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Travail, chômage, le temps du mépris, par Noëlle Burgi.








Le Monde Diplomatique, octobre 2007.


« Je m’appele victoria, j’habite dans ce bloque, je fais tout pour 2,50 euros. » Ces mots sont inscrits en minuscules au marqueur bleu à l’extérieur de la porte d’un ascenseur sur laquelle il est aussi possible de lire, gravé en majuscules au canif : « PORTE DE L’ENFER ». L’ascenseur dessert la plus haute tour d’un vaste complexe de logements sociaux situé dans un ancien bassin minier transfrontalier dans le nord de la France et dans le Hainaut belge. L’anthropologue et praticienne Pascale Jamoulle y a mené une longue enquête, s’immergeant dans les relations sociales de trois cités aux noms familiers et incitant à la rêverie : les Mimosas, les Amazones, le Phare. (...)


L’idée de malheur
rend opaque
l’injustice sociale
et empêche de la combattre.

La tension entre injustice et malheur est le prisme à travers lequel le débat public sur la souffrance sociale est implicitement organisé. La tendance dominante dans nos sociétés est d’y voir tantôt un malheur dû à des forces abstraites (les « contraintes objectives »), tantôt un défaut moral des victimes (paresse, manque de volonté, refus de s’intégrer dans le corps social). Ces interprétations ont pour point commun d’éluder la question de l’injustice sociale.

Naître dans l’environnement des cités est certainement un malheur, un coup du sort. Mais la multiplication des ghettos ou « quartiers » dans les sociétés occidentales riches et bien portantes n’en est pas un. L’extension des zones de vulnérabilité sociale renvoie bien à une injustice faite aux moins chanceux, serait-ce par un « système » sans visage, actionné par des mains invisibles si nombreuses que les intentions, les responsabilités et les chaînes de causalité se dilueraient dans la multiplicité des rapports de forces.

Parler de « malheur » pour désigner les cités est inapproprié, car l’idée de malheur attribue spontanément les causes des désastres sociaux ou des événements qui nous frappent aux forces de la nature, à des lois objectives indépendantes de la volonté humaine ; la notion induit celles de fatalité, de résignation, d’adaptation, de soumission à l’ordre du monde. Souvent implicite, notamment lorsque les institutions se contentent de renvoyer les victimes sociales au respect de l’ordre public, à leurs problèmes psychologiques, à leurs ressources psychiques, intimes et privées, l’idée de malheur rend totalement opaque l’injustice, empêche de la comprendre et d’en tirer les conséquences (1). (...)

De là les constructions identitaires de honte et de mépris de soi observées par Jamoulle dans les cités où règne la précarité : les sujets, inéluctablement déçus et « rabaissés », en viennent à se punir eux-mêmes. La honte interdit de s’ouvrir à autrui, de partager ses épreuves et ses peines. Les hommes fuient leur famille, se murent dans le silence et la dépression. Ils se réfugient dans l’errance, les conduites à risque et les psychotropes : « L’héroïne, au moins, elle ne trompe pas. » Dans les cas les plus extrêmes, les pères se suicident. Les jeunes filles s’automutilent : « Mon envie de mourir est venue à 6 ans. A partir de là , tous les jours, je voulais mourir. Et vers 15, 16 ans, j’ai mis en pratique. (...) Je me hais et je dois enlever ce qui fait qu’il y a tant de mains non désirées qui ont paralysé mon corps, qui ont fait de ma vie la mort. »

Si elle se solde généralement par l’adjonction de peurs et de souffrances à celles qui existent déjà , l’autoaccusation remplit aussi une autre fonction, a priori plus satisfaisante. Elle permet au sujet d’échapper à la fatalité d’une responsabilité sans visage trop dure à supporter, c’est-à -dire, au fond, au malheur de n’être qu’une victime aléatoire parmi d’autres dans un monde dénué de sens et de règles où les événements nous frapperaient arbitrairement. La culpabilité permet de conserver l’« illusion de la centralité », de nourrir l’idée que la vie nous aurait réservé un traitement singulier, que les émotions auraient un sens et que chacun de nous serait plus qu’une donnée statistique supplémentaire (2). (...)

- Lire l’ article www.monde-diplomatique.fr






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Point de non-retour
Andre VLTCHEK
LE LIVRE : Karel est correspondant de guerre. Il va là où nous ne sommes pas, pour être nos yeux et nos oreilles. Témoin privilégié des soubresauts de notre époque, à la fois engagé et désinvolte, amateur de femmes et assoiffé d’ivresses, le narrateur nous entraîne des salles de rédaction de New York aux poussières de Gaza, en passant par Lima, Le Caire, Bali et la Pampa. Toujours en équilibre précaire, jusqu’au basculement final. Il devra choisir entre l’ironie de celui qui a tout vu et (…)
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"De toutes les ironies exprimées par la politique étrangère américaine, notre position vis-à -vis de Cuba est la plus paradoxale. Une forte dégradation de la situation économique a provoqué une poussée du nombre de Cubains entrant illégalement aux Etats-Unis.

Nous faisons tout ce que nous pouvons pour détériorer la situation économique et ainsi accroître le flux. Nous encourageons également cet exode en accordant aux Cubains, qui arrivent illégalement ou qui s’approchent par voie de mer, un statut de résident et une assistance pour s’installer.

Dans le même temps, nous n’avons pas respecté les quotas de visas pour les Cubains désireux d’immigrer aux Etats-Unis [...] quand Castro tente d’empêcher des cubains malheureux de quitter leur pays infortuné, nous l’accusons de violer des droits de l’homme. Mais quand il menace d’ouvrir grand les portes si nous continuons à accueillir sans limites des cubains sans visas - y compris ceux qui ont commis des actes de violence pour aboutir à leurs fins - nous brandissons des menaces imprécises mais aux conséquences terribles. "

Jay Taylor, responsable de la section des intérêts américains à Cuba entre 1987 et 1990, in "Playing into Castro’s hands", the Guardian, Londres, 9 août 1994.

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