La France bat, en ce printemps 2003, un record historique de
surpopulation carcérale, qui peut atteindre 200% dans certaines maisons
d’arrêt, avec plus de 4 personnes dans des cellules de deux. Nous
atteindrons bientôt 60 000 détenus pour 45 000 places, situation qualifiée
d’horreur de la république par un rapport parlementaire récent.
La seule réponse du ministère de la justice est un programme de
construction de 13 000 places supplémentaires de prison.
Pourtant, il ressort d’un rapport du 30 septembre 1999 du conseil des
ministres du conseil de l’Europe que l’extension du parc pénitentiaire
n’est pas une solution durable au problème de surpeuplement.
Le Syndicat de la Magistrature ne cesse de réaffirmer que la politique
sécuritaire menée depuis plusieurs années produit des dommages humains
irréversibles, en entraînant une augmentation exponentielle de la
détention provisoire, notamment à l’occasion des délais de renvoi imposés
lors des procédures de comparution immédiate. Par ailleurs, la durée
moyenne des peines prononcées par les tribunaux a doublé en 20 ans, et
l’inflation des coutes peines risque d’être aggravée par l’arsenal de
textes répressifs votés par le parlement depuis deux ans : création de
délits pénalisant, entre autres, les jeunes des banlieues, les nomades,
les S.D.F. et les prostituées ; élargissement des possibilités d’incarcérer.
Ces textes sont des bombes à retardement qui augmenteront encore le nombre
de détenus.
Cette situation a pour conséquence un taux de suicide en détention 6
fois plus élevé que dans le reste de la population, des violences
quotidiennes contre les surveillants et les co-détenus, et la détresse
des familles, privées de visites aux prisonniers, en raison de la
difficulté d’organisation des "parloirs". La jurisprudence de la Cour
Européenne des Droits de l’Homme a d’ailleurs estimé que les détenus
subissaient, en France, des traitements inhumains et dégradants
consécutifs à leur entassement dans une même cellule les obligeant à utiliser les toilettes dans la promiscuité .
La prison est d’autant plus inhumaine qu’elle est parfaitement
inefficace car l’objectif essentiel de la peine est la réinsertion du
condamné : le taux de récidive des personnes incarcérées est
considérable. La prison manque donc totalement son but, la réinsertion,
tandis que les mesures alternatives à l’incarcération, telles que la
libération conditionnelle sont un succès : presque 80% des bénéficiaires ne
récidivent pas. Mais aucune volonté politique, ni budgétaire n’ont été
menée pour la réinsertion, et les libérations conditionnelles ont diminué
de moitié depuis 1990, sous la pression d’une logique sécuritaire. De
même, il existe moins de 300 places en semi-liberté (mesure qui permet
notamment de conserver son travail) en région parisienne, alors qu’il en
faudrait au moins 4 fois plus.
La construction de nouvelles places de prison est donc un tonneau des
Danaïdes, qui conduira inéluctablement à remplir de nouvelles cellules.
Il est urgent de mettre en place de réelles alternatives à
l’incarcération, tant dans l’intérêt des détenus qu’au plus grand
bénéfice de la société, sauf à vouloir suivre l’exemple américain, celui
d’une société carcérale.
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