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Nucléaire : Christian Bataille, député PS, part en guerre contre Ségolène Royal...

France Nature Environnement, vendredi 9 février 2007.

Nucléaire : Christian Bataille, député PS, part en guerre contre Ségolène Royal...

France Nature Environnement lui répond !

Dans sa réponse au pacte écologique de la Fondation Nicolas Hulot, Ségolène Royal s’engage à « augmenter la part des énergies renouvelables (avec un objectif de 20% de la production primaire d’énergie en 2020), à réduire la dépendance aux énergies d’origine fossile et à ramener la part de l’électricité d’origine nucléaire à 50% d’ici 2017 ». En outre, Ségolène Royal a récemment déclaré à l’association Stop Fessenheim qu’elle souhaitait la fermeture de la vieille centrale nucléaire de Fessenheim, mise en service en 1971.

Inquiet de tant d’audace, le lobby nucléaire a donc fait monter au créneau l’un de ses fantassins : Monsieur le député PS Christian Bataille. Ce dernier n’a pas hésité à publier un texte dans lequel il critique ouvertement la position de la candidate du Parti Socialiste.

Pierre Delacroix, Président d’honneur de France Nature Environnement a donc pris sa plume pour lui répondre au nom de la fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement.


 Photo : Ferme éolienne
www.greenpeace.org

Monsieur Christian BATAILLE,
Député du Nord

Bordeaux, le 8 Février 2007.

Monsieur le Député,

Je viens de prendre connaissance de votre point de vue sur l’arrêt des centrales nucléaires les plus anciennes évoqué par Madame Ségolène Royal, point de vue paru dans votre Bulletin « Energie & Politique » de Janvier 2007.

Je regrette profondément votre positionnement, et ceci pour plusieurs raisons.

Je prends acte, tout d’abord, de votre opposition frontale aux propositions de la candidate du PS, parti auquel vous appartenez. On ne peut qu’être surpris de vous voir ainsi aller à l’encontre des engagements de cette candidate, dont on pourrait supposer, a priori, que les membres de son Parti soutiennent les analyses. Je suppose qu’elle appréciera à sa juste valeur votre aide paradoxale à ses adversaires, dans le difficile combat qu’elle mène...

De fait, cela renvoie à vos propres positions sur le nucléaire proprement dit, déjà maintes fois exprimées à l’occasion de vos interventions, tant dans le cadre du Parlement que dans celui de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST)

Je souhaite tout d’abord faire faire quelques remarques de principe sur cet Office que vous présentez « naturellement » comme un garant de la vérité scientifique.

Or je crois qu’il est nécessaire, pour la compréhension des enjeux par nos compatriotes, de rappeler que cet Office n’est que la chambre de résonance des auditions que vous voulez bien y effectuer, et non un organisme scientifique en tant que tel, producteur d’études soumises à la critique de ses pairs scientifiques.

Cet organisme est donc capable de produire des synthèses, souvent fort intéressantes, mais qui dépendent, pour ce qui concerne leur crédibilité, des choix effectués parmi les personnalités ou parmi les organismes audités. La crédibilité de ce système, qui met sur la table de chaque parlementaire (aux frais de la nation) la synthèse de ces auditions, est donc fonction, et des choix d’audition, et des modalités de rédaction des rapporteurs.

Malgré le sérieux dont je ne doute pas avec lequel la plupart des rapporteurs et des membres du cet Office s’attachent à leur travail, je crains, grâce à la lecture et l’expérience que nous avons des publications de l’Office depuis de longues années, que l’enthousiasme de ses membres, voire leur fascination pour telle ou telle orientation technologique ou scientifique - en particulier s’agissant des technologies dites « les plus avancées » - ne l’emporte parfois sur l’objectivité.

Ainsi vous parlez des réacteurs nucléaires français en vantant leur entretien, leur fiabilité, et en martelant qu’ils peuvent durer quarante, et même cinquante ans sans poser de problèmes.

Il est pourtant inadmissible d’affirmer, comme vous le faites, quaucune raison technique ne justifie l’arrêt de l’un quelconque de ces réacteurs avant ses 40 années de service, ni à Fessenheim, ni ailleurs. En effet, les autorisations de fonctionnement sont délivrées pour 10 ans par l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), après une visite technique approfondie (visite décennale). Or, aucun réacteur n’a franchi à ce jour le cap de la 3eme décennale : les plus vieux (Fessenheim 1et 2) subiront cette visite en 2008 et 2009. La pression exercée ainsi par vos affirmations d’élu sur l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) est tout à fait scandaleuse.

Il faut cependant constater que l’Autorité de Sûreté Nucléaire n’a pas suffisamment souligné ce point : l’autorisation de fonctionnement dépend d’une analyse de sûreté approfondie, et ce n’est pas à EDF de prétendre que les réacteurs - même conçus pour 40 ans - ne seront pas stoppés si la sûreté l’exige. Les arguments médiatiques ou financiers ne sont pas recevables lorsque la sûreté est en jeu.

Il est dommage aussi que vous puissiez oublier de dire qu’au rythme où certains pays envisagent de développer le nucléaire, les experts considèrent que les réserves d’uranium représenteront environ une cinquantaine d’années. Somme toute, un répit limité.

Et après ? ITER, peut-être ? Quant aux autres experts, ils affirment que ce type de machine gigantesque et fort chère ne pourra jamais répondre aux besoins de l’humanité : il n’y a aucune énergie illimitée et gratuite.

Faut-il ajouter qu’il faut du culot, et une bonne dose d’oubli, pour affirmer qu’il n’y a eu et qu’il n’y a « aucun problème » dans les centrales françaises, quand on regarde de plus près les problèmes génériques posés depuis trente ans par ces réacteurs (les couvercles de cuves, les générateurs de vapeur, les problèmes de Civaux, etc), pour ne rien dire des incidents sérieux qui les ont affectés - telle l’inondation de certaines tranches de la centrale du Blayais en 1999, qui a révélé de sévères lacunes. Il faut de l’audace, aussi, pour affirmer que même la centrale de Fessenheim ne mérite pas d’être fermée, après les incidents dont elle a été le siège, et après qu’on l’ait vue arroser à la lance, lors de la canicule de 2003, pour en refroidir l’enceinte...

Enfin, il faut du culot, après avoir approuvé dans le passé le développement à outrance de la consommation d’électricité - en particulier en fermant les yeux sur les campagnes scandaleuses d’EDF en faveur du chauffage électrique intégré, la multiplication des éclairages urbains, de l’éclairage discutable des autoroutes,... - pour se plaindre ensuite de voir atteindre « des pointes exceptionnelles de consommation ». Encore oubliez-vous - pourtant, cela va se multiplier, en raison du réchauffement climatique - les mises en touche des centrales fluviales pour cause de canicules récurrentes... Il est vrai qu’il est plus facile - et cela demande moins d’effort d’anticipation aux parlementaires - d’appuyer sur le contact d’un climatiseur que d’inciter par une législation et une fiscalité intelligentes à la construction d’un habitat thermiquement équilibré.

Vous parlez aussi de la production nucléaire française, depuis des années, en soulignant sa contribution à l’indépendance énergétique nationale.

Vous ne devriez pas vous arrêter en chemin, mais rappeler que du fait d’une anticipation exagérée des futures consommations - en clair, en raison d’une énorme erreur de programmation - entre huit et dix de ces réacteurs nucléaires travaillent quasi-exclusivement à l’exportation - bon an, mal an, 70 TWh par an. Or comme parlementaire, vous n’ignorez pourtant pas que jamais le Parlement, ni dans ses délibérations, ni dans les missions qu’il a, dès sa naissance, assignées à EDF, n’a inscrit dans ses statuts et ses missions le devoir d’exporter de l’énergie.

De même, vous ne sauriez ignorer l’impasse actuelle dans laquelle se trouve la question du devenir des déchets nucléaires, comme l’a bien montré le Débat Public récent sur la question.

Vous n’ignorez pas davantage le risque accidentel attaché à cette technologie (dont Tchernobyl a souligné l’extrême gravité), un risque d’ailleurs clairement admis par Monsieur Claude Frantzen, Inspecteur Général de la Sûreté Nucléaire d’EDF, que j’ai côtoyé durant quelques années au sein du CSSIN, et qui écrivait (Rapport de Sûreté d’EDF 2001) « il faut oser nommer l’inacceptable » ...et s’y préparer.

Au final, votre silence sur tous ces aspects du nucléaire français souligne que pour vous, en tant que député français, il semble normal qu’EDF exporte de l’énergie vers des pays déficitaires de l’UE, tandis que ce sont les citoyens français qui prennent en charge et les risques accidentels, et les déchets nucléaires. C’est, à mes yeux, une singulière façon, pour un élu, de contribuer à la sécurité du territoire national.

Vous critiquez ensuite la proposition de Madame Royal de fermeture des réacteurs anciens, au motif que le coût de développement des énergies nouvelles ou renouvelables, supposées prendre le relais, est bien trop élevé.

Outre que cet argument ne semble pas freiner dans ce domaine nos voisins européens, c’est aussi un obstacle que vos collègues du Parlement n’ont jamais soulevé, à l’époque - c’est-à -dire depuis la fin de la 2ème guerre mondiale et surtout, depuis 1958 - où le budget de la nation a abondé tous les coûts de développement de l’énergie nucléaire en France, civile ou militaire, les deux étant, vous le savez mieux que quiconque, étroitement mêlés. Aujourd’hui encore, et alors même que tous les pays industriels s’efforcent de développer les énergies alternatives au pétrole, vous trouvez encore normal - puisque vous ne l’avez jamais contesté - que 90% du misérable budget « énergie » du minuscule Ministère de l’Ecologie soit consacrés au développement de la sûreté du nucléaire. En d’autres termes, vous critiquez aujourd’hui l’aide au décollage des alternatives énergétiques, après l’avoir jugée normale, s’agissant du nucléaire. Vous me permettrez de ne pas discerner la logique d’un tel positionnement et de m’en étonner...

Et après ça, vous osez trouver que les énergies renouvelables sont trop chères ? C’est paradoxal ! Encore une fois, on peut être surpris de voir nos voisins gérer apparemment sans difficulté un problème que vous grossissez à l’envie, s’agissant de notre pays.

Car vous faites le compte des lignes de raccordement que susciterait la création des innombrables éoliennes nécessaires pour remplacer l’énergie nucléaire. Mais vous oubliez simplement de comparer avec le coût de la formidable toile d’araignée des lignes Très Haute Tension (THT) qu’il a fallu construire pour assurer la distribution de l’électricité en France, du fait de la centralisation actuelle de la production, que vous et vos collègues n’avez jamais contestée.

Vous oubliez aussi les lignes THT internationales qu’a tirées ou que cherche à tirer EDF (ou aujourd’hui RTE) au delà des frontières, pour exporter les excédents d’énergie évoqués plus haut.

Il est vrai que là , l’argumentation du Parlement français est connue : pour les justifier, vous vous réfèrerez sans doute à l’Union Européenne qui « nous l’impose ». Comme pour tant d’autres sujets, l’Europe a bon dos, pour les parlementaires français : ici, elle est chargée, via les mécanismes du marché, d’habiller la « vocation exportatrice d’EDF » - elle est sa commode feuille de vigne, en quelque sorte. Cette façon de camoufler un problème par un autre est, selon moi, politiquement indigne. Parce que, comme pour tant d’autres élus français, ce double langage tend à fabriquer de l’europhobie, là où l’union, au contraire, devrait s’imposer.

Mais ne faut-il pas aussi rappeler le lamentable score national en ce qui concerne le développement des énergies renouvelables, comparé aux autres pays de l’Union Européenne ? Faut-il rappeler les usines de cellules photovoltaïques (Photowatt, Bourgoin-Jallieu) qui quittent le territoire, parce qu’en France, elles n’ont pas d’avenir ?

Faut-il rappeler l’absence quasi totale de développement des énergies marines dans une France dotée de milliers de kilomètres de côtes, alors que partout en Europe, en Norvège, en Ecosse, au Portugal, on multiplie expériences et installations ?

Faut-il rappeler les interdictions grotesques d’installer des éoliennes off-shore, votées par le Conseil Général de la Manche à l’instigation de votre collègue, le sénateur Legrand ?!

Faut-il rappeler enfin, pour ramener votre misérable argumentaire sur les coûts à ce qu’il vaut, ce que n’ignore même pas un élève de lycée, à savoir que le coût unitaire du kw installé diminue si la création en devient massive, et que c’est même la raison d’être d’une industrie digne de ce nom ?

D’ailleurs, il semble que l’Office Parlementaire aurait intérêt, pour son information, à se pencher sur les suggestions faites par des groupes d’experts autres que les promoteurs du nucléaire - en prenant par exemple connaissance des propositions de l’association Négawatt [1] Cela vous éviterait de vous polariser sur le « toujours plus » d’énergie à produire, alors qu’on change d’époque, et que le premier gisement à exploiter n’est plus ni le pétrole, ni le nucléaire, mais la maîtrise et l’économie d’énergie - le Watt qu’on n’utilise pas, ou « Négawatt ».

Vous l’évoquez bien sûr, à la fin de votre éloge inconditionnel du nucléaire, pour mieux l’étouffer dans vos conclusions, en remettant - étonnant pour un élu, puisque « gouverner, c’est choisir » (Mendès France !) - la clé d’une décroissance éventuelle du nucléaire entre les mains de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, alors même que vous voulez la contraindre à passer outre sur la sûreté des réacteurs, ce que malheureusement elle accepte trop facilement.

N’est-ce pas là favoriser, à la place d’une démocratie en bon état de marche, le poids d’un lobby technocratique (exploitants et CEA) ?

Comme tant de vos collègues, vous semblez en être resté à la fascination par la technique. Marqués à jamais par les mythes d’une certaine « modernité », celle des années 70-80 : le Concorde, le Nucléaire, les TGV, les Autoroutes, les OGM, et le mythe du Désenclavement !

J’espère, et nous sommes nombreux à espérer, que vos successeurs auront à coeur de faire preuve d’une meilleure maîtrise de ce concept, et d’une attitude plus rigoureuse et plus courageuse face aux innombrables lobbies économiques qui déferlent sur la planète depuis quelques décennies.

La campagne des élections présidentielles qui se développe a vu le problème écologique - dont l’énergie est un des éléments - remarquablement mis en avant. Je regrette d’autant plus que vous développiez à cette occasion le mélange des genres entre votre mandat électoral, qui a sa propre et respectable valeur, et les certitudes pseudo-scientifiques que vous assure la maîtrise de cet outil utile, mais discutable et certainement pas infaillible, que représente l’OPECST...

Avec l’expression de mes sentiments distingués,

Pierre Delacroix,
Agrégé de l’Université,
Capitaine au Long Cours,
Président d’honneur de France Nature Environnement,
Membre de la CLI du CNPE du Blayais.

 Source : France Nature Environnement www.fne.asso.fr

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Le rapport Stern, ou la stratégie néolibérale face au changement climatique. Qui va payer « l’échec sans précédent du marché » ? par Daniel Tanuro.

[1Site : www.negawatt.org.


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