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La désinformation économique joue un rôle majeur dans l’élection française, par Mark Weisbrot - Center for Economic and Policy Research.








26 avril, 2007, Washingtonpost.com
2 mai, 2007, Courrier International


L’élection présidentielle française montre avec force comment une analyse économique erronée, et des problèmes d’arithmétique plus généraux, peut déterminer les idées et même l’avenir non seulement d’un pays mais d’un continent.

Les Etats-Unis ont fait face à une situation similaire lors du débat sur les retraites, où une majorité d’américains a été convaincue - par une tromperie autant verbale que comptable - que le système de retraite allait faire face à de sérieux problèmes financiers quand la génération du « baby boom » allait partir à la retraite. Ce qui est faux !

Le thème général de la campagne de Nicolas Sarkozy qui l’a propulsé en tête à l’issue du premier tour est que l’économie française serait d’une certaine façon « bloquée » et aurait besoin d’être réformée pour se rapprocher de celle des Etats-Unis. Il est également très largement admis que la France aurait besoin de devenir plus « compétitive » dans l’économie mondialisée, la concurrence étant devenue plus rude dans ce monde globalisé.

L’éditorialiste du New York Times Thomas Friedman est le principal défenseur de la thèse selon laquelle les travailleurs français doivent baisser leur niveau de vie à cause de la globalisation de l’économie. « Toutes les forces de la mondialisation s’attaquent aux états-providence européens » dit-il. « Les français essaient de préserver une semaine de 35 heures dans un monde où les ingénieurs indiens sont prêts à faire des journées de 35 heures ». Pour Friedman et autres « experts », c’est impossible.

Il est important de comprendre qu’il n’y a aucune logique économique derrière l’argumentaire selon lequel les citoyens d’un pays riche doivent réduire leur niveau de vie ou subir une baisse des programmes sociaux gouvernementaux à cause des progrès économiques des pays émergents. Quand un pays développé a atteint un certain niveau de productivité, il n’y a aucune raison économique devant obliger ses citoyens à baisser leurs salaires ou acquis sociaux, ou à les faire travailler plus, parce que d’autres pays sont en train de rattraper leur retard. Cette productivité -fondée sur le savoir-faire collectif du pays, sa compétence, sa capitalisation, et son organisation économique - demeure, et augmente même chaque année. La circonstance que la concurrence internationale est utilisée comme excuse par des groupes défendant des intérêts particuliers pour baisser le niveau de vie des travailleurs français, allemands ou américains - ce qui est le cas - démontre que les règles du commerce internationale ne sont pas écrites par les bonnes personnes. Cela révèle un déficit démocratique et non un problème inhérent au progrès économique.

Une autre erreur souvent faite dans ce débat est de comparer le revenu français par habitant à celui des Etats-Unis, une comparaison qui désavantage la France : $30.693 contre $43.144 pour les Etats-Unis (ajusté pour établir une parité entre les pouvoirs d’achat). Mais cette comparaison est injuste parce que les français travaillent moins d’heures que les américains. Les économistes ne disent jamais qu’une personne est moins bien lotie qu’une autre si elle gagne moins parce qu’elle travaille moins. Un meilleur indicateur du bien-être économique, si l’on doit faire une comparaison, est donc la productivité. Or, elle est aussi forte, voire plus forte, en France qu’aux Etats-Unis.

Il convient à ce stade de faire un peu d’arithmétique sur le fort taux de chômage en France chez les jeunes, lequel a déterminé la politique française et influencé l’opinion mondiale durant les émeutes des banlieues en 2005. La méthode standard de mesure des taux de chômage place les chômeurs dans le numérateur, et les chômeurs plus les non chômeurs dans le dénominateur (c/c+nc). Par cette méthode, les français mâles âgés de 15 à 24 ans ont un taux de chômage de 20,8%, comparé à 11,8% aux Etats-Unis. Mais cette différence est principalement due aux fait qu’en France il y a proportionnellement beaucoup plus de jeunes hommes absents du marché du travail - parce qu’un plus grand nombre d’entre eux sont étudiants et que les jeunes en France travaillent beaucoup moins à mi-temps quand ils font leurs études que les jeunes américains. Ceux qui sont absents du marché du travail ne sont comptés ni dans le numérateur ni dans le dénominateur des taux de chômage.

Une meilleure façon de comparer consiste donc à prendre le nombre de chômeurs et de le diviser par la population dans la tranche d’âge 15 à 24 ans. On obtient alors un taux de chômage américain de 8,3% contre 8,6% pour les français. On voit que les deux pays ont un sérieux problème de chômage chez les jeunes, lequel se concentre par ailleurs dans les minorités ethniques. Mais le problème n’est pas sensiblement pire en France qu’aux Etats-Unis.

Nicolas Sarkozy propose de rendre les licenciements plus faciles, de baisser les impôts (y compris ceux frappant les successions), de revenir en fait sur la semaine de 35 heures, ainsi que d’autres mesures qui favoriseront les salariés à revenus élevés et les chefs d’entreprises. Ces mesures redistribueront les revenus vers le haut, comme cela est le cas aux Etats-Unis depuis plus de 30 ans. Mais, encore une fois, il y a peu ou pas de preuves économiques que ces mesures créeront des emplois ou de la croissance.

Ségolène Royal propose quant à elle une série de mesures pour stimuler la demande à travers toute l’économie - y compris une augmentation du salaire minimum, des allocations de chômage et la création d’emplois publics. Tout ceci a un sens économique, puisque les mesures de madame Royal offrent au moins la possibilité - principalement en stimulant la demande dans son ensemble et le pouvoir d’achat des consommateurs - de créer des emplois.

Si, par cette élection, la France marque un tournant historique vers la droite, ce sera dû principalement à de la désinformation économique.

Mark Weisbrot est Co-Directeur du "Center for Economic and Policy Research" , à Washington, DC.


 Source : Center for Economic and Policy Research www.cepr.net/index.php




Le vrai Sarkozy : ce que les grands médias n’osent pas ou ne veulent pas dévoiler, par Marianne.

Ce que coûterait aux salariés la victoire de Sarkozy, par Jean-Jacques Chavigné.






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COMMENTAIRES  

04/05/2007 12:02 par Lisa

Pourquoi voulez-vous que monsieur Sarkosy s’encombre avec des discours sur son bilan,sur l’économie ou la politique étrangére ?Bush a prouvé que le meilleur garant de l’adhésion c’est la peur,la haine aussi.Tous les candidats utilisent cette méthode.Les élections c’est comme la star ac:C’est le plus culotté et celui qui fait le plus de bruit qui gagne.Les gens ne veulent plus réfléchir.

04/05/2007 19:06 par Anonyme

"Mais cette comparaison est injuste parce que les français travaillent moins d’heures que les américains. Les économistes ne disent jamais qu’une personne est moins bien lotie qu’une autre si elle gagne moins parce qu’elle travaille moins. Un meilleur indicateur du bien-être économique, si l’on doit faire une comparaison, est donc la productivité. Or, elle est aussi forte, voire plus forte, en France qu’aux Etats-Unis."

Contrairement à ce qui se dit en boucle en France et dans certains médias étrangers, au point que tout le monde reprend la chose comme un bréviaire :

1) Les Français font plus d’heures de travail (36,28 heures) que le britanniques (31,7 heures) , les Américains (moyenne 34H) et pas mal d’autres états , on confond là loi sur les 35 heures et heures de travail réellement effectuées . Voir le bon travail effectué ici :
http://travail-chomage.site.voila.fr/index2.htm

2) Oui les travailleurs français sont parmi les plus productifs du monde (avec 35 heures, avec charges sociales et tout ce qu’on veut).... Si la France est un des états étant la destination favorite des investissements des grandes entreprises internationales ce n’est pas pour rien ou parce que les patrons américains, japonais, russes, saoudiens, allemands, britaniques, etc, aiment le bon vin et aiment bien les Français...
C’est la productivité qui est recherchée et trouvée là , ainsi que les commodités d’exfiltration des bénéfices.

L’est où le problème ? Les travailleurs français sont plus mal payés et les actionnaires, patrons et bourgeois mieux et trop nourris.

Une propagande massive et permanente depuis une dizaine d’années a matraqué l’idée d’un travail trop couteux en France, de gens qui ne travaillent pas assez, cette propagande était mensongère pour l’essentielle , mais a permis à la bourgeoisie de Neuilly de trouver quelqu’un qui se coule dans le costume de ces prés-argumentaires et de trouver de l’autre côté des représentants de la gauche intériorisants également ces fariboles au point de demander qu’on s’attaque aux éléments de salaires indirects que sont les cotisations d’assurance maladie, de chômage et de retraites.

La désinformation a commencé également comme ça, une désinformation sociale.

Copas

07/05/2007 13:39 par A. DOMPER

Il est très difficile pour les électeurs de juger les chiffres qui touchent le secteur économique ;seuls quelques spécialistes peuvent ; rétablir la vérité à condition qu’ on leur donne la parole et c’ est bien l’ objet du problème de la désinformation. Cependant, il faut admettre que la défaite de S. ROYAL exprime le fait que les français ne veulent plus revoir les éléphants du PS aux commandes du pays,les Jospin, Fabius, Lang ou autres DSK ont plutôt desservi la candidate qui aurait du s’ entourer de jeunes socialistes pour marquer la rupture avec le passé.

09/05/2007 05:37 par Anonyme

Une analyse pertinente, dommage qu elle soit si rare, entant qu économiste je pensais vraiement que j’étais le seul à analyser les choses de cette façons, ce message donne envie qu’il soit diffuser largement sur le net via les email........... Merde ! j’oubliais c trop tard, le mal est djà fait !!! Les français ont choisie de favoriser la croissance économique en favorisant le retour des johnny et autres au pays, c vrai plus de riche = plus de capitaux au pays = plus de croissance, vue comme sa c simple ! je comprends pourquoi sarko nous promet le plein emploi dans cinq, il a simplement oublier de préciser que le nombre de travailleurs pauvres augmenterais, il y a des détails comme sa ......

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