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dernière ligne droite de l’affrontement entre révolution et contre révolution, entre le futur et le passé.

Bolivie : l’apogée de la lutte des classes

Ce premier mai (2008) a été celui où, en Bolivie, on a assisté au paroxysme de la lutte des classes entre un bloc social des indigènes, paysans, travailleurs et pauvres des villes qui ont juré de défendre et d’approfondir le processus révolutionnaire dirigé par Evo Morales - le premier président indigène de l’Amérique latine - et le bloc colonial-bourgeois qui, appuyé par l’impérialisme étasunien, cherche à restaurer son pouvoir politique.

Mais le « jour des travailleurs » a été celui où se sont retrouvés le gouvernements socialiste et le peuple bolivien, unis aux autres gouvernements et peuples d’Amérique latine, devant « l’épreuve du feu », afin de bloquer une plus grande avancée des forces réactionnaires et faire échec à un processus. Echec dont les conséquences sur le continent seraient complexes, suivant ce qu’il ressort d’une lecture de la dernière réflexion du dirigeant historique de la Révolution cubaine, Fidel Castro.

« L’épreuve du feu » concerne les mouvements sociaux du vieux syndicalisme révolutionnaire rassemblé dans la Centrale Ouvrière Bolivienne (COB) et les partis de gauche qui ne sont pas en situation de gouverner pour répéter les erreurs stratégiques des décades 1970 et 1980 - face alors au gouvernements du militaire nationaliste et progressiste Juan Torres et celui du réformiste Hernan Siles respectivement - quand il n’ont pas identifié l’ennemi principal et qu’ils ont préparé le retour de la droite, mais aussi pour le gouvernement, le MAS et les mouvements sociaux indigènes et paysans qui ont la responsabilité d’impulser un grand rassemblement national et patriotique.

La présence du secrétaire exécutif de la COB, Pedro Montes, dans l’événement de la Place Murillo où Morales a nationalisé l’entreprise des Télécommunications (ENTEL), aux mains de la multinationale italienne Euro Telecom Internationale, et où il a approfondi le processus de nationalisation du pétrole, est un signal positif d’une alliance stratégique entre la totalité des classes défavorisée set le gouvernement.

Un point positif pour le futur

La confrontation de classe ne fait aucun doute. De fait, la montée ultime de l’affrontement entre révolution et contrerévolution, entre le futur et le passé, est apparue dans toute sa clarté entre août et décembre 2007, lorsque la pression des classes défavorisées a ouvert un passage, avec le plein appui du gouvernement, pour débloquer l’Assemblée Constituante qui pendant un an avait été virtuellement paralysée par les forces de droite.

Si la situation bolivienne actuelle devait avoir un précédant, ce serait ce moment de février et octobre 2003, lorsqu’un puissant soulèvement national et populaire a chassé le président Gonzalo Sánchez de Lozada, l’emblème du néolibéralisme. Là l’épreuve du feu a permis de mesurer ce que la mobilisation que les pauvres des villes et des campagnes est capable de déployer pour battre, en peu de temps, les plans de déstabilisation de la droite et de l’impérialisme.

Le bloc indigène-populaire, constitué au cours de décades de résistance anticoloniale et anticapitaliste, est obligé, pour garantir sa présence et son pouvoir, à serrer les rangs autour d’un gouvernement qui en deux ans et quatre mois lui a donné plus ce qu’en 182 ans d’histoire républicaine les classes dominantes lui ont refusé : l’accès à la santé, à l’éducation, et à la sécurité sociale.

Grâce à la solidarité révolutionnaire internationale de Cuba et du Venezuela, la Bolivie, avec sa population de 9 millions d’habitants, a reçu plus de 12 millions d’actes médicaux, plus de 250 000 personnes ont été opérées de la vue et plus de 12 000 vies ont été sauvées, en plus des 515 000 hommes et femmes à avoir été arrachées à l’obscurité de l’analphabétisme.

A ces conquêtes (dont seuls peuvent se rendre compte ceux qui vivent dans un pays comme la Bolivie - le plus pauvre en Amérique latine après Haïti - ou qui le connaissent en profondeur) il faut encore ajouter la Rente de la Dignité qui a bénéficié à plus de 700.000 anciens, et le bon « Juancito Pinto » pour les enfants en âge d’aller à l’école jusqu’au sixième grade et que le président Evo Morales a promis d’augmenter les prochaines années jusqu’au huitième grade.

Mais la récupération par l’état d’ENTEL ce premier mai enjoint les classes défavorisées, face à un tel défi, d’appuyer le gouvernement dans sa volonté de poursuivre la nationalisation des hydrocarbures, réalisée le premier mai 2006 à travers le contrôle majoritaire de quatre entreprises - Chaco, Andina, Transredes et CLHB - que le néolibéral Sánchez de Lozada avait livrées aux transnationales .

Ils ne veulent rien partager, même pas le minimum

En face, les classes dominantes, qui ont trouvé dans les organisations civiques les substituts à leurs partis politiques affaiblis sinon inexistants, sont en pleine offensive sous la bannière des autonomies pour liquider toute possibilité de construire une société non capitaliste, « socialiste communautaire », comme l’a dit Evo Morales aux Nations Unies il y a peu.

La contre offensive contre le processus bolivien est dirigée par une bourgeoisie agro exportatrice située dans le département oriental de Santa Cruz, à l’Est de La Paz, et par un groupe réduit de familles, une quarantaine environ, qui concentrent plus de 75% de terre productives de ce département entre leurs mains

La droite, qui ne reconnaît pas la théorie de la lutte des classes mais qui l’applique à la perfection, sent qu’elle tient le bon bout et avance avec détermination, y compris jusqu’à la partition du pays, déjà elle sait comment aggraver la crise ou comment manoeuvrer pour retourner les FFAA contre le gouvernement, et elle s’est refusé à entamer le dialogue que les autorités ont proposé sous toutes les formes possibles.

Les motivations contrerévolutionnaires de la minuscule et dépendante bourgeoisie constituent un tout qui mêle ambitions politico-symboliques et intérêts économiques.

Dans un pays où la constitution des classes sociales a été marquée par un fort contenu raciste, les classes dominantes - blanches dans leur fondement et leur vision du monde - se refusent à accepter que la Bolivie, un pays pour lequel ils éprouvent un sentiment patrimonial, soit conduit par un indien. Le refus d’Evo Morales est aussi, sur le fond, le refus de la classe et de l’identité qu’elle porte.

Politiquement, le drapeau de l’autonomie qui occulte les intentions cachées séparatistes cherche à faire approuver un état qui s’attribuerait les compétences nationales pour les donner aux classes dominantes qui se sont constituées historiquement via le centralisme étatique. Il leur serait ainsi restitué le pouvoir politique qu’ils ont perdu partiellement depuis la prise de fonctions de Morales au Palacio Quemado.

Le gouvernement bolivien n’a pas rejeté la demande de plus d’autonomie mais, en plus de l’autonomie municipale qui existe déjà , l’a même amplifiée par l’Assemblée Constituante aux trois autres pouvoirs (régional, provincial et indigène), alors que le discours de l’opposition, amplifié par les moyens de communication, exacerbait le mensonge dans une espèce de guerre ou, comme dans toutes les guerres, la première victime est la vérité.

Economiquement, la rachitique bourgeoisie bolivienne voit avec préoccupation le processus de récupération étatique des ressources naturelles et les avancées que, parfois de manière contradictoire, le président Morales a réalisées pour renforcer le rôle de l’Etat dans l’économie et asseoir les bases d’une économie communautaire qui se caractérise par le dépassement de l’aliénation du travail.

Le programme gouvernemental, qui s’est mis en place peu de temps après l’arrivée de Morales au gouvernement et que l’on trouve décrit dans le texte constitutionnel approuvé à Oruro, reconnaît quatre types de propriétés : d’Etat, privée, communautaire et coopérative.

La Bourgeoisie installée en Bolivie, hautement dépendante du Capital transnational, n’est pas disposée à faire des concessions et se refuse y compris à admettre la possibilité de partager le pouvoir avec les classes défavorisées qu’elle exploite, comme toute bourgeoisie, pour se reproduire, mais qu’elle méprise aussi pour la couleur de sa peau et la nature de ses noms de famille.

Il ne faut pas être très soupçonneux pour se rendre compte que derrière cette offensive de classe, de dimensions internationales, on retrouve les Etats-Unis qui ne tolèrent pas la dignité et la souveraineté que « l’Indien Morales » a donné à son peuple qui aujourd’hui est appelé à faire preuve de sa grandeur et de son esprit indomptable.

2 Mai 2008

Hugo Moldiz, analyste, écrit pour l’hebdomadaire La Epoca de Bolivia.

Traduit par Danielle Bleitrach, révisée par le Grand Soir

Texte original en espagnol http://pcpe.es/wp/?p=667

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