […] Le non irlandais est porteur de la promesse d’un nouvel avenir pour l’Europe. Engageons-nous dans cette voie. »

De son côté, dans une déclaration (13 juin 2008), Olivier Besancenot de la Ligue communiste révolutionnaire estime que le résultat de ce référendum démontre que « Le breuvage libéral est imbuvable pour les peuples car il signifie destruction de tous les droits sociaux et alignement par le bas de la législation européenne. »

En ce qui nous concerne, nous considérons que le résultat du référendum irlandais ne traduit aucune perspective politique autour de laquelle la gauche française ou européenne pourrait se rassembler. La grande diversité des motivations du vote « NON » ne permet pas de porter un jugement global sur ce scrutin, hormis une forte et juste exigence de souveraineté nationale et populaire des Irlandais.

Cette diversité des motivations du vote en faveur du « NON », recouvrant parfois de fortes contradictions, doit être analysée objectivement. C’est pour n’avoir pas procédé à une telle analyse des contradictions du « NON » français en 2005, que la gauche de gauche, pour une part, a connu le naufrage des deux années qui ont suivi. En 2005 comme aujourd’hui, il est, si on s’intéresse aux faits, inexact de dire ou de laisser entendre que le contenu de ces deux votes « NON » - et même trois avec le vote néerlandais - était seulement antilibéral comme le font le PCF et la LCR.

La victoire du « NON » irlandais, comme les deux précédents, comporte des raisons contradictoires. Ces contradictions sont apparues dans l’éventail des forces qui ont fait campagne pour le « NON », et, par conséquent, dans les motivations de ces dernières.

Les forces du « NON » en Irlande étaient composées d’une quinzaine d’organisations aux objectifs politiques et idéologiques radicalement différents : quelques petites organisations politiques de gauche et d’extrême gauche ; deux ou trois syndicats ; le Sinn Fein qui est un parti de gauche républicain et indépendantiste ; l’association Libertas qui regroupe des employeurs ; des conservateurs rassemblés dans le groupe Coir et des catholiques intégristes. Le seul sujet sur lequel ces organisations étaient d’accord était le vote « NON » pour garantir la souveraineté nationale. Une fois celle-ci garantie, ces groupes ont vocation à reprendre le combat qu’ils se mènent en matière de politique intérieure.

Concernant les raisons du vote « NON », la même diversité peut être observée :

  • Texte que le gouvernement n’a pas voulu diffuser dans son intégralité au motif qu’il était « trop compliqué », que les électeurs « ne vont pas comprendre ». Il est vrai qu’avec 267 pages, 296 modifications, 12 protocoles, 51 déclarations, 3 000 pages avec les annexes, au lieu d’avoir été « simplifié », ce traité a été complexifié…
  • Des maladresses : Brian Cowen, premier Ministre, a avoué n’avoir pas lu le traité dans sa totalité. Le commissaire européen irlandais Charlie McCreevy a annoncé qu’il fallait être « fou » pour lire le traité entièrement…
    Refus de débattre du contenu du traité.
  • Déficit démocratique de l’Union européenne.
  • Perte d’un commissaire européen pour l’Irlande par rapport au traité constitutionnel.
  • Les employeurs membres de l’association Libertas ont trouvé -* le traité trop contraignant.
  • La gauche l’a trouvé trop libéral.
  • Les conservateurs du groupe Coir et les catholiques intégristes ont trouvé que le traité autoriserait l’avortement, favoriserait la prostitution, légaliserait le mariage homosexuel…
  • Les pacifistes ont craint pour la neutralité historique de l’Irlande.
  • Inquiétudes liées à la libre concurrence.
  • Menaces pour les services publics et les droits des travailleurs.
  • Le Sinn Fein et Libertas ont mobilisé contre le risque d’un relèvement des impôts (cette association de chefs d’entreprise a eu peur d’un relèvement de l’impôt sur les sociétés qui est de 12,5 % actuellement).

Le contenu antilibéral du vote « NON » est donc réel, mais il ne constitue qu’une partie des raisons de ce vote, sans que l’on sache pour l’instant dans quelle, proportion. En tout cas il est parfaitement clair que ce n’est pas, dans son intégralité, un vote contre le néolibéralisme. Constater que ce fut « un vote de classe » car le « NON » a obtenu plus de 65 % des voix dans les quartiers populaires ne change rien au problème. Parmi ce vote « de classe », on peut parier que les études politiques qui seront menées ultérieurement montreront que parmi les ouvriers et employés qui ont voté « NON », une proportion non négligeable ne l’a pas fait par antilibéralisme, mais sur des bases très conservatrices, notamment religieuses.

La gauche française et européenne doit donc faire une analyse sérieuse du vote « NON » irlandais. Si elle procède à cet examen, elle se rendra compte que les Irlandais n’ont pas exprimé de perspective politique qui pourrait s’incarner dans le désir d’une autre Europe et autour de laquelle il serait possible de se rassembler. Il existe néanmoins une leçon à retenir : malgré la diversité de ses motivations, la raison commune au vote « NON », son tronc commun, est l’exigence du respect de la souveraineté populaire et nationale.

2.- Faut-il se fixer pour objectif d’aménager la cadre actuel de la construction européenne ?

Plusieurs déclarations de dirigeants de gauche semblent aller dans cette direction :

Henri Emmanuelli, dirigeant du Parti socialiste qui avait participé à la campagne du « NON » en 2005 : « moi, je ne me réjouis pas des difficultés de l’Europe, je constate simplement que ceux qui la gouvernent font fausse route ». Il réclame la démission du président de la Commission (Les Echos, 16 juin 2008) ;

Francis Wurtz, dirigeant communiste et président du groupe de la Gauche unie européenne (GUE) au Parlement européen : « Mettre le social au coeur du projet, associer effectivement les citoyens et les nations à l’élaboration, à l’évaluation et au contrôle des politiques » (L’Humanité, 14 juin 2008) ;
Laurent Fabius, dirigeant du Parti socialiste qui avait participé à la campagne du « NON » en 2005 : « Il va falloir désormais que tous les pays membres se réunissent pour trouver une issue. C’est la seule solution possible » (Le Parisien, 14 juin 2008) ;

Editorial de Patrick Le Hyaric, directeur de ce journal, dans L’Humanité du 16 juin 2008 : « Il est temps qu’élites européennes, chefs d’Etats, rois, reines, milieux patronaux, financiers et complexes médiatiques s’inspirent de la célèbre formule de l’écrivain irlandais Oscar Wilde : « On a conscience avant, on prend conscience après ». Qu’ils prennent conscience qu’on ne peut pas construire l’Union européenne à marche forcée sans les peuples et contre eux » ;

Marie-George Buffet : il faut « convoquer l’ensemble des parlements nationaux » et « redonner la parole aux citoyens et aux citoyennes d’Europe » ; « Je propose très concrètement que le président de la République, qui va être président de l’Union européenne à partir du 1er juillet, fasse la proposition lors du sommet européen, qu’on fasse une pause, qu’on n’applique pas ce traité et qu’on convoque l’ensemble des Parlements nationaux pour qu’ils organisent le débat dans les Parlements et avec les populations » (L’Humanité, 17 juin 2008) ;

Jean-Pierre Chevènement : il faut « Faire une Europe avec les peuples selon le principe de la géométrie variable » (Le Figaro, 17 juin 2008).

Faut-il réclamer la démission du président de la Commission, Jose-Manuel Barroso ?

Oui, pourquoi pas, c’est un ultralibéral qui vient de déclarer : « Le traité n’est pas mort, il est vivant » (Le Monde, 15-16 juin 2008). Or Monsieur Barroso s’arroge un pouvoir qu’aucun traité n’a confié à la Commission, puisque juridiquement le traité de Lisbonne est mort avec le « NON » irlandais : un traité n’a de valeur que s’il est adopté dans les mêmes termes par tous les pays.

Mais pour un Barroso de tombé, dix se lèveront ! La demande de démission de Barroso est légitime si elle ne constitue pas la seule et unique position de la gauche dans la situation actuelle. Elle ne serait alors qu’un coup d’épée dans l’eau et même une diversion par rapport aux enjeux autrement plus importants que la seule démission de ce personnage.

Faut-il mettre « plus de social et de démocratie » dans le « projet » européen ?

Bien sûr ! Tout le monde, d’ailleurs, est d’accord, de la gauche à la droite. Personne ne peut dire le contraire, et une telle affirmation n’engage pas vraiment à grand chose. La vraie question n’est pas là , elle est de savoir à quelles conditions c’est possible. Or tant la situation politique et idéologique actuelle au sein de l’Union européenne que les réalités juridiques des traités européens rendent cette aspiration légitime très peu probable.

Nous serons probablement tous d’accord pour reconnaitre que les 27 gouvernements qui composent l’Union européenne ne veulent pas renoncer au traité de Lisbonne. Ce traité, nous en conviendrons tous, non seulement n’est pas propice à l’épanouissement de politiques sociales et démocratiques, mais il vise au contraire à leur étouffement. Donc, avec le traité de Lisbonne, il n’y a rien à attendre dans ces domaines.

Il faudrait par conséquent un autre traité qui prenne en compte ces préoccupations. Comme les 27 gouvernements actuels de l’UE ne veulent pas de nouveau traité, il n’y a que deux solutions : soit les peuples concernés renversent leurs gouvernements, soit les gouvernements changent lors des prochaines élections. Des renversements de gouvernements sont toujours possibles, mais pour qu’ils aient un impact à l’échelle de l’Union européenne il en faudrait plusieurs à échéances rapprochées afin de créer une masse critique susceptible de peser sur l’orientation de l’Union européenne. Nous ne croyons pas à une telle stratégie qui ne repose que sur des chimères.

Reste la deuxième solution : les gouvernements dans les 27 pays de l’UE changent lors des prochaines élections, et de nouvelles équipes favorables à une Europe sociale et démocratique se mettent en place. C’est ce que nous espérons. Mais le chemin de croix ne sera pas terminé pour autant, car la signature d’un nouveau traité nécessitera l’accord dans les mêmes termes de tous les pays signataires. Qui peut croire, à horizon humain, qu’une telle configuration politique puisse advenir ? Et encore ne reste-t-on ici que dans le cadre étriqué des Vingt-Sept, sans évoquer, entre autres, l’entrée de la Turquie et de la Russie dans une forme d’union européenne.

Ces deux hypothèses - renversement des gouvernements et élections de majorités favorables à une Europe sociale et démocratique dans les 27 pays - sont donc toutes les deux parfaitement chimériques.

Elles sont, de surcroit, démobilisatrices. En effet, une telle stratégie revient à dire à chaque peuple de l’Union : « renversez votre gouvernement, ou changez de majorité lors de la prochaine élection, et attendez que les 26 autres peuples en fassent autant chez eux ». Et si les autres peuples ne le font pas, que fait-on ?

Bref, il existe tellement de conditions nécessaires pour mettre davantage de démocratie et de social dans le cadre actuel de l’Union européenne, que c’est le cadre lui-même qu’il convient de changer.

Faut-il que les Vingt-Sept se réunissent pour trouver une issue ?

Nous ne pensons pas que les 27 gouvernements actuellement en place en Europe soient aptes à trouver une issue favorable au progrès social et démocratique en Europe, à son indépendance et à la solidarité internationale. La seule issue qu’ils peuvent trouver - et c’est ce qu’ils ont annoncé - relève des combines, des artifices et des manoeuvres pour continuer à faire vivre le traité de Lisbonne alors qu’il est juridiquement mort.

Faut-il que les oligarques européens « prennent conscience » ?

Si les élites européennes prenaient conscience qu’elles font fausse route, comme de nombreux peuples de l’Europe le signalent maintenant depuis plusieurs années, il est probable que d’autres politiques seraient mises en oeuvre, davantage démocratiques et sociales. Mais le souhait formulé qu’elles prennent conscience laisse entendre que ces élites n’auraient pas conscience de la nature des politiques qu’elles mènent.

Nous ne partageons pas cette analyse. Nous pensons au contraire que les dirigeants de l’Union européenne et des gouvernements des Vingt-Sept savent très bien ce qu’ils font : mettre en oeuvre des politiques néolibérales. Il nous parait donc vain d’en appeler à leur prise de conscience.

Mais nous pourrions admettre, pour ne pas prêter le flanc à l’accusation de procès d’intention, que ces oligarques européens ne savent pas ce qu’ils font, qu’ils sont donc inconscients et que la tâche de la gauche est de leur faire prendre conscience. Après trois référendums - France, Pays-Bas, Irlande - franchement, nous ne voyons pas ce qu’il est possible de faire de plus pour accélérer cette prise de conscience. En réalité, plutôt que de prise de conscience, la question semble être davantage celle de la construction d’un rapport de forces suffisant pour faire bouger les lignes.

Faut-il convoquer les Parlements nationaux pour qu’ils organisent le débat en leur sein et avec les citoyens ?

Cette proposition serait judicieuse si l’Union européenne fonctionnait démocratiquement et si les gouvernements et les majorités parlementaires des Vingt-Sept voulaient « plus de social et plus de démocratie ». Or ce n’est pas le cas et cette proposition n’a aucune chance d’aboutir.

En premier lieu, personne n’est habilité à « convoquer » les Parlements, il leur revient - et c’est conforme à la démocratie - de s’autosaisir.

En second lieu, demandons-nous quels seraient les Parlements susceptibles de s’autosaisir pour débattre en leur sein de la situation créée après le vote « NON » irlandais et engager le débat avec les citoyens ? C’est difficile à dire, d’autant que le problème n’est pas vraiment là . Il ne suffit pas, en effet, que les Parlements débattent : il faudrait qu’ils agissent, et qu’ils agissent dans le bon sens ! Car il peut se trouver des Parlements qui débattent - et il y en aura probablement -, mais pour déboucher sur quoi ? Il est à peu près certain que tous les Parlements qui ont ratifié le traité de Lisbonne, ou qui ont soutenu leur gouvernement lorsque c’est ce dernier qui l’a ratifié, ne vont pas se dédire. Ils pourront débattre, mais rien ne changera.

Il suffit, d’ailleurs, de prendre les exemples des Parlements irlandais et français. En Irlande, sur 166 députés, 160 ont soutenu le « OUI » au traité de Lisbonne. Un débat dans cette enceinte ne donnerait rien de positif, si ce n’est la tentative de passer outre le veto du peuple. En France, le Congrès réuni à Versailles le 4 février 2008, a voté à une très large majorité la révision de la Constitution française préalable à la ratification du traité de Lisbonne. Ces parlementaires majoritaires ont ainsi commis la forfaiture consistant à imposer au peuple français le traité rejeté par celui-ci en 2005. Que peut-on attendre d’une telle majorité parlementaire ?

Au total, la demande d’une convocation des Parlements nationaux n’apparaît pas comme une perspective politique crédible susceptible de mobiliser les forces progressistes européennes.

Faut-il construire une Europe à géométrie variable ?

C’est la perspective la plus simple, la plus efficace, la plus réaliste et la plus mobilisatrice de notre point de vue. Mais cette Europe « à la carte », ou à « géométrie variable », ne pourra pas se réaliser dans le cadre actuel de l’Union européenne. Qu’il s’agisse du traité de Lisbonne, si ce dernier est ressuscité par les dirigeants des Vingt-Sept, ou du traité de Nice qui resterait en vigueur en cas d’abandon du traité de Lisbonne, les « coordinations renforcées », appellation labellisée par l’UE pour évoquer une Europe « à la carte », « à plusieurs vitesses » ou « à géométrie variable », sont trop encadrées.

Ainsi dans le traité de Lisbonne le titre 4 est intitulé « Dispositions sur les coopérations renforcées ». Elles sont décrites dans l’article 10 :

« Les coopérations renforcées visent à favoriser la réalisation des objectifs de l’Union, à préserver ses intérêts et à renforcer son processus d’intégration. »

« La décision autorisant une coopération renforcée est adoptée par le Conseil en dernier ressort, lorsqu’il établit que les objectifs recherchés par cette coopération ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable par l’Union dans son ensemble, et à condition qu’au moins neuf Etats membres y participent. »

Par ailleurs l’article 280A stipule : « Les coopérations renforcées respectent les traités et le droit de l’Union. Elles ne peuvent porter atteinte ni au marché intérieur ni à la cohésion économique, sociale et territoriale. Elles ne peuvent constituer ni une entrave ni une discrimination aux échanges entre les Etats membres ni provoquer de distorsions de concurrence entre ceux-ci. »

L’article 280D indique : « L’autorisation de procéder à une coopération renforcée […] est accordée par le Conseil, sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen.  »

Enfin, l’article 280I précise : «  Le Conseil et la Commission assurent la cohérence des actions entreprises dans le cadre d’une coopération renforcée ainsi que la cohérence de ces actions avec les politiques de l’Union, et coopèrent à cet effet.  »

Il est donc tout à fait clair que si des coopérations renforcées sont possibles avec le traité de Lisbonne, elles sont très fortement encadrées et ne sauraient remettre en cause par exemple les dogmes de la concurrence libre et non faussée ou le libre-échange. Si plusieurs pays de l’UE actuelle voulaient appliquer entre eux, dans le cadre de « coopérations renforcées », les principes de la Charte de La Havane, et particulièrement les clauses qui autorisent à moduler les droits de douane selon la conjoncture, ils ne pourraient pas le faire. Une Europe à géométrie variable n’est donc possible qu’en dehors du cadre actuel de l’Union européenne.

3.- Faut-il un nouveau traité ?

Cette demande est faite par le Parti communiste français dans un communiqué du 13 juin 2008 : « La présidence française qui s’ouvre dans quelques jours doit proposer d’arrêter le processus de ratification et d’engager l’élaboration d’un nouveau traité fondateur de l’Union européenne sur de tout autres bases et dans de tout autres formes, rompant avec celles qui la conduisent de crise en crise. »

Un tel traité, bien évidemment sur des bases sociales et démocratiques avancées, n’est malheureusement pas possible dans le contexte idéologique et politique actuel de l’Union européenne. Il est difficilement envisageable de croire que des dirigeants comme messieurs Berlusconi, Sarkozy, Brown ou Madame Merkel acceptent de mettre entre parenthèse la mise en oeuvre de leurs politiques néolibérales, pour bâtir un « nouveau traité » qui en ferait abstraction. Peuvent-ils devenir progressistes quand ils sont à Bruxelles, alors qu’ils sont néolibéraux et réactionnaires quand ils sont à Paris, Rome et Berlin ? Qui pourrait croire une chose pareille ? On pourra toujours dire « c’est aux peuples de l’imposer » ! Certes ! Mais un tel rapport de force ne semble pas à portée immédiate de la gauche européenne.

Par ailleurs, ce nouveau traité doit-il se conclure avec les mêmes 27 pays, ou doit-il intégrer notamment la Russie et la Turquie ?

Au total, la demande d’un nouveau traité, formulée implicitement sans la Turquie et la Russie, n’apparait pas comme une perspective politique crédible.

4.- Faut-il un processus constituant européen ?

Un tel processus comporte deux possibilités : créer une assemblée constituante à l’échelle européenne (LCR) ; donner un mandat constituant au Parlement européen élu en 2009 (certains Verts et Jean-Luc Mélanchon du Parti socialiste) :

Pour la Ligue communiste révolutionnaire d’Olivier Besancenot (13 juin 2008) : « Personne ne fera l’économie d’un grand débat à mener avec les populations sur quelle Europe construire. Ce débat doit mener à l’élection d’une assemblée constituante, élue sur la base d’une proportionnelle intégrale. » Le porte parole de l’organisation trotskyste précisait (L’Humanité, 14 juin 2008) : « La seule voie pour permettre la construction d’une autre Europe est l’élection, sur la base du suffrage universel, d’une Assemblée constituante européenne qui aurait pour mandat de discuter de la constitution d’une nouvelle Europe » ;

Cécile Duflot (secrétaire nationale des Verts) s’interroge (L’Humanité, 14 juin 2008 : « Pourquoi ne pas donner un mandat constituant au Parlement européen qui sera élu en 2009 ? » ;
Jean-Luc Mélenchon (AFP, 13 juin 2008) propose lui aussi de « donner un mandat constituant au Parlement européen, qui sera élu l’an prochain, de rédiger un nouveau traité d’organisation des pouvoirs » en Europe.

Une assemblée constituante européenne ?

La proposition de la LCR nous parait démagogique et dangereuse pour les raisons suivantes :

aucune force n’existe en Europe pour porter un tel projet ;
on ne peut mettre en place une assemblée constituante dans un pays contre l’avis du gouvernement ou même du Parlement de ce pays ;

le cadre politique et idéologique actuel de l’Europe, très conservateur, rend peu probable cette éventualité ;
la complexité des problèmes à résoudre rend difficilement envisageable, même à moyen et plus long terme, une telle perspective ;

il serait quasi impossible de se mettre d’accord sur le périmètre de cette nouvelle Europe.
Il n’existe pas de forces, dans chacun des 27 pays membres, susceptibles de porter victorieusement une telle perspective politique. La réalité politique et idéologique dans l’Europe des Vingt-Sept est celle d’une absence générale de débat sur les questions européennes, comme il a été possible de le vérifier lors des référendums de 2005 sur le traité constitutionnel. Dès lors, créer une dynamique politique autour de la désignation de représentants à une hypothétique assemblée constituante européenne n’aura aucune existante pratique. Il s’agit plutôt d’un slogan que d’une perspective crédible ayant la moindre chance de déboucher.

On ne peut mettre en place une assemblée constituante dans un pays contre l’avis du gouvernement ou même du Parlement de ce pays. Or les gouvernements et les Parlements des Vingt-Sept veulent conserver le traité de Lisbonne. On ne voit donc pas comment, et quand, il serait possible, dans chacun des 27 pays qui composent actuellement l’UE, de mobiliser les citoyens pour faire revenir les gouvernements sur leur décision. L’éventualité d’une telle dynamique est proche de zéro. Il faudrait attendre les prochaines élections pour que de nouvelles équipes soient élues avec le mandat d’aller vers une constituante européenne.

En outre, une constitution européenne au contenu progressiste est rigoureusement impossible dans le cadre politique et idéologique actuel de l’Europe. Les gouvernements sont très à droite, et quand ils ne le sont pas ils sont socio-libéraux. En cela ils ne font que refléter les opinions publiques en Europe. Dans ces conditions, une constitution européenne n’aurait aucune chance d’être progressiste. Sauf si on croit à la chimère selon laquelle il est possible d’élaborer des textes constitutionnels « neutres », faisant abstraction de tout contenu idéologique. Prenons l’exemple de la laïcité. Certains pays sont très catholiques, comme la Pologne. Il sera donc hors de question d’inclure la laïcité comme principe constitutionnel. D’autres pays (dont encore la Pologne), sont contre l’avortement. Par conséquent, ce droit ne pourra pas être constitutionnel. Mais que restera-t-il d’une telle constitution ? Et à quoi servira-t-elle ?

Cette perspective, compte tenu de son extrême complexité, est également difficilement envisageable à moyen et plus long terme. Comment mobiliser les peuples ? C’est particulièrement le cas des pays dans lesquels la constitution interdit le référendum comme en Allemagne. Cela signifie que les représentants de ces pays à une éventuelle constituante ne pourront pas demander d’inclure des droits qui ne seraient pas reconnus dans leur propre constitution. Il faudrait préalablement que des mobilisations se développent dans les pays pour inclure dans leur constitution un droit à référendum. A moins - et ce serait logique dans la conception d’une constitution - que la constitution européenne ainsi conçue soit placée au sommet de la hiérarchie des normes juridiques dans chaque pays et qu’elle s’impose aux pays dépourvus de droit à référendum. Ainsi l’Allemagne dont la constitution ne prévoit pas de référendum, pourrait quand même en organiser grâce à la constitution européenne. Ce scénario manque totalement de crédibilité.

Une assemblée constituante européenne éprouvera les plus grandes difficultés à définir le périmètre de l’ « Europe ». Ce dernier se limitera-t-il au périmètre actuel des 27 ou ira-t-il au-delà  ? S’il se limite aux 27, qui prendra la décision ? Le Conseil ? Le Parlement européen ? Des référendums dans chacun des 27 pays ? Mais comment faire pour tenir des référendums dans des pays dont la constitution l’interdit ? Et que se passera-t-il si l’un des 27 pays refuse de participer au processus constituant ? Tout s’arrête ? Tout continue ? Qui décide de s’arrêter ou de continuer ? Bref : qui décidera du périmètre de cette Europe ? Tous les pays situés géographiquement dans cet espace pourraient-ils s’inscrire, ou y aurait-il une sélection ? Si une sélection existe, de qui sera composé le comité de sélection, et qui le nommera ? S’il n’y a pas de sélection, la Turquie et la Russie, pour ne prendre que ces deux exemples, feront donc partie des pays habilités à tenir des assemblées constituantes ?

L’idée d’une assemblée constituante européenne jouera comme une diversion. Les débats seront pollués par des questions juridiques qui risquent de faire passer au second plan les politiques néolibérales. La masse de la population aura beaucoup de difficultés à s’inscrire dans un tel processus, jugé éloigné de ses préoccupations, complexe et peu crédible.

Si, d’aventure, malgré tous ces obstacles, une constitution européenne advenait dans un délai assez bref, elle serait dominée par des idées très conservatrices. Car cette assemblée constituante européenne que propose la LCR serait composée au prorata de la population de chaque pays, et pour les délégués de chaque pays par une représentation proportionnelle des courants politiques de ces pays. Avec une telle configuration, que se passerait-il ? Nous aurions une représentation politique proche de celle du Parlement européen actuel qui est élu à peu près dans les mêmes conditions. On connaît donc déjà , quasiment, les conclusions des débats d’un tel cénacle.

Donner un mandat constituant au futur Parlement européen ?
La deuxième proposition d’un processus constituant européen consiste à donner un mandat constituant au Parlement européen qui sera élu en juin 2009. Si cette proposition est moins démagogique que la précédente, elle manque néanmoins de beaucoup de réalisme et présente les mêmes risques de complexité, de diversion et de danger.

La notion même de « mandat » au Parlement européen n’est pas crédible ni recommandée. Elle n’est pas crédible car à un an des élections européennes, alors que le processus de ratification du traité de Lisbonne n’est pas encore terminé, on ne voit pas quelle serait l’autorité susceptible de « donner » un tel mandat au futur Parlement européen. Seul le Conseil, malgré l’absence de toute référence juridique, pourrait éventuellement prendre une telle initiative politique. Mais elle ne serait pas recommandée, car elle reviendrait à dicter au Parlement ce qu’il devrait faire. Admettons qu’un processus constituant démarrant dans ces conditions serait mal parti ! En réalité, seul le Parlement européen lui-même peut s’autosaisir et se déclarer assemblée constituante. Mais il commettrait-là un coup d’Etat, puisque ni les traités européens en vigueur, ni le règlement du Parlement européen n’envisage cette hypothèse. De surcroit, ce coup d’Etat ne reposerait sur aucune légitimité populaire puisque les députés y auraient été élus sans ce mandat. On le voit, cette affaire est viciée dès le départ et n’a que peu de chance de se concrétiser. Elle mérite donc d’être abandonnée.

Mais malgré le peu de vraisemblance qu’aurait la transformation du Parlement européen en assemblée constituante, admettons que ce soit le cas : l’Union européenne serait bouclée. Puisque le Parlement européen ne sera composé en 2009 que des représentants des Vingt-Sept pays membres de l’UE, aucun autre pays ne pourrait participer à ce processus constituant. Implicitement, en effet, le cas de la Turquie et de la Russie serait réglé, ces deux pays resteraient à la porte de l’UE. Pourquoi ?

Toujours dans l’hypothèse improbable où ce Parlement érigé en constituante accoucherait d’une constitution, celle-ci ne pourrait qu’être réactionnaire. Le Parlement européen élu en juin 2009, en effet, ne devrait pas être fondamentalement différent de celui élu en 2004. Il serait donc composé d’une majorité favorable au système - droite, socio-démocrates et chrétiens-démocrates -, dont on se demande comment elle pourrait produire une constitution progressiste. Il faut graver dans nos mémoires que le 20 février 2008 le Parlement européen approuvait le traité de Lisbonne et que le 13 février 2008, il rejetait à une écrasante majorité un amendement demandant que le Parlement européen « s’engage à respecter le résultat du référendum irlandais » sur le traité de Lisbonne. Qui peut croire qu’une assemblée constituante, composée exactement des mêmes courants politiques européens, aurait une attitude différente et qu’elle pourrait accoucher d’une constitution progressiste ?

Les complications juridiques seraient innombrables, aggravant le fossé entre les peuples d’Europe et les élites européennes. Par exemple, que se passerait-il si le Parlement européen était majoritairement favorable à une constitution, et que les députés européens d’un pays donné soient majoritairement contre ? On impose quand même cette constitution au pays dont les députés européens se sont prononcés contre ? Et comment ratifier cette « constitution » ? Considère-t-on que le Parlement européen incarne la souveraineté populaire et qu’il est inutile d’organiser des référendums de ratification ? Et que se passerait-il en cas de rejet de cette constitution à la suite d’un référendum dans un pays ou de désaccord d’un Parlement national ?

Le Parlement européen manque de légitimité. Depuis 1979, date de la première élection européenne, il est de plus en plus mal élu sous l’effet de la désaffection des électeurs provoquée par les politiques « européennes ». En outre, les députés européens n’ont jamais été élus sur des programmes européens mais sur des préoccupations nationales, ôtant ainsi à ce Parlement toute possibilité d’incarner un intérêt général européen. Historiquement, le Parlement européen a toujours été plus réactionnaire que certains gouvernements, et les perspectives pour son élection de juin 2009 sont les mêmes : une hégémonie du condominium Parti socialiste européen/Parti populaire européen. Chacun doit conserver en mémoire la date du 20 février 2008 où ce Parlement a rejeté par 499 voix contre 129 un amendement proposé par le groupe de la Gauche unie européenne (GUE) demandant le respect du vote du peuple irlandais. Comment un Parlement qui se place au-dessus de la souveraineté populaire et qui viole les traités pourrait-il devenir une assemblée constituante ?

Au total, une constitution européenne, quelle que soit la formule - assemblée constituante ou mandat constituant donné au Parlement européen -, dans le contexte idéologique et politique actuel de l’Europe, contribuerait à désarmer un peu plus les forces de résistance à l’ordre néolibéral. Les forces sociales opposées aux politiques néolibérales, qu’il s’agisse de syndicats, d’associations, de partis, trouvent aujourd’hui des points d’appui seulement dans les institutions et le droit national. Une constitution européenne les précipiterait dans le vide... S’engager dans cette voie serait dissoudre les peuples et les nations d’Europe. C’est le rêve des oligarchies qui se réaliserait enfin : détruire, par exemple, la constitution française dont le préambule de 1946 traduit encore, dans notre droit et nos usages, la présence du rapport des forces de l’après-guerre et du Conseil national de la Résistance. Quel beau cadeau la gauche ferait à ces oligarques !

5.- Comment poursuivre les mobilisations « pour une autre Europe » ?

Toutes les hypothèses et propositions dont nous avons fait la revue sont inopérantes. La plupart des dirigeants de la gauche doivent comprendre que nous sommes arrivés à la fin du mythe européen dont témoignent particulièrement les trois référendums où le « NON » l’a emporté.

Depuis que la « construction » européenne existe, elle n’a permis aucun progrès social ni démocratique. C’est même l’inverse qui s’est produit : les systèmes de protection sociale, à coups de « directives », ont été progressivement démantelés. Quant à la démocratie, le complot des oligarques européens contre le suffrage universel devrait finir de convaincre ceux qui pouvaient encore entretenir des illusions sur la « construction » européenne. Comment des hommes et des femmes de gauche, inspirés par les valeurs de la Révolution française et le suffrage universel, pourraient-ils rester une minute de plus dans un système dictatorial qui vient de bannir le suffrage universel ! La gauche va-t-elle s’habituer à cette situation et y trouver des justifications ?

En outre, ce mode de « construction » européenne n’a fait qu’affirmer sa vassalisation vis-à -vis des Etats-Unis et son mépris pour les pays pauvres.

Finalement, la construction européenne n’a pas été la barrière protectrice qu’elle prétendait être contre les politiques de mondialisation qui frappent l’Europe de plein fouet.

Il faut que toute la gauche s’y fasse et le reconnaisse : l’Union européenne actuelle n’est pas un cadre aménageable. Elle est à déconstruire pour que les peuples réapprennent à disposer d’eux-mêmes tout en retrouvant les voies de la solidarité internationale. L’idée même d’une « autre Europe » est devenue obsolète dès lors que l’oligarchie rejette la démocratie. Elle est en train de bâillonner les peuples d’Europe, elle est un garrot, un noeud coulant qui étouffe l’espoir. Cette Europe ne sera jamais sociale, ni démocratique, ni féministe, ni écologique.

La grande perspective qui s’offre aujourd’hui, enthousiasmante, passe donc par la sortie de l’Union européenne et la construction d’une Europe à la carte, ou à géométrie variable, fondée notamment sur les principes de la Charte de La Havane. C’est plus démocratique, efficace, réaliste et sérieux !

Bien sûr, les interrogations ne vont pas manquer :

l’Union européenne n’aurait-elle pas permis la paix ?
sortir de l’Union européenne ne va-t-il pas provoquer un repli sur soi ?
ne serait-ce pas la marque d’une certaine arrogance et de nationalisme ?
le peuple européen existe bel et bien et ne serait-il pas illusoire de revenir en arrière ?
Contrairement à un mythe savamment entretenu, ce n’est pas l’Union européenne qui a permis la paix, mais la paix qui a permis l’Union européenne. Car c’est bien la victoire sur le nazisme en 1945 qui a permis, ultérieurement, de « construire » l’Union européenne. Celle-ci est de moins en mois pacifique puisqu’elle s’est ralliée à un dispositif militaire agressif conçu au moment de la guerre froide - l’OTAN - alors que plusieurs de ses pays membres sont embourbés en Afghanistan et en Irak. Ce dispositif militaire au service des Etats-Unis, essentiellement orienté contre la Russie et la Chine, est un facteur de risques pour la paix. Sortir de l’Union serait agir pour la paix en refusant cette logique menaçante.

Sortir de l’Union européenne n’est pas une stratégie seulement applicable à la France. Nous considérons que tous les pays, progressivement, devraient sortir de ce système monstrueux. Et le but n’est pas que ces pays se replient sur eux-mêmes, mais qu’ils rebâtissent des coopérations entre pays européens, sur les décombres de l’eurolibéralisme !

Cette stratégie de sortie de l’eurolibéralisme en quittant l’Union européenne est tout le contraire du nationalisme, c’est une démarche internationaliste. D’ailleurs le 18 juin 2008 le Parlement européen a adopté une directive sur l’immigration illégale, qui propose des normes communes sur le retour volontaire, la rétention, la réadmission et les mineurs. Elle a été appelée la directive de la « honte » et a fait l’objet d’interventions indignées des président Morales et Chavez. Qu’il faille légiférer sur les réfugiés demandeurs d’asile et sur l’immigration illégale est évident. Mais faut-il systématiquement le faire, sous prétexte de la « crise » économique, au mépris du droit des gens ? Cette directive n’est-elle pas la preuve d’un « euronationalisme » source de difficultés présentes et futures ?

Depuis des années les citoyens des pays européens se détournent de cette construction européenne. L’abstention aux élections du Parlement européen augmente, les partis populistes, nationalistes, et même d’extrême droite prolifèrent partout en Europe. Ce mépris du peuple, manifesté notamment par le refus de tenir compte du résultat des référendums, prépare les pires régressions qui ne manqueront pas d’advenir demain si les mêmes orientations prévalent. Les peuples ne peuvent que perdre confiance dans ceux qu’ils ont élus. C’est bien l’Europe actuelle qui prépare le protectionnisme, le populisme, la xénophobie…

Quant à l’existence ou non d’un peuple européen, tout dépend de la définition que l’on se fait de ce qu’est le peuple. En ce qui nous concerne, nous récusons l’existence d’un peuple européen car elle ne repose sur aucune réalité politique. Si on se demande ce qui fait qu’un peuple est un peuple, et non simplement une ethnie, une communauté, des croyants, les habitants d’un territoire, des entrepreneurs, un ensemble de consommateurs : c’est la politique. Un peuple est politique ou n’est pas. Or, à l’échelle européenne (du moins celle des Vingt-Sept), rien pour l’instant n’indique l’existence ni même la création en cours d’un peuple européen. Hormis quelques rares pays, essentiellement ceux dans lesquels se sont tenus des référendums, il n’existe même pas de délibération publique sur les questions européennes. Or un peuple, pour avoir une existence politique, ne peut qu’être composé de citoyens ; et une vraie citoyenneté impose une participation à la politique : conception, mise à jour et défense du contrat social incarné dans la Constitution ; élaboration de la loi comme expression de la volonté générale et garantie de l’Etat de droit ; implication dans la délibération publique ; participation au suffrage universel. Il s’agit d’autant d’éléments indissociables qui constituent les bases de la démocratie dans une visée universelle. La vraie citoyenneté est un engagement débordant les frontières de l’élite politisée pour s’investir dans les structures parallèles à l’appareil d’Etat que sont les syndicats, les partis, les associations, les collectifs militants les plus divers. Rien de tout cela n’est en gestation au niveau européen.

En fait, « Ce qui est certain, c’est que la volonté irréductible de l’Internationale est qu’aucune patrie n’ait à souffrir dans son autonomie. Arracher les patries aux maquignons de la patrie, aux castes du militarisme et aux bandes de la finance, permettre à toutes les nations le développement indéfini dans la démocratie et dans la paix, ce n’est pas seulement servir l’internationale et le prolétariat universel, par qui l’humanité à peine ébauchée se réalisera, c’est servir la patrie elle-même. Internationale et patrie sont désormais liées. C’est dans l’internationale que l’indépendance des nations a sa plus haute garantie ; c’est dans les nations indépendantes que l’internationale a ses organes les plus puissants et les plus nobles. On pourrait presque dire : un peu d’internationalisme éloigne de la patrie ; beaucoup d’internationalisme y ramène. Un peu de patriotisme éloigne de l’Internationale ; beaucoup de patriotisme y ramène. » (Jean Jaurès, L’Armée nouvelle, 1911).

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