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Mexico légalise l’avortement. Malgré Ratzinger, Gianni Proiettis.








Il manifesto, jeudi 28 avril 2007.


Mexico


Les manifestations furibondes de la droite cléricale et du Pan, le parti du gouvernement qui la représente, ne sont pas arrivées à bloquer la dépénalisation de l’avortement, approuvée mardi (24 avril 2007) avec 46 votes pour et 19 contre, par l’Asemblea del Distrito Federal, l’organe législatif de la capitale.

Après l’entrée en vigueur, le mois dernier, de la très civique « ley de sociedades de conviviencia », qui légalise les unions homosexuelles - mais en réalité n’importe quel type d’union de cohabitation- Mexico se confirme comme une île progressiste en Amérique latine. Et rejoint Cuba, Porto Rico et la Guyane, seuls pays de la région à ne pas criminaliser l’interruption de grossesse.

Alors que dans un premier temps, la majorité, représentée par le Prd, qui gouverne la capitale, par le Pri, par le Panal et par la Coalición Socialdemocrata, imaginait ajouter une cinquième clause -« quand la maternité compromet le projet de vie de la femme » - à celles qui y étaient déjà ( viol, malformation du foetus, danger de mort pour la mère, insémination artificielle non consentie), au dernier moment, on a opté pour dépénaliser complètement l’avortement dans les 12 premières semaines de grossesse, sans obligation d’aucune justification.

Pendant ces dernières semaines, le front anti-avortement, fort de l’appui du gouvernement fédéral et du haut clergé d’obédience vaticane, avait exacerbé le ton de la polémique, en lançant une croisade anachronique à base de spots télévisés -avec embryons retouchés qui sourient aux téléspectateurs -, d’argumentations pseudo scientifiques et manifestations amplifiées par les médias.

Mais les tonalités agressives, les menaces d’excommunication, les promesses de recours constitutionnels et, ces derniers jours, une lettre du pape Ratzinger qui manifeste son soutien aux évêques mexicains, ne sont pas été suffisants pour arrêter l’horloge de l’histoire, dans une ville où des milliers de femmes perdent la vie chaque année à cause d’avortements clandestins.

Au contraire, cela a mis en évidence l’hypocrisie de la droite au gouvernement, qui n’a pas de scrupule à exacerber la polarisation sociale, après la retentissante fraude électorale de juillet dernier, et ne semble pas se préoccuper du fait que la moitié des mexicains vit sous le seuil d’une angoissante pauvreté.

Les problèmes, en effet, sont tout autres dans un pays dévasté par le narcotrafic, dépourvu désormais de tout simulacre de souveraineté et en crise économique croissante. L’offensive contre la criminalité organisée, lancée par le gouvernement de Felipe Calderon, dans sa quête désespérée de légitimité, a provoqué jusqu "à présent plus de 800 morts en cinq mois ; et confirmé que le premier pouvoir du pays n’est certes pas celui du gouvernement. Le chômage rampant - alors que la principale promesse de campagne de Calderón avait justement été la création de nouveaux postes de travail - continue à expulser plus d’un demi million de mexicains par an vers les Etats-Unis, où ils émigrent clandestinement, en s’exposant à des persécutions, à l’exploitation et à des dangers même mortels.

Les seules dispositions visibles prises par Calderón pendant ses premiers mois de gouvernement, après avoir usurpé la présidence au candidat de la gauche Andrès Manuel Lopez Obrador, ont été une augmentation de salaire aux forces armées, utilisées pour réprimer les mouvements sociaux comme celui de Oaxaca, l’augmentation des prix des denrées de première nécessité - au premier rang desquels celui des tortillas, base de l’alimentation populaire- et une réforme bâclée du système de prévoyance sociale et des retraites ; ceci pour obtempérer les directives des organismes financiers internationaux et, évidemment, dans une subordination croissante au gouvernement et aux intérêts des multinationales. La concentration des monopoles a atteint de tels niveaux que le magnat Carlos Slim, actuellement intéressé dans l’achat de l’entreprise italienne Telecom, est passé, en deux mois seulement, de la troisième à la deuxième place chez les hommes les plus riches du monde. Selon la revue Forbes, le « philanthrope » mexicain a gagné quatre milliards de dollars en seulement 60 jours, grâce à la hausse de ses actions.

Dans ce contexte, la récente croisade anti-avortement dans la capitale ressemble plus à une manoeuvre de diversion qu’à une réelle bataille de principes. De fait, le gouvernement est en train d’examiner ces jours ci l’abrogation de la « ley de neutralidad » (loi de neutralité) qui, traditionnellement, interdisait au Mexique de participer à des entreprises guerrières hors de ses frontières. Grâce à cette loi, le pays, malgré sa subordination à son puissant voisin du Nord, était toujours arrivé à empêcher la présence de bases militaires Usa sur son territoire, et à éviter la participation directe aux guerres « antiterroristes » de Washington.

Jusqu’à présent il s’était limité au rôle de « pompiste » de l’empire, mais s’il abolit la « ley de neutralidad », sa participation aux aventures guerrières des Usa deviendra inévitable. Un cadeau de Calderón au président Bush pour son appui à son élection ?

Gianni Proiettis


 Source : il manifesto www.ilmanifesto.it

 Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio









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